«L'heure de vérité, déclare-t-il d'emblée, a sonné pour dévoiler à la communauté internationale les affres de la répression, de l'intimidation, de l'humiliation et des tortures qui sont infligées à nos compatriotes dans les camps de Tindouf (...) » Et d'entonner sur un ton alarmant : «Nos fidèles sujets à Tindouf, hommes et femmes, vieillards et enfants, ne cessent d'exprimer courageusement et avec de plus en plus de véhémence, leur opposition croissante à la répression et la tyrannie. Preuve en est que, malgré les contraintes du blocus étouffant qui leur est imposé, ils regagnent massivement leur patrie, le Maroc, se mettant spontanément en phase avec l'Initiative d'autonomie et l'esprit du projet de régionalisation avancée.» C'est à l'évidence pour lui aussi, une façon d'inverser les rôles et d'occulter sciemment la répression, réelle et continue, qui s'abat sur les militants sahraouis dans les territoires occupés, où 7 militants avaient été arrêtés la veille même de ce discours, et où un jeune manifestant de 16 ans a été assassiné par les forces de répression marocaines à Layoune, capitale du Sahara Occidental. On comprend que pas la moindre concession n'est officiellement à l'ordre du jour, pas même un geste humanitaire à l'égard des prisonniers sahraouis par exemple. Aucun signe probant en ce sens, hormis ce que peut laisser entendre cette déclaration dans laquelle Mohammed VI se dit «prêt à participer à la recherche d'une solution politique, juste et définitive tenant compte de l'intégrité territoriale du royaume», et hormis ce que peut laisser penser son absence remarquée dans les territoires occupés du Sahara Occidental («Provinces du Sud» pour les Marocains souverainistes), pour assister à la cérémonie annuelle. En définitive, il ne propose rien d'autre que le maintien du statu quo à tous les niveaux : il pose son «initiative d'autonomie» comme un principe sacré, et veut, à travers cette option, biaiser le processus de négociation en cours, en rejetant d'emblée toute allusion à la revendication principale du Polisario – et de ses alliés – relative à l'organisation d'un référendum d'autodétermination, pourtant adoptée par le Conseil de sécurité. L'Algérie, comme souffre-douleur Avec son ton menaçant, ce discours sonne comme un rappel, avant de passer sans doute à un autre style de langage, qu'il a l'habitude de se réserver dans pareils cas pour accentuer la pression et le jeu des chantages, au sujet notamment du Sahara Occidental. En s'en prenant indirectement à l'Algérie, en déclarant que «les adversaires du Maroc (…) persistent dans l'immobilisme, l'intransigeance et la division, au lieu de favoriser la dynamique, le dialogue et la concorde», le souverain alaouite ne fait que conforter l'acharnement médiatique orchestré contre l'Algérie depuis plusieurs mois. Cette campagne décrit l'Algérie comme l'ennemi à abattre et aussi comme une menace pour la stabilité de toute la région. Cette énième levée de boucliers prouve que le régime marocain n'espère plus à un changement en sa faveur, après les maintes tentatives et suppliques solennelles pour dégeler ses relations avec Alger, pour obtenir en priorité et illico la réouverture des frontières. Il y a deux ans, le roi s'était montré beaucoup plus conciliant, parce qu'il y a péril en la demeure : l'aggravation de la crise sociale dans les régions déshéritées que seul un éventuel retour des touristes algériens pourrait ranimer. Conscients qu'une telle situation met leur pays dans une position défensive, au plan régional et international, nos voisins n'avaient plus d'autre choix : l'instabilité interne risquait bien de déteindre dangereusement sur toutes les provinces du Sud occupées. Car ce n'est pas un hasard si le Polisario avait choisi ce moment pour durcir le ton et menacer de recourir aux armes. Ce que les Marocains feraient tout pour éviter ; pour cela ils aimeraient avoir des garanties ou en tirer, tout au moins, des dividendes. A défaut, les réquisitoires successifs du souverain peuvent servir pour entretenir l'illusion.