La crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine évolue vers une vraie crise politique entre l'UE et la Russie. L'UE a parlé, vendredi et samedi, de sanctions contre la Russie. Le Kremlin, lui, affirme qu'il s'agit d'un conflit commercial avec l'Ukraine. Le ballet diplomatique entre Moscou, Kiev et les capitales européennes se poursuit. Vendredi, au même moment où le Premier ministre russe Vladimir Poutine a déclaré à Berlin « nous ne devrions pas politiser la crise du gaz », Johannes Laitenberger, porte-parole de la Commission européenne (énergie), a précisé à Bruxelles que « si la crise du gaz continue la semaine prochaine - lundi - nous devons revoir point par point nos relations avec la Russie et l'Ukraine... la situation est grave et dépasse la seule question du gaz ». C'est dire le niveau des dommages collatéraux de cette « guerre » du gaz sur la coopération Russie - UE. Samedi, les pourparlers entre L'Ukraine et la Russie se sont poursuivis à Moscou entre les Premiers ministres des deux pays, alors que la présidence tchèque de l'UE a proposé l'envoi d'une mission diplomatique au Kremlin. En parallèle à ce ballet diplomatique, l'Europe comme la Russie ont engagé un processus de réorganisation technique, voire de restructuration des acteurs de la production énergétique. Ainsi, le groupe Gazprom s'est rapproché en fin de semaine des groupes européens ENI (Italie), E.ON (Allemagne), GDF (France) et Wingaz (Européen) pour s'entendre sur les modalités techniques qui permettent l'arrivée du gaz russe aux Européens sans possibilités pour l'Ukraine de siphonner au passage le produit. Cette opération technique, si elle dure, risque de mettre l'Ukraine dans une situation de crise majeure. Les déclarations des responsables politiques européens laissent entendre que l'UE ne veut pas faire les frais de l'affrontement russoukrainien. Les conséquences de cette pénurie de gaz frappent durement les citoyens et les économies des pays d'Europe centrale et orientale et commencent à toucher le reste de l'Europe. L'UE qui, techniquement, dispose de stocks de réserve pour tenir entre 2 et 3 mois, manifeste ses inquiétudes. Après avoir soutenu, indirectement, l'Ukraine et laissé croire qu'il s'agit d'un simple différent commercial bilatéral qui va vite se régler, l'UE s'implique depuis jeudi dernier, directement, dans la crise et devient à la fois acteur et victime de la crise. La situation est d'autant plus pressante qu'il reste mois d'un mois à la tenue du Sommet UE - Russie, sommet qui sera consacré, essentiellement, au renouvellement du Partenariat énergétique stratégique. Certains observateurs n'excluent pas que le vrai objectif des Russes au travers de cette crise est d'arriver dans une position de force à la table de négociations avec les Européens lors du prochain sommet. Si, dans la forme, la Russie comme l'Ukraine ont des arguments légitimes (le prix pour les Russes et le droit de transit pour les Ukrainiens), dans le fond, il s'agit d'un affrontement politique et géostratégique entre Russes et Européens. Il y a la perspective de l'adhésion de l'Ukraine (et de la Géorgie) à l'UE ainsi qu'à l'Otan. Longtemps durant, la Russie a subi les politiques européenne et américaine avant d'opter pour l'initiative. Les enjeux liés à la sécurité énergétique des uns et des autres sont si importants qu'il n'est pas exclu de voir dans cette crise, les prémices d'affrontement sur bien d'autres plans entre la Russie et l'Europe. Par ailleurs, il ne faut pas croire que les autres fournisseurs de gaz à l'Europe, telle l'Algérie, puissent combler totalement le manque. De plus, la Russie a rejoint la Charte de Doha qui oblige les pays membres à un minimum de concertation et de solidarité en cas de crise qui toucherait l'un ou l'autre membre. C'est dans ce sens que vouloir profiter de cette crise pour augmenter ses livraisons vers l'Europe serait une grande erreur tactique de la part d'un pays comme l'Algérie et une « inélégance » politique et diplomatique. Si l'Algérie souhaite « marchander » quelques offres supplémentaires à l'UE, elle ne peut le faire sans concertation avec les autres membres de la Charte du gaz. C'est même la raison de son existence. L'Europe, elle, malgré quelques désaccords tient à la solidarité entre ses membres. La preuve, elle multiplie les rencontres au Sommet pour dénouer la crise.