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Le vrai visage des Sawiris
Orascom
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 10 - 2010

Dans ses sorties publiques, ce puissant homme d'affaires proche des Moubarak, famille régnante sur l'Egypte, tente de se faire passer pour une victime du gouvernement algérien.
Mais pour comprendre les raisons de son acharnement à ternir l'image de l'Algérie à l'étranger, il est intéressant de revenir à la famille Sawiris.
Cette famille est propriétaires de deux grandes entreprises, la première, OTH, intervenant dans le secteur des télécommunications et la seconde, Orascom Construction and industry, et bénéficie d'une importante implantation en Egypte. Téléphonie mobile, cimenteries et complexe touristique à Charm Echeikh constituent les principales activités de cette famille au pays des Pharaons. Mais les ambitions des Sawiris ne s'arrêtaient par aux frontières de l'Egypte. Encouragés par le déclin de la téléphonie mobile, en termes d'attraits financiers, dans le monde à partir du début de l'année 2000, les Sawiris vont s'implanter, à faible coût, dans plusieurs pays pauvres du Moyen-Orient et d'Afrique. En 2001, les Sawiris flairent la bonne affaire en Algérie. Après plus d'une décennie de crise politique aggravée par de graves attentats terroristes, l'Algérie tente de relancer son économie en encourageant l'investissement étranger. Une licence de téléphonie mobile est mise en vente. Depuis le lancement de ses activités, l'opérateur public de téléphonie mobile n'arrivait pas à dépasser les deux cents mille abonnés et ne pouvait répondre à une demande immense faute d'investissement. Orascom Telecom Holding va alors bénéficier en 2001 de la seconde licence pour 737 millions de dollars. En tant qu'investisseur étranger, Orascom va bénéficier de multiples avantages fiscaux accordés par l'Agence nationale de développement des investissements de l'époque (ANDI). Cela se résume en des exonérations de droits de douanes et franchises TVA sur les biens et services, mais aussi sur l'impôt sur les bénéfices (IBS) et de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP). Le nombre d'années couvertes par ces avantages est déterminé par la loi en vigueur. Ne faisant face, presque, à aucune concurrence pendant trois ans sur le marché de la téléphonie mobile, Djezzy, filiale algérienne d'OTH, verra une croissance jamais connue par un opérateur dans un pays. En un temps record, le nombre d'abonnés se comptera par millions. Le chiffre d'affaires va ainsi dépasser les 1,7 milliard de dollars annuellement et les bénéfices à plus d'un demi-milliard de dollars. Rapidement, OTH va amortir ses investissements et réaliser d'importants bénéfices.
Mais après toutes ces années de forte croissance, OTH doit passer à la caisse. Les avantages fiscaux accordés par la loi sur les investissements ont été consommés. Les comptes financiers de Djezzy sont ainsi passés à la loupe par l'administration fiscale à partir de 2005. Le premier redressement fiscal touchera les exercices 2005, 2006 et 2007 avec un montant évalué à 600 millions de dollars. Pour certains analystes, et en rapport avec le chiffre d'affaires de Djezzy qui dépasse le 1,7 milliard de dollars annuellement, un redressement fiscal de 600 millions de dollars sur trois ans n'est pas exagéré. D'autant plus que tout le monde sait qu'une partie des activités de Djezzy se fait sans facturation (le cas du rechargement électronique flexy). Pour l'administration fiscale algérienne il reste à éplucher les comptes des activités des années 2008 et 2009. Récemment, et à partir de Londres et lors de la tenue d'un sommet sur les marchés émergents, Naguib Sawiris tentera d'expliquer le redressement fiscal de sa filiale algérienne Djezzy par l'administration fiscale en disant que « nous avons (Djezzy) atteint une part de marché de plus de 70% dans les télécoms où il y a trois acteurs. Nous sommes les plus grands et ils (gouvernement algérien) ont commencé à exercer des pressions sur nous pour la simple raison que nous étions les plus rentables et que nous avons réussi». Mensonges, N. Sawiris a omis de dire aux présents que son entreprises était presque seule sur le marché algérien pendant plus de trois ans (2002 à 2005). Ce n'est qu'à partir de cette dernière année qu'une seconde licence a été cédée au koweitien Watania Telecom et que le gouvernement algérien consent à autoriser Mobilis, l'opérateur historique, à mener d'importants investissements pour ne pas être éjecté du marché. Pour Sawiris, un opérateur étranger qui investit dans un pays du Tiers-Monde doit bénéficier du droit de ne pas payer ses impôts ou de frauder avec le fisc et violer la réglementation des changes du pays qui l'accueille.
L'escroquerie des cimenteries
Pour certains observateurs de la scène économique arabe, la famille des Sawiris fait plus dans la spéculation financière que dans l'investissement productif à long terme. Ce constat est conforté par l'affaire dite des cimenteries cédées au groupe français Lafarge. En 2003, deux ans après le lancement de Djezzy, les Sawiris vont flairer encore une fois la bonne affaire en Algérie. Encourager par les résultats réalisés dans le marché presque vierge de la téléphonie mobile, le Groupe Orascom se lance dans l'industrie du ciment. En 2005, l'industrie nationale du ciment, à 100% publique, arrivait juste à produire une dizaine de millions de tonnes. Une production qui arrivait difficilement à répondre à la demande du marché nationale. Le lancement d'un vaste programme de développement socioéconomique allait multiplier par deux la demande en ciment. Une opportunité qui sera saisie au vol par les Sawiris. Ces derniers vont alors présenter un projet de construction d'une cimenterie à Hamam Delaâ, wilaya de M'sila. En raison de l'implantation du projet dans une région des Hauts-Plateaux, Orascom va bénéficier d'importantes facilités et avantages fiscaux pour réaliser ce projet. D'une capacité de 4,5 millions de tonnes, la cimenterie de M'sila entrera en production à la fin de l'année 2004. En 2007, Orascom lancera un second projet de construction d'une nouvelle cimenterie dans la wilaya de Mascara. Capacité : trois millions de tonnes de ciment dont un demi-million de tonnes de ciment blanc. Encore une fois, les Sawiris vont bénéficier d'importants avantages fiscaux. Au moment où les cimenteries publiques arrivaient difficilement à augmenter leur production et à trouver des partenaires étrangers à hauteur de 35% du capital, le Groupe Orascom se retrouve à la tête d'une importante capacité de production de ciment avoisinant les 7,5 millions de tonnes. Pour le gouvernement, rien d'anormal à partir du moment où les Sawiris vont participer à répondre aux besoins sans cesse croissants en ciment du marché national. Mais l'électrochoc ne tardera pas à venir. Le 23 janvier 2008, et après plusieurs mois de négociations secrètes, le groupe français Lafarge rachète le groupe égyptien Orascom construction industrie pour un montant de 8,8 milliards d'euros. Dans cette transaction, les deux cimenteries algériennes, celle de M'sila et celle de Mascara ont été cédées à 1,7 milliard d'euros, soit plus de deux milliards de dollars. Côté gouvernement algérien, c'est la stupéfaction. Orascom, ce groupe égyptien qui a bénéficié de toutes les facilités de la part de l'Etat algérien pour s'implanter dans la téléphonie mobile, l'industrie du ciment, la construction et le bâtiment, y compris dans la pétrochimie, vient de franchir la ligne rouge. Les Sawiris viennent de s'arroger le droit de décider qui peut s'implanter dans le marché algérien et qui ne le peut pas. Une réaction au plus haut niveau de l'Etat ne tardera pas à venir. Le président de la République en personne dénoncera les failles de la loi régissant les investissements étrangers dans le pays. Un train de mesures est alors pris par le gouvernement pour prévenir à l'avenir ce genre de situations. Pour un économiste algérien, les Sawiris ont investi en Algérie pour spéculer et non pour s'implanter sur le long terme. L'affaire de la cession des cimenteries nous renseigne sur l'absence de transparence des activités d'Orascom en Algérie. Les Sawiris savaient que les autorités algériennes auraient bloqué cette transaction pour la simple raison que les caisses du Trésor public avaient perdu plusieurs milliards de dinars suite aux avantages fiscaux accordés. En clair, les Sawiris avaient empoché plus de deux milliards de dollars sans rembourser à l'Etat le montant des avantages accordés. L'affaire des cimenteries était une escroquerie d'où la colère du gouvernement algérien. Selon l'avis d'un observateur du marché algérien, Orascom préparait et depuis longtemps le terrain à la vente de son bijou, Djezzy. Les Sawiris voulaient en tirer le maximum de profit de cette vente. Certains disaient même que la valeur de Djezzy dépassait les 13 milliards de dollars. Rien que ça. Mais la cupidité des patrons d'Orascom aurait remis en cause le processus de vente de Djezzy. En ne voulant pas rater l'offre alléchante du groupe français Lafarge, les Sawiris se sont vu fermer toute possibilité de vendre Djezzy sans l'aval des autorités algériennes. A Londres, Naguib Sawiris dira que «la faiblesse de l'Etat de droit le dissuade d'investir dans des marchés émergents comme l'Algérie». A comprendre que seul un Etat de droit fort est celui qui permet à un investisseur national ou étranger de faire ce qu'il veut où il veut et quand il le veut sans rendre compte à aucune autorité. Un Etat fort pour les Sawiris est celui qui tolère les infractions à sa réglementation des changes et la fraude fiscale. Et à première vue, les Sawiris se sont trompés d'Etat en venant en Algérie. Réda C.


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