La crise gazière opposant la Russie à l'Ukraine a connu hier une nouvelle tournure risquant de compromettre les pourparlers entre ces deux parties. Le vice-président du géant gazier russe Gazprom, Alexandre Medvedev, a accusé hier l'Ukraine de « voler 35 millions de mètres cubes de gaz par jour ». Le porte-voix de Gazprom a demandé également à l'Ukraine de payer ces quantités de gaz « volées », en plus des arriérés accumulés par l'Ukraine et qui se chiffrent à plus de 600 millions de dollars. Kiev devra rembourser aussi à Gazprom une dette globale évaluée à deux milliards de dollars. « Si l'on fait le total du gaz ponctionné sur le pipeline pour l'exportation et celui pris dans des stockages souterrains, le total du gaz pris par Naftogaz (la compagnie ukrainienne) dépasse 35 millions de mètres cubes par jour », a tempêté le représentant de Gazprom lors d'une conférence de presse à Prague. Ferme, ce même responsable a averti dans la foulée que « tout le gaz qui a été pris illégalement devra être payé », en plus de ce que doivent déjà régler les Ukrainiens, soit « 600 millions de dollars ». Ce n'est pas la première fois que le pays de Dmitri Medvedev accuse l'Ukraine de « voler » le gaz russe transitant par son territoire. L'accusation n'est qu'une simple rediffusion du fameux scénario connu en 2006 et lors duquel la Russie avait ouvertement accusé Kiev de « voler » son gaz destiné à l'Europe. En 2006, la crise russo-ukrainienne « acte I » avait provoqué de sérieuses perturbations dans les livraisons à destination de plusieurs pays de l'Union européenne. Moscou a mis en exécution ses menaces contre l'Ukraine et a coupé jeudi dernier l'approvisionnement en gaz, faute d'un accord sur le prix des livraisons pour 2009 et sur des arriérés de paiement. Les Européens, eux, ont émis de vives craintes, appelant à la reprise du dialogue aux fins d'éviter la répétition du scénario de 2006. Hier, plusieurs Etats européens ont commencé à ressentir la chute dans les livraisons russes en gaz. Les acheminements à destination de la Roumanie ont baissé de 30% et de 6% vers la Pologne. Les livraisons de Bulgarie ont diminué, elles aussi, de 10 à 15%, tandis que celles de la Hongrie n'étaient pas affectées durant la journée d'hier, selon les informations diffusées par les opérateurs polonais Gaz-System, bulgare Bulgargaz, roumain Transgaz et hongrois MOL. En réponse aux accusations émises par la partie russe, la société ukrainienne Naftogaz a répliqué vendredi que « l'Ukraine ne vole pas de gaz russe destiné à l'Europe et transitant par son territoire ». Naftogaz est allée jusqu'à accuser les Russes de « ne pas livrer les quantités prévues à destination de leurs clients européens ». Plainte contre Kiev Le représentant de la présidence ukrainienne pour la sécurité énergétique, Bogdan Sokolovski, a estimé hier que le différend gazier entre la Russie et l'Ukraine risque d'entraîner des « problèmes très graves » pour le transit du gaz russe vers l'Europe « dans environ dix jours ». « Si la partie russe ne livre pas plus de gaz qu'actuellement, dans environ dix jours, il peut y avoir des problèmes technologiques très graves » concernant le transit du gaz russe vers l'Europe, a déclaré le représentant de la présidence ukrainienne. Pour contourner l'Ukraine, Gazprom a annoncé chercher des itinéraires alternatifs d'acheminement du gaz vers l'Europe. Seconde option : Gazprom a annoncé hier qu'il allait déposer plainte auprès du tribunal d'arbitrage de Stockholm pour demander à la compagnie ukrainienne Naftogaz d'assurer le transit de gaz vers l'Europe. La présidence tchèque de l'Union européenne a affirmé hier à Prague qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter pour l'instant du conflit gazier entre Moscou et Kiev en annonçant le prochain envoi d'une mission d'experts. « Il n'y a aucune raison de se sentir en danger quant aux prochaines livraisons, les stocks sont pleins (...) Nous sommes en sécurité, il n'y pas de problèmes énormes pour l'instant », a déclaré Alexandre Vondra, le vice-Premier ministre tchèque chargé des Affaires européennes au cours d'une conférence de presse à Prague. « Nous envisageons d'envoyer un groupe d'experts la semaine prochaine », a-t-il dit, se refusant à fournir d'autres détails sur le programme de cette mission qui comprendra, selon lui, des représentants tchèques et européens. « La Russie et l'Ukraine doivent agir rapidement... Il n'y a aucune autre façon de résoudre le conflit », a estimé le dirigeant tchèque qui a rencontré samedi à Prague le vice-président du géant gazier, Alexandre Medvedev, après avoir reçu vendredi une délégation ukrainienne. « Nous refusons de prendre partie dans la dispute (entre Moscou et Kiev) ; c'est un différend commercial, nous ne connaissons pas tous les détails de tous les contrats, qui sont confidentiels », a-t-il ajouté en regrettant ce « manque de transparence ».