C'est dans cette mosquée que se rassemblent la majorité des musulmans de Pékin durant le mois sacré. Dès les premiers jours du mois et même un peu auparavant, des calendriers sont distribués dans les principales mosquées et les restaurants musulmans. Tout y est précisé, du 1er jour du mois jusqu'à la fête : les horaires des prières, le coucher du soleil, la rupture du jeûne, des repas… selon les régions. Aujourd'hui, plus de 700 imams officiels dirigent les prières et donnent des prêches dans quelque 300 mosquées en Chine. L'Empire du Milieu (Beijing) a aussi ses imams femmes. Appelées nü ahong, elles exercent uniquement dans des mosquées pour femmes, les nü si. En fait, les lieux de cultes exclusivement destinés aux femmes ne datent pas d'hier. Ils remontent au XIIIe siècle. Leur apparition remonte à la dynastie des Yuan (XIIIe). Certains chercheurs l'attribuent à l'arrivée de nombreux musulmans d'Asie centrale ayant épousé des femmes autochtones. L'Empire du Milieu prône également la liberté du culte. Mais ceux qui pratiquent n'ont rien à envier à leurs coreligionnaires de La Mecque et du Caire. Ils passent des heures dans les mosquées à invoquer Dieu et se plongent dans une intense ferveur. Un f'tour très particulier Le f'tour à Beijing est assez particulier. Le repas riche en calories est généralement composé de sucreries, des gâteaux qui ressemblent à la Chebbakia, mais aussi la fameuse soupe chinoise à la vermicelle (appelée pang). Les fruits secs (prunes, abricot, noix, amandes…) sont consommés à volonté durant ce repas, de même qu'un pain spécial, le neng. C'est une variété de pain, rond, gonflé au milieu. Pour le plat de résistance, les Chinois raffolent des pâtes aux viandes durant le mois sacré. D'autres consomment plutôt des soupes au riz et des plats variés (œufs aux tomates, fromages chinois d'origine végétale…) Après le f'tour, les musulmans de Chine boivent beaucoup de thé avec une spécialité locale qui s'apparente au sellou. Le café n'est pas dans les habitudes du pays de Mao. En revanche, les rafraîchissements sont consommés à volonté: différents types de jus de fruits (raisin, pomme, orange, pêche…). A chaque Ramadhan, des repas de f'tour sont gracieusement servis dans les mosquées. De même, dans les universités chinoises, où il existe une communauté d'étudiants musulmans, le repas du shour est servi à l'ensemble des étudiants, toutes obédiences confondues. Autre particularité des musulmans chinois : la charité s'intensifie les dix derniers jours du mois sacré. La communauté organise des échanges inter régions: «Des voyages entre musulmans à Shanghai, Beijing, Yinchuan… ainsi que des causeries religieuses et débats sont tenus durant cette période», précise El Hajraoui. Et d'ajouter : «Cela permet aux musulmans de vivre leurs différences en communauté et en même temps découvrir leur pays dans la ferveur.» Les musulmans de Ningxia L'Islam chinois a plus de 1 200 ans d'histoire. La plus grande communauté musulmane est celle des Hui. Basés au nord de la Chine, les Hui comptent pas moins de 10 millions de fidèles. On les retrouve particulièrement dans la région autonome de Ningxia, les provinces du Gansu et du Henan. Les musulmans de Ningxia seraient des descendants de commerçants du Moyen-Orient qui empruntaient la Route de la soie sous la dynastie des Tang et des Chinois qu'ils avaient convertis. Les Hui ont leurs propres spécificités. Ils manifestent un attachement indéfectible à l'islam. Autrefois, les Hui faisaient partie des musulmans les moins orthodoxes. Ils fumaient et buvaient. Peu d'entre eux se laissaient pousser des barbes, et les femmes portaient rarement le voile. Entre-temps, l'influence des Wahabites est passée par là. Les mosquées sont bondées le vendredi ; le port du voile et de la calotte se généralise. Et les Hui sont de plus en plus nombreux à se rendre à La Mecque. Les jeunes étudiants musulmans de cette région s'inscrivent dans des universités au Moyen-Orient pour parfaire la maîtrise de la langue arabe, suivre des études islamiques, voire développer des affinités culturelles.