Avec les successeurs d'El Mostancer, la dynastie almohade ne fit que péricliter; l'un d'eux, El Mansour, à la suite d'une révolte à Tlemcen, confia le commandement de la ville aux Beni Abd el Ouad. Les souverains hafsides de Tunis, descendants du cheikh Abou Hafs, le principal appui d'Ibn Toumert après Abd el Moumen, répudièrent l'autorité des Almohades. Les luttes intérieures et l'anarchie allèrent toujours en s'aggravant; pendant ce temps, les Beni Abd el Ouad grandissaient et leur chef, Yarmoracen ben Zian, allait être le véritable fondateur de la dynastie Abdelouadite d'autre part, la puissance des Mérinides devenait formidable dans tout le Maghreb central jusqu'à Fès. Les Almoravides ayant protégé les juifs, les Almohades, au cours des luttes soutenues contre leurs adversaires, les exterminèrent après chaque victoire. Lors de la prise de Tlemcen, en 1146, la communauté juive fut dispersée ; il dut en être de même pour celle d'Oujda, si cette ville était déjà habitée par des juifs à cette époque, ainsi qu'il y a lieu de le croire. C'est pendant la première moitié du XII° siècle que les juifs furent contraints de se convertir en masse;: beaucoup se firent musulmans, quelques-uns se laissèrent massacrer plutôt que d'abjurer leur foi. La persécution s'atténua en 1185, après la mort d'Abd el Moumen, sans doute par besoin d'argent, parce que les juifs et les chrétiens payaient des taxes spéciales. Abou Youcef Yacoub el Mansour imposa aux juifs de longs vêtements noirs à larges manches. En 1198, En Naceur transforma leurs vêtements ; il les obligea à porter des turbans et de longs caftans jaunes. Cette mesure avait un caractère infamant ; elle était néanmoins une sorte de reconnaissance officielle du judaïsme dans le Maghreb extrême. Les chrétiens semblent avoir été mieux traité par les Almohades, beaucoup servirent cette dynastie. Les derniers temps de la dynastie almohade et l'avènement des Mérinides et des Abdelouadites L'Abdelouadite Yarmoracene ben Zian, qui avait à sa solde un corps de mercenaires chrétiens, soutint l'almohade Er Rechid dans sa lutte contre les Beni Mérine. Mais après la mort d'Er Rechid, survenue en 1242, les Abdelouadites tendirent de plus en plus à se rendre indépendants. Abou Lahcene es Saïd, frère et successeur d'Er Rechid, demanda à Yarmoracene de l'aider à abattre les Beni Merine ; Yarmoracene accepta et conduisit une armée dans l'ouest, mais, pris de méfiance et peut-être aussi à cause de son alliance avec le prince Hafside Abou Zakaria, il retourna à Tlemcen. Es Saïd ajourna sa vengeance et lit tous ses efforts pour restaurer l'empire almohade, il soumit les Beni Mérine, qui lui donnèrent des otages et, en avril 1248, il marcha sur Tlemcen. A l'approche de son adversaire, Yarmoracene alla s'enfermer avec sa famille dans Temzezdekt, où il espérait pouvoir resister plus facilement. Temzezdekt était une forteresse bâtie au sommet d'un rocher, au midi et non loin d'Oujda, à la limite de l'Angad et près d'Isly, un chemin très encaissé conduisait à cette forteresse. Telles sont, en résumé, les indications que l'on trouve dans Ibn Khaldoun, Abou Abdallah Mohammed et Tenessi, Léon l'Africain et Marmol. Or, le Mehacer des Beni Yala est exactement au sud d'Oujda, dont il n'est éloigné que d'environ 25 kilomètres, il est voisin du territoire des Angad et son accès est difficile ; il semble donc que les ruines couronnant le Mehacer doivent être celles de la forteresse de Temzezdekt. Yarmoracene essaya de parlementer avec Es Saïd, qui avait placé son camp sur les bords de l'oued Isly ; il lui fit promettre de le servir ponctuellement et avec zèle. Le sultan exigea que Yarmoracene vint faire sa soumission en personne, amis cette proposition ne lui fut pas communiquée selon Ibn Khaldoun ; suivant Abou Abdallah Mohammed et Tenessi il l'aurait rejetée. Es Saïd se porta donc en avant pour bloquer la montagne en mai-juin 1248. les évènements qui se produisirent ensuite ne sont pas très bien connus, il en existe plusieurs versions. Lorsque le sultan s'engagea devant ses troupes dans le chemin conduisant au château, il fut attaqué et tué par un certain Youcef, surnommé ech cheïtan (le démon) ; son vizir et le commandant de la milice chrétienne, connu sous le nom d'Akhou el Comte(le frère du comte), perdirent également la vie. Ibn Khaldoun rapporte que la nouvelle de ce malheur répandit le découragement parmi les assiégeants, qui abandonnèrent toutes leurs positions. Yarmoracene prévenu accourut auprès d'Es Saïd et, mettant pied à terre, il lui exprima de vifs regrets pour ce qui était arrivé ; comme il parlait encore, le sultan rendit le dernier soupir. D'après Abou Abdalla Mohammed et Tenessi on aurait simplement porté à Yarmoracene la tête de son ennemi. Les Abdelouadites s'emparèrent du camp des Almohades, ils y firent un riche butin. La tente du Sultan fut réservée à Yarmoracene, qui ordonna le transport du cors d'Es Saïd à El Eubad près de Tlemcen, où il fut enterré dignement dans le cimetière du marabout Sidi Boumedien. Yarmoracene alla s'enfermer les Beni Mérine profitèrent de cette défaite pour reprendre leur liberté ; ils ne tardèrent pas à se lancer à la conquête de la vallée de la Moulouya, pendant que les Abdelouadites se préparèrent à leur disputer les contrées voisines de Tlemcen. Les Beni Mérine firent enfin reconnaître leur autorité jusqu'à Fès. L'empire mérinide était fondé. Abou Yalia, le premier sultan de la dynastie, laissa aux juifs la liberté de leur culte moyennant de payement des impôts spéciaux et le port du costume jaune. Cette race n'en fut pas moins méprisée et pressurée et resta dans un état social des plus misérables. Les gens de Fès s'étant révoltés contre les Beni Mérine, l'Almohade El Morteda demanda à l'Abdelouadite Yarmoracene ben Zian de le soutenir ; celui-ci se porta sur l'Ouest avec son armée. Quand l'émir mérinide Abou Yahia eut connaissance de ce mouvement, il laissa quelques troupes autour de Fès, dont il faisait le blocus, et marcha contre l'armée abdelouadite. La rencontre eut lieu en 1250, près d'Oujda et sur les bords de l'oued Isly; les deux armées s'attaquèrent avec une ardeur peu commune. Yarmoracene ben Zian, qui était appuyé par un corps de Beni Toudjine, fut complètement battu; il s'enfuit à Tlemcen en abandonnant ses trésors et son camp; son parent Yarmoracene ben Tachefine fut tué. Depuis cette époque il y eut une longue série de luttes interrompues par quelques courtes trêves entre les Mérinides et les Abdelouadites. Les Mérinides étendirent leurs conquêtes jusqu'à Sidjilmessa(Tafilalet); les Abdelouadites, sous Yarmoracene, cherchèrent encore à les attaquer en 1257, ils se firent battre. Une tentative de Yarmoracene sur Sidjilmessa ne fut pas plus heureuse; le merinide Abou Yahia l'obligea à battre en retraite sur Tlemcen. Abou Youcef Yacoub, frère d'Abou Yahia, soumit tout le pays depuis le sous jusqu'à Oudjda et abattit complément l'autorité almohade. Vers 1259, Yarmoracene, dans l'espoir de se venger des échecs que lui avaient fait subir précédemment les Mérinides, se porta sur Taza ; il fut mis en déroute et regagna Tlemcen en dévastant Tafersit sur son passage.