Voilà un ouvrage (plus précisément un double opuscule) qui nous apporte, encore une fois, la preuve qu'un traitement serein de l'histoire locale est à même de revigorer le patriotisme citoyen. En tout état de cause à renforcer les liens des personnes avec leur terroir et partant avec le pays tout entier. Dans sa première partie, le livre traite de la cité côtière de Béni-Saf. Béni-Saf, une ville qui n'a point surgi du néant. Elle est même le fruit «d'un accouchement au forceps» si l'on prend en considération le paysage tourmenté qui lui sert d'assiette et de décor. L'agglomération doit sa naissance à la mer et au fer. Mer et fer. Deux mots qui, assemblés, constituent un titre abrégé, simple, commode à se remémorer. Mais également deux mots qui véhiculent et répercutent intégralement toute l'âme et l'altérité d'une ville. Un creuset où sont venus se mélanger pauvres hères marocains venus du lointain Rif, Algériens tout aussi démunis de l'intérieur des terres et enfin parias espagnols du nord de la Méditerranée. Ce melting-pot motivé au départ par la ruée... vers le fer a su générer, au fil du temps, une culture locale originale et spécifique. Les comportements, le savoir-faire, les pratiques culinaires ne sont nullement observés ailleurs. S'agissant de l'autre région limitrophe, Aïn-Témouchent, l'auteur qui a eu par ailleurs à produire un précédent ouvrage «Aïn Témouchent, au fil du temps» revient cette fois-ci avec un travail autrement plus complet et plus documenté qui certainement comblera la curiosité des lecteurs sur leur territoire et son histoire. Une région où la qualité de vie est indéniable. Une ville (et son arrière-pays) dont la réputation a été trop précipitamment surfaite. Baptisée sous le prisme réducteur de capitale des vignobles, Aïn-Témouchent n'en finit toujours pas de cuver sa «gueule de bois». Ce cliché immérité, à consonance insidieuse est heureusement aujourd'hui dépassé. Aïn-Témouchent tiendrait sa source (sans jeu de mot !) et aussi loin que remontent les recoupements; des Mechtas (le représentant nord-africain de l'homme de Cromagnon), il y a 15 000 ans. Leur succéderont les Capsiens, les Zénata-sahariens. Deux siècles avant J. -C., la région prendra comme nom Safar avec pour capitale Sufat. Devaient s'y installer ou transiter les Phéniciens et les Romains. Ces derniers y laisseront d'abondants vestiges plus ou moins identifiés. Vers 704, Senane (Témouchent) deviendra musulmane et prendra tour à tour les appellations de Zeïdour, Ksar-Ibn Senane et Kedal. Syphax aura porté son dévolu sur la région pour y installer la capitale (Siga) de son royaume qui s'étendait alors de la Moulouya au Maroc jusqu'aux confins de Cherchell. Les fiers et néanmoins guerriers Béni-Ameurs y laisseront leurs empreintes perceptibles jusqu'à nos jours sur le double plan culturel et civilisationnel. Enfin, la contrée (Oulhaça, dans l'arrière-pays béni-safien) aura enfanté le plus fidèle lieutenant de l'Emir Abdelkader, le seigneur de guerre et meneur d'hommes, le cheikh Mohammed El Bouhmidi. A souligner, fait original et louable, que l'ouvrage a été entièrement pris en charge par l'association culturelle de la wilaya d'Aïn-Témouchent, Racines (Joudour) qui n'est pas là, pour autant, à son coup d'essai. Ainsi, un travail qui a nécessité plusieurs années de recherches, avec de modestes moyens, a pu être enfin concrétisé par «Joudour» dans l'intérêt bien compris d'une contrée. Nonobstant les retombées en terme d'image de marque pour une wilaya, l'impact sur le grand public (population estudiantine, chercheurs, enseignants, personnes désireuses de faire plus ample connaissance avec la région) n'en sera que bénéfique. Un livre d'utilité publique même si Safi Moussa-Boudjemaa prévient: « Le présent texte, Béni-Saf, entre mer et fer, n'est pas un livre d'histoire, dans le sens qu'on accorde traditionnellement à ce type d'ouvrage, encore moins un roman puisque n'étant nullement un récit imaginaire sanctifié, sublimé par un style littéraire. Il ne s'agit là que d'une exploitation personnelle de paysages et de figures obsédantes qui ont peuplé voire hanté notre conscience. » « On n'est pas dans l'officiel et le «froidement scientifique» ; on est simplement dans l'humain avec sa part de sincérité, d'authenticité, de fidélité, de spontanéité, de lacunes et probablement de passion. »Aux lecteurs donc de se faire une opinion !