La journée s'est achevée mieux qu'elle n'avait commencé le 13 décembre à l'hôtel du Golf d'Abidjan. Aux abords de ce vrai camp retranché en bordure de lagune, où réside sous bonne garde Alassane Ouattara, les barrages érigés dès l'aube par les FDS (Forces de défense et de sécurité) ont été levés en fin d'après-midi. Sur le boulevard en contrebas, la circulation était alors d'autant plus fluide que rares étaient les automobilistes osant se risquer dans ces parages. Devant l'hôtel, clos de barbelés, circulaient pêle-mêle Casques bleus des contingents jordaniens, bangladeshis ou togolais et autres ex-rebelles des Forces nouvelles, lance-roquettes à l'épaule, goûtant le calme revenu après une journée très tendue. Garés ici et là, des blindés blancs des Nations unies, des pickups armés de mitrailleuses, tout un arsenal venu en renfort à la suite d'un accrochage entre ex-rebelles des Forces nouvelles et FDS ayant fait plus de bruit que de mal, les premiers voulant, sans y parvenir, forcer un barrage des seconds. Pour la première fois depuis le second tour de la présidentielle, gardes prétoriennes des camps Gbagbo et Ouattara se sont défiées hier, armes à la main. Et c'est en l'air que les premières balles ont été tirées. Hier soir, la télévision nationale ivoirienne a annoncé le prolongement pour une semaine du couvre-feu qui est cependant allégé. Jusqu'à cette date, il allait de 22h à 6h du matin. Depuis hier et pour une semaine encore, il ira de minuit à 5 heures du matin. La partie d'échecs à l'ivoirienne Les deux camps ivoiriens sont actuellement engagés dans une partie d'échecs où chacun tente de pousser l'autre à la faute tout en gardant l'initiative des actes et des déclarations. Hier, sans engager une confrontation directe, l'armée fidèle à Laurent Gbagbo a imposé un blocus sur l'hôtel du Golf. « Une provocation qui n'entame pas notre sérénité», selon Guillaume Soro. Et pour reprendre la main, le Premier ministre d'Alassane Ouattara a promis une sérieuse évolution de la situation à partir de demain : «Ici tout le monde est d'accord que le président Alassane Ouattara a été élu. Il faut qu'il puisse entrer dans ses prérogatives effectives. Dans cette circonstance, le gouvernement que je dirige au grand complet, nous prendrons nos véhicules et pacifiquement nous irons à la Radio télévision ivoirienne et le vendredi nous serons à la primature dans les locaux pour le premier conseil de gouvernement là-bas.» En l'état actuel, il est bien difficile de dire s'il s'agit d'un coup de bluff ou d'une annonce qui sera suivie d'effet. Quoi qu'il en soit, Guillaume Soro en appelle encore et toujours à l'esprit républicain des forces de défense et de sécurité et met au défi ceux qui voudraient l'arrêter d'oser un acte qui ne manquera pas d'être condamné internationalement. De leur côté, les 27 ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, réunis, lundi à Bruxelles, ont décidé d'accroître la pression sur le régime de Laurent Gbagbo. L'Union européenne a opté pour des sanctions ciblées contre le camp Gbagbo. Enfin conséquence du blocage des institutions ivoiriennes depuis deux semaines, le procès sensible des ex-dirigeants de la filière cacao qui devait avoir, hier, a été repoussé pour la troisième fois. Report au début de l'année prochaine.