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Une dynastie royale prestigieuse (II)
Les Zianides au Maghreb central (1236-1554)
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 10 - 2010

De sa fondation, jusqu'à son extinction, le royaume des Banou Abdelwade compte, en tout, 39 souverains d'inégale valeur.
Les monarques Ziyanides
Le premier émir est, bien sûr, le fondateur Yaghmoracen Ibn Zayane – d'où le nom de cette dynastie – qui eut un long règne s'étalant de 1236 à 1283. C'est véritablement lui qui posera les fondations du royaume et assoiera l'Etat sur des bases solides. Quand il arriva au commandes de l'émirat, tout le pays était en proie à l'agitation. Mais, grâce à sa témérité, à son intelligence et à sa grandeur, il réussit à construire un Etat moderne et fort. En plus de ses qualités politiques et militaires, Yaghmoracen aimait beaucoup les savants, qu'il recevait en grand nombre dans sa cour et qu'il encourageait énormément.
Les Zianides eurent des échanges divers avec l'Espagne musulmane, et apporteront aides militaires contre la Reconquista. Les émirs nasride signèrent des traités de paix et des alliances avec les souverains Zianides, ils deviennent alors alliés contre les Espagnols et leur concurrent mérinide.
Les successeurs de Yaghmoracen ibn Ziyane les plus connus furent les suivants : Othmane Ibn Yaghmoracen (1283-1304), Abou Hammou Moussa (1353-1389), Abou El Hadjadj Youssef (1389-1393)Abou Zeyane (1393-1399), Abou Abdallah El Tensi (1401-1410), Abou Malek (1411-1425), Moulay Mohamed (1425-1435), Mohamed (1438-1460), Abou Zakaria (1460-1488), Abou Abdallah Mohamed (1488-1505) et Abou Abdallah Mohamed II (1505-1512), sous le règne duquel les Espagnols s'étaient emparé des principales villes maritimes comme Alger, Oran, Bédjaïa, Mers El-Kebir, Djidjel, Mostaganem, Ténès etc.
Essor de Tlemcen sous les Ziyanides
Malgré que Tlemcen soit coincée entre les Mérinides, à l'ouest, et les Hafsides, à l'est, et son territoire beaucoup moins vaste, ses monarques se dépensaient à résister à l'invasion des armées de ces deux royaumes et se devaient de faire face aux rébellions des tribus, notamment les Hilaliens. Tlemcen était, en vérité, l'une des villes les mieux protégées de son époque, malgré que le royaume ziyanide était moins riche que ses deux rivaux maghrébins, et moins fort militairement. Ajouté à cela, la prestigieuse cité n'avait pas de flotte. Tous ces éléments tendaient à prouver la bravoure des Tlemcéniens, et leur fierté de conserver leur royaume. Cela était une force qui a permis aux Zianides de perdurer durant plus de trois siècles.
Un commerce florissant
Sous la dynastie Abdelwadide, Tlemcen était la cité la mieux policée et elle trouva le moyen de devenir une cité commerciale et industrielle florissante. Le développement de son commerce était dû à sa situation, comme ville de passage et de transit avec l'Afrique subsaharienne, d'où elle recevait de l'or, de l'ivoire, des esclaves, du sel. En échange, elle exportait les objets manufacturés, des armes, des livres, des chevaux, des tissus…
Du début du XIIIe siècle et jusqu'à la seconde moitié du XVIe siècle, Tlemcen était considérée comme la ville la plus considérable du Maghreb. La métropole zianide comptait, entre ses murs, plus de 3 000 marchands venus de différentes contrées de l'Europe. A ce nombre venaient s'ajouter, à la même époque, d'autres populations, venues d'autres régions de l'Afrique. Le commerce était florissant et un témoin marseillais a rapporté que «les négociants étrangers s'établissent volontiers à Tlemcen parce qu'ils trouvent dans les mœurs tranquilles de ses habitants de grandes garanties de sécurité pour leur commerce. C'est pourquoi leur nombre est considérable» Même aux heures de crise, le royaume zianide ne cessa d'être fréquenté par les négociants, qui s'y approvisionnaient en produits de toutes sortes, et d'horizons divers, amenés par des caravanes le long des pistes jalonnées de puits. Tlemcen était, surtout, une place de transit pour les marchandises africaines et européennes.
Les commerçants de Tlemcen avaient la réputation d'être «pécunieux, opulents en possessions, hommes justes, ayant en singulière recommandation la loyauté et l'honnêteté de leurs affaires, et prenant merveilleusement grand plaisir à tenir la cité garnie», écrivait Léon l'Africain, au début du XVIe siècle. Il insistait beaucoup sur la loyauté renommée des commerçants de la capitale zianide.
Vie intellectuelle dans le royaume ziyanide
Tlemcen était aussi un grand centre intellectuel, qui attirait les savants et les artistes de toutes parts. Elle était un centre d'études musulmanes réputé, où l'on comptait 5 médersa renommées. C'était la ville des grands hommes, mystiques, et ses habitants se rappelaient Sidi Wahhab, sahabi venu à la suite du conquérant Oqba Ibn Nafaâ, et qui avait été enterré dans la ville.
Sidi Daoudi, le grand saint du Xe siècle, n'était pas en reste, sans parler de Sidi Boumediène, dont le tombeau attira de tout temps les pèlerins de tout le Maghreb.
Au sujet de la vie culturelle, l'historien Charles Brosselard, dans la fameuse Revue africaine, avait rendu un vibrant hommage aux Zianides, en écrivant ceci :
«Ils (les Ziyanides) laissèrent une trace brillante de leur passage, se distinguant par leur esprit d'entreprise, leur bravoure chevaleresque dans les combats, une politique habile et tolérante, et par la protection, aussi généreuse que éclairée, qu'ils accordaient au commerce, aux sciences, aux arts et aux lettres. Quelque chose de considérable nous frappe à leur égard, c'est qu'ils poursuivent, avec une invincible opiniâtreté, la réalisation d'un grand dessein qui consistait à organiser un État autonome dans des limites géographiques bien définies.»
Cet auteur a également défini la dynastie zianide comme «la mieux policée et la plus civilisée de son époque.»
Plusieurs princes zianides aimaient s'entourer de savants et d'artistes. Tlemcen avait la réputation d'une cité intellectuelle.
Terminons ce modeste article par l'évocation, faite par le grand savant et historien, Ibn Khaldoun, qui, en parlant de Tlemcen, notait : «On y cultiva avec succès les sciences et les arts ; on y vit naître des savants et des hommes illustres, dont la réputation s'étendit aux autres pays.»
Y a-t-il meilleur témoignage que celui de ce grand historien, parmi les meilleurs qu'a enfantés ce vaste sous-continent qu'est le Maghreb ?
(Suite et fin)


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