Le souverain marocain a tenu un discours extrêmement belliqueux vis-à-vis de l'Algérie dans une allocution adressée à ses sujets à l'occasion du 35e anniversaire de la Marche verte. La question du Sahara occidental traumatise l'héritier du trône alaouite. Il compte mettre en échec la résistance héroïque et pacifique du peuple sahraoui, qui rejette la domination marocaine dans les territoires occupés, à travers un discours dominateur, démagogique et mégalomane. «Il est révolu le temps des dérobades où certains pouvaient se soustraire à leurs obligations. L'heure de vérité a sonné pour dévoiler à la communauté internationale les affres de la répression, de l'intimidation, de l'humiliation et des tortures qui sont infligées à nos compatriotes dans les camps de Tindouf, en violation flagrante des principes les plus élémentaires du droit international humanitaire», a déclaré, samedi, Mohammed VI dans un discours destiné à son peuple. Les réfugiés des camps de Tindouf sont devenus le nouvel enjeu de la politique marocaine au Sahara occidental pour tenter d'imposer son plan de large autonomie. Après avoir chassé tout un peuple de sa patrie en lui infligeant une répression féroce afin de tenter de le soumettre par la force, l'héritier de feu Hassan II se découvre subitement des vertus de défenseur des droits de l'homme. «Face à cette situation dramatique, Nos fidèles sujets à Tindouf, hommes et femmes, vieillards et enfants, ne cessent d'exprimer courageusement et avec de plus en plus de véhémence, leur opposition croissante à la répression et la tyrannie. Preuve en est que, malgré les contraintes du blocus étouffant qui leur est imposé, ils regagnent massivement leur patrie, le Maroc, se mettant spontanément en phase avec l'Initiative d'Autonomie et l'esprit du projet de régionalisation avancée», poursuit dans son exposé le monarque marocain. Mohammed VI veut récupérer les réfugiés de Tindouf: des citoyens marocains pris en otage par les Algériens, veut-il faire croire. N'était-ce le drame que vit le peuple sahraoui, la situation tournerait au tragi-comique. Mais ne dit-on pas que «le ridicule ne tue pas»? Une fois de plus, le roi du Maroc ne craint point de s'en couvrir. Pris dans la tourmente de ses arguments, son harangue se détraque: «Nous n'abandonnerons jamais Nos fidèles sujets dans les camps de Tindouf, ni où que ce soit ailleurs. Nous ne ménagerons aucun effort pour qu'ils puissent exercer leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté d'expression, de mouvement et de retour à leur mère-patrie», ajoute-t-il. A qui s'adressait Mohammed VI? Aux sept militants des droits de l'homme qui ont été arrêtés en octobre 2009 sur le tarmac de l'aéroport de Casablanca après leur retour d'un séjour parmi leurs familles des camps de réfugiés sahraouis de Tindouf et qui continuent de croupir dans les geôles du royaume au même titre que des centaines de leurs concitoyens? A moins que le souverain alaouite ne tente de remettre en cause les condamnations des ONG internationales visant sa politique de répression au Sahara occidental, notamment en ce qui concerne l'assassinat de l'adolescent de 14 ans abattu par les militaires marocains près de la ville occupée d'Al Aâyoune. «Il y a des éléments troublants dans cet homicide qui doit faire immédiatement l'objet d'une enquête transparente [...] Les autorités marocaines doivent faire la preuve qu'elles n'ont pas violé les normes des Nations unies relatives à l'utilisation des armes à feu...», avait souligné Amnesty Internatio-nal dans un communiqué rendu public le 28 octobre 2010. Le roi est pris en flagrant délit. Il nie cyniquement. Délire ou paranoïa, la frontière ténue entre ces deux perturbations, du système de pensée, sont révélatrices des dérapages verbaux dangereux et sans cesse répétés par le pouvoir marocain vis-à-vis de l'Algérie. Pour se sortir du bourbier dans lequel il s'est enfoncé depuis l'annexion du Sahara occidental en 1975, Mohammed VI met en cause, sans gêne, et de façon provocatrice son voisin algérien en s'adressant effrontément aux organisations des droits de l'homme. «Nous les engageons à prendre leurs responsabilités en mettant un terme à la violation persistante des conventions internationales humanitaires par l'Algérie qui a créé une situation aberrante inédite, notamment en refusant d'autoriser le Haut Commissariat aux réfugiés à assurer le recensement et la protection des populations des camps.» Ce type de discours n'est en réalité qu'un aperçu de l'atmosphère dans laquelle baigneront les négociations entre le Front Polisario et le Maroc, qui débuteront demain à New York. «Notre pays ne tolérera aucune violation, altération ou mise en doute de la marocanité de ces zones (les territoires occupés Ndlr), pas plus qu'il n'admettra de menées provocatrices visant à imposer le fait accompli ou à modifier le statu quo», a prévenu Mohammed VI qui ne jure que par la marocanité du Sahara et à qui convient le «statu quo» dénoncé par Christopher Ross, l'envoyé spécial de l'ONU au Sahara occidental. Quant au fait accompli, le monarque marocain vient d'en célébrer le 35e anniversaire. Il n'est pas à une incohérence près.