Tout en rappelant la rencontre organisée l'an dernier autour du dialogue interculturel et le rôle des écrivains dans la promotion de la diversité et qui s'était avérée un grand moment d'échange et de débat, la chef de la Délégation de l'UE en Algérie, Mme Laura Baeza a expliqué, hier, dans son allocution d'ouverture que «la Délégation de l'Union européenne en Algérie a souhaité cette année renouveler l'invitation mais cette fois aux écrivaines pour ouvrir le débat sur la contribution des femmes à la pensée». Indiquant que «la problématique de la contribution des femmes à la pensée universelle reste toujours d'actualité, même si d'aucun ne peut contester le rôle des femmes et leur apport dans le développement des sciences», Mme Baeza ajoutera que «l'écriture constitue un des domaines où les femmes ont su imposer leur style et leur signature, avec comme particularité une sensibilité débordante. (…)». Pour l'oratrice, la rencontre qui se tient encore aujourd'hui à l'INSM est une occasion «d'enrichir ce dialogue interculturel qui se veut un moyen de rapprochement entre les intellectuels de part et d'autres de l'espace commun qui nous unis, la Méditerranée». Intitulée «revivre en écriture», l'intervention de Fatima Bekhaï ouvrira les débats concernant cet échange entre les femmes écrivaines du nord et du sud. Pour l'auteure de la trilogie Izuran, la situation de la femme écrivaine a évolué depuis cette époque où Ibn Roch s'inquiétait de sa condition. Si, dans les sociétés patriarcales, la culture est masculine et la culture féminine minoritaire, aujourd'hui, la voix des femmes est écoutée voire réclamée. «Les femmes ont contribué à l'évolution de la pensée», déclarera encore Mme Bekhaï. Revenant sur la condition des femmes du Maghreb, l'oratrice dira que «Ces femmes ne se contentent pas de parler et de raconter. Elles écrivent, publient et elles sont lues». Ce phénomène qui a commencé après la 1e Guerre Mondiale avec «l'accès à l'éducation» et la «maîtrise des langues» n'était, du reste, pas suffisant pour qu'ait lieu l'éclosion des écrivaines jusqu'à ce qu'elles aient enfin accès à un espace public. Aujourd'hui, les femmes ont investi tous les créneaux, y compris le domaine de la littérature, «elles dévoilent enfin ce qui était jadis chuchoté, elles dénoncent même. Ce sont des bâtisseuses en mots. Elles portent en elles l'histoire, elles revivent en écriture». L'auteure autrichienne Anna Kim qui intitulera son intervention «Balancing fiction and facts:on the difficulties of writing about present» (Le passage de la fiction aux faits et inversement : de la difficulté d'écrire sur le présent) abordera, pour sa part, cette difficulté de trouver les mots adéquats quand il s'agit de traduire une réalité déchirante, indiquant que «plus les mots sont forts, plus ils auront un lien avec la vérité (…)», précisant encore qu'«il est plus difficile de dire que d'inventer». Evoquant la liberté dans l'écriture, dans une communication ayant pour titre «Liberté…j'écris ton nom», d'après les récits de Fadhma Amrouche, Assia Djebar et Malika Mokkeddem, Ouarda Himeur dira comment les femmes sont parvenues à se libérer de leurs carcans moraux et sociaux grâce à l'écriture. Prenant pour exemple trois femmes, trois auteures et trois destinées, Mme Himeur dira comment chacune d'elles est parvenue à dire sa liberté. Pour l'intervenante, si Fadhma Amrouche est considérée comme la pionnière du récit autobiographique avec «Histoire de ma vie», un texte publié après la mort de son père, d'autres écrivaines se sont essayées à ce genre d'écriture mais sans, toutefois, parvenir à nous fournir cette information globale. Assia Djebar, dans La soif» ou L'amour la fantasia donne à lire des fragments de vie, il en est de même pour Malika Mokkeddem qui, dans Mes hommes fait le procès d'un père et d'une mère castrateurs, tout en assumant ses rapports avec tous les hommes qui ont gravité dans son existence (père, frère, amants…). En fait, «la brisure des amarres s'est faite par des indices en pointillés confiés sur la généalogie», expliquera Mme Himeur. Fatima Oussedik s'interrogera, de son côté sur ce «Que font les femmes des histoires de vie». Evoquant La grotte éclaté de Yamina Mechakra, la sociologue expliquera que «toute écriture de femme est une tentative de sortie de la grotte qui est un lieu d'enfermement. Les femmes, pour faire éclater cette grotte en cherchent l'issue et souvent, c'est par le biais de l'écriture». Si les interventions de la première journée ont tourné autour du thème du «Récit de vie comme expression de la réalité», avec la présence remarquée durant l'après midi de la Tunisienne Azza Fillali, de la Belge Françoise Lalande, de la Marocaine Rachida Madani et de l'Algérienne Zineb Laouedj, les communicatrices d'aujourd'hui tourneront autour de «La fiction comme expression du rêve et du changement».