Au 1er novembre de cette année 1954, la guerre d'Algérie commençait. Face à l'organisation armée dont les troupes ne pouvaient guère dépasser les trois mille hommes, principalement implantés en Kabylie et dans les Aurès, pourvus d'un armement dérisoire, et sans moyens logistiques. En ce temps-là, comment l'armée française se présentait-elle ? Les troupes militaires stationnées en Algérie étaient réparties en trois circonscriptions adaptées aux départements d'Alger, Oran et Constantine. Le gouverneur générale disposait outre l'armée, de la police et de la gendarmerie pour l'application des mesures du «plan de protection» établi par les autorités civiles et militaires. Ce plan visait, entre autres à : - cataloguer les points à garder en y affectant les effectifs nécessaires, - organiser la recherche de renseignement, - fixer les plans de liaisons et de transmissions, - définir les responsabilités. Parmi les points dits sensibles, les exploitations agricoles des colons se taillaient une bonne place (environ 5 000) ; le reste (environ 7 500) concernait les centrales électriques, barrages, installations portuaires, ouvrages d'art, dépôts, etc. La police urbaine était très bien étoffée, un peu moins bien, dans les petites localités et les bourgades. En revanche, la direction de la sûreté en Algérie, aux ordres du préfet Vaujours, était un organisme de qualité, disposant d'un service de renseignement (PRG) performant. Il leur était possible de suivre de très près, dans les villes, l'évolution de la situation et l'évaluation des forces des partis nationalistes. La gendarmerie disposait, elle, de 2 500 gradés répartis dans les brigades territoriales et de 8 escadrons de gendarmerie mobile. Les casernes, organisées en «maisons fortes», étaient dotées de poste radio émetteur-récepteur permettant des liaisons permanentes. Ces brigades formaient l'ossature d'un quadrillage administratif et militaire de toute l'Algérie. L'armée française en Algérie était dénommée Xe Région militaire. Elle était composé de 50 000 hommes en novembre (troupes sahariennes non comprises). Pour le «maintient de l'ordre», le général commandant la Xe Région militaire disposait de 3 bataillons de zouaves, 3 régiments de tirailleurs, 1 régiment de parachutistes, 3 bataillons d'infanterie, le dépôt de la Légion étrangère, 4 régiments de cavalerie blindés, 1 escadron de spahis, soit au total, 19 bataillons et 12 escadrons. A cet effectif de l'année 1954, il faut ajouter ceux de l'artillerie, du génie, des transmissions et du train, qui pouvait assurer la garde de leurs cantonnements et des points sensibles. A cette date, les unités d'infanterie et de cavalerie, seules capables d'assurer à une grande échelle la répression, disposaient de 14 000 hommes. Dès le mois d'octobre, les militaires renforcent la zone frontalière algéro-tunisienne, où des «incidents» avaient été signalés, avec 2 bataillons de parachutistes, trois éléments légers d'infanterie et un escadron de blindés avec mission de détruire tous les «rebelles». La mise en place de ces unités fut terminée le 16 octobre 54 à minuit. A cette date, le général commandant la Xe Région ordonna la création, aux 1er et 3e régiments de tirailleurs, d'une unité légère montée susceptible d'actions rapides. Il demanda un renfort immédiat en cadres et 500 mulets pour la mise sur pied dans les trois régiments de tirailleurs et au 1er régiment de Légion d'un bataillon type muletier, et l'autorisation de créer deux escadrons de spahis et une compagnie portée saharienne. De son côté, le gouverneur général demanda au gouvernement l'envoi de CRS et la possibilité de mettre sur pied des goums algériens avec des cadres de l'armée. Deux secteurs opérationnels furent créés, l'un à Souk Ahras, aux ordres du colonel commandant la subdivision de Bône (Annaba), l'autre à Batna, aux ordres du colonel commandant cette subdivision. Le 26 octobre, le directeur de la sûreté fit état d'un renseignement, jugé inestimable, lequel, outre l'armée, provenait du comité arabe du Caire ordonnant le déclenchement à très bref délai d'un soulèvement généralisé en Algérie. Le 27 octobre, le général commandant la Xe Région prit, sur ordre du gouverneur général, le commandement interarmes en Algérie ; il ordonna la mise sur pied immédiate de 2 bataillons de marche de tirailleurs et demanda la mise en alerte d'éléments de la 25e division d'infanterie parachutiste de Pau (France), ce qui fut accordé. Une tranche du plan de protection fut appliquée dans le Constantinois à l'est de la ligne ferroviaire Skikda-Constantine-Batna-Biskra, avec un contrôle de la circulation et des transmissions. De son côté, le gouverneur général demanda en urgence 5 escadrons de gendarmerie mobiles et de 2 compagnies républicaines de sécurité. Il décida que le maintien de l'ordre dans les villes serait assuré par la police, la gendarmerie et les CRS. Les journées précédent le soulèvement et la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 ne furent marquées par aucun incident notable. L'avant-veille, 29 octobre, à la préfecture de Constantine, les sous-préfets, administrateurs et maires déclarèrent qu'ils ne possédaient aucun indice d'un probable soulèvement très proche. (Suite et fin)