L'Europe a reçu mercredi une nouvelle gifle qui fait mal. Trois années après la crise du gaz avec l'Ukraine, le même scénario des coupures de gaz russe se répète. Mercredi, après une semaine de crise russo-ukrainienne, le gaz russe n'est plus envoyé aux consommateurs de l'Europe, notamment l'Europe de l'Ouest. La Russie avait suspendu, le 1er janvier, l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine, faute d'un accord sur le prix pour 2009 et sur des arriérés de paiement. Cette situation affecte plusieurs pays de l'Union européenne, car environ 80% des exportations de gaz russe destinées à l'Europe transitent via le territoire ukrainien. Cette seconde crise du gaz russe met en fait en évidence l'extrême fragilité de la coopération gazière avec la Russie. Pour les Européens, c'est le moment de mettre en pratique les projets de diversification des sources d'approvisionnement, mais également les projets de production et d'acheminement de gaz, même des lointains champs asiatiques. Avec en toile de fond la fin de la dépendance du gaz russe, même si la part de la Russie dans les approvisionnements de l'Europe n'est que de 25%. La crise, selon des analystes, est beaucoup plus liée à des considérations politiques. Pour autant, les projets de diversification des approvisionnements en gaz du Vieux Continent redeviennent d'actualité dans une Europe qui grelotte. Le nouveau conflit gazier pourrait ainsi «relancer le débat au sein de l'UE sur le développement du nucléaire et la demande de certains pays d'une mutualisation des stocks de gaz», estime un expert. Le nucléaire pourrait, selon des experts en énergie, constituer la grande alternative en Europe de l'Ouest notamment aux sources d'énergie fossile, pétrole et gaz. La France, l'Allemagne et dans une moindre mesure l'Italie ne souffrent pas tellement de l'arrêt des approvisionnements de gaz russe, car elles produisent leur propre énergie, particulièrement pour l'électricité et le chauffage à partir des centrales nucléaires. Qu'importe ! ils ont quand même besoin de gaz pour leurs industries. Et, au sommet du mois de mars prochain, les Européens devraient ressortir des tiroirs les vieux projets qui étaient jugés un peu trop coûteux. Lors de leur sommet de mars prochain, les dirigeants de l'UE devraient entériner une stratégie détaillée de diversification des fournisseurs énergétiques, proposée par la Commission. Pour le gaz, Bruxelles préconise ainsi de définir des «mesures d'urgence», en cas de menace sur l'approvisionnement. Globalement, la stratégie européenne privilégie les importations non-russes, en essayant de développer ses relations avec les pays d'Asie centrale et du sud de la Méditerranée. L'Algérie, qui fournit actuellement près de 11% du gaz consommé en Europe, pourrait constituer une alternative sérieuse et durable après l'achèvement du projet de Medgaz, le 3e après celui du GME (gazoduc Maghreb-Europe), qui transite par le Maroc, et le Transmed (transméditerranéen) qui passe par la Tunisie pour approvisionner l'Italie et une partie de l'Europe communautaire. Medgaz, qui relie la ville algérienne de Beni Saf et celle espagnole d'Almeria, portera à plus de 60 milliards de mètres cubes les approvisionnements en gaz algérien pour les consommateurs européens. Et, comparativement au pétrole, le gaz reste l'une des sources d'énergie les plus propres, avec un confort d'utilisation et un coût moindre. Par ailleurs, les Européens veulent déterrer tout particulièrement le projet Nabucco, un gazoduc de 3.300 km évitant la Russie, qui vient de Turquie pour aboutir en Autriche, en passant par les pays des Balkans. Mais, son approvisionnement est encore loin d'être assuré. Concrètement, «la relation énergétique à nouer avec Moscou reste l'un des principaux clivages entre Européens», souligne Thomas Gomart, directeur du Centre Russie à l'Institut français des relations internationales. Les grands groupes énergétiques français, italiens, ou allemands ont encore tout récemment signé des accords d'approvisionnement de longue durée avec le géant gazier russe Gazprom. Certains sont également très impliqués dans deux méga-projets de gazoducs poussés par Gazprom (North Stream et South Stream). Des négociations en ordre dispersé qui font mal à une politique concertée européenne en matière d'approvisionnement en gaz. La seconde crise du gaz entre Kiev et Moscou sonne en fait le glas d'une relation durable avec le géant gazier russe, dont la politique commerciale se confond avec la politique étrangère du Kremlin. Des pays comme l'Algérie ou le Nigeria ont d'énormes opportunités pour faire partie des projets de diversification des sources d'énergies fossiles pour le marché européen, estiment des experts.