Cet été, l'économie chinoise a dépassé celle du Japon. Celle de l'Amérique est encore loin devant mais au rythme actuel, la Chine la rejoindra en 2027 pour devenir la première économie du monde. Ensuite ? Ensuite, normalement les courbes devraient s'infléchir et les économies émergentes, une fois émergées, devraient ralentir. On l'a vu en Europe ou au Japon après la Seconde Guerre mondiale: ces pays ont presque «rattrapé» les Etats-Unis, puis leur croissance a fléchi. C'est un phénomène normal que les économistes expliquent en disant que les pays «rattrapent» en important les meilleures machines et les meilleures méthodes de management du pays qui est «en avance». Leur productivité grimpe et la croissance y est plus forte. Plus le pays est loin du niveau, plus les machines changent sa situation et plus il rattrape vite. Puis, arrivé «à la frontière», le processus de copie s'arrête et la croissance se normalise. On pouvait penser que ce raisonnement s'appliquerait à la Chine, à l'Inde, au Brésil et à tous les pays émergents. Leur vitesse de rattrapage devrait aller en ralentissant. Or ce n'est pas ce qui se passe, au contraire. La crise financière dans laquelle nous sommes plongés depuis deux ans en est à l'origine. Elle a ralenti la croissance dans les pays développés pour longtemps et le rattrapage des émergents semble aller au contraire en s'accélérant. Plusieurs moteurs de développement Derrière le développement, il y a en effet plusieurs moteurs en marche, et pas seulement la copie technologique et managériale, comme le rappelle Patrick Artus, économiste en chef de Natixis. Il y a aussi l'élévation du niveau d'éducation: en Chine, le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur est passé de 2 millions en 2002 à 7 millions en 2008; au Brésil, il est passé de 500 000 à un million. Il y a aussi les migrations des campagnes vers les villes qui apportent leur flot continu de main d'œuvre bon marché. Pour cette raison, les salaires restent sous pression; ils montent mais les coûts salariaux des pays émergents demeureront encore longtemps compétitifs par rapport à ceux des pays riches. De plus, la capacité d'endettement des ménages, encore très faible, peut, en grossissant, booster la croissance. Certes, le développement n'est pas sans risque, la trajectoire n'est pas droite. On craint depuis vingt ans (depuis toujours ?) une explosion sociale en Chine à cause d'une contradiction entre le centre et les régions et d'une autre entre la liberté économique et l'absence de liberté civile. En Inde, au contraire, pour certains, c'est la démocratie dans une société de classes qui devrait conduire à la paralysie. Ces écueils ont été évités mais il n'existe aucune garantie qu'ils le soient toujours. En outre, deux autres dangers se présentent, menaçants: l'augmentation du prix des matières premières qui pourrait couper l'herbe sous le pied de ces pays encore très dépendants et une hausse trop rapide des taux de changes (on le voit au Brésil) qui pourrait sérieusement remettre en cause la compétitivité des émergents.