La Jordanie ambitionne de conquérir la présidence de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) en mars prochain. Appuyée par le Maroc et soutenue par le Parlement européen, elle bat campagne pour la reprise du processus de Barcelone (UPM), boycotté par une majorité de pays arabes depuis les bombardements de Ghaza par l'Etat d'Israël. Après le martyre de Ghaza, c'est la division au sein du monde arabe. Pour de simples strapontins dans les institutions euro- méditerranéennes ! A peine les bombardements contre Ghaza la palestinienne suspendus qu'une autre guerre s'installe, cette fois-ci sur le terrain de la diplomatie. Moins visibles, les conséquences de cette bataille politique sont dramatiques autant pour la cause palestinienne que pour l'avenir de la fragile Union pour la Méditerranée (UPM). L'agression sioniste contre Ghaza n'a pas fait que refroidir les relations entre l'Europe et les pays arabes ; elle a creusé des lignes de fracture au sein de la communauté des Etats arabes. Il y a ceux parmi les pays arabes tels l'Algérie et l'Egypte qui ont décidé de geler toute action ou participation dans les rencontres programmées de l'UPM. D'autres pays comme la Jordanie et le Maroc, de concert avec le Parlement européen (PE), estiment qu'il ne faut rien changer aux plan et calendrier de l'UPM. Ainsi, le président du PE, Hans Poëttering, qui assure la présidence de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) et le vice-président, le Jordanien Abdulhadi Majali (président du parlement jordanien), ont multiplié ces derniers jours les contacts diplomatiques tous azimuts pour assurer un succès à la prochaine session plénière ordinaire de l'APEM prévue les 16 et 17 mars à Bruxelles. Le président du PE comme son vice-président tiennent à couronner de succès leurs mandats à la tête de l'institution. La Jordanie ambitionne par ailleurs à succéder au président du PE à la présidence de l'APEM. Le forcing de la Jordanie et du Maroc aux côtés des Européens pour la poursuite du calendrier de coopération euro-méditerranéenne apparaît comme une réponse à l'Egypte qui, au nom du groupe arabe au sein de l'UPM, a appelé, au lendemain des bombardements sur Ghaza, au gel de toutes les activités de l'UPM, dont celles de son assemblée parlementaire l'APEM, jusqu'au Sommet arabe de Doha prévu fin mars 2009. Cette date butoir est motivée par les craintes sur la nature du nouveau gouvernement israélien qui sera mis en place en mars. Dans le cas d'un gouvernement qui comprendra l'extrême droite israélienne et les religieux (et c'est ce qui semble se dessiner), force sera de constater que l'espoir d'un Etat palestinien indépendant demeurera un mythe autant que le projet de l'UPM. C'est dans de telles circonstances que le président du parlement jordanien a adressé le 9 février dernier une lettre à l'ensemble des membres de l'APEM leur annonçant la reprise du dialogue dans le cadre du programme euro-méditerranéen. Ainsi, le calendrier des activités indique plusieurs réunions allant de celle consacrée à l'énergie et l'environnement les 27 et 28 de ce mois, à celle de la commission économique les 5 et 6 mars et jusqu'à la réunion de la plénière de l'assemblée les 16 et 17 mars prochain à Bruxelles. Le boycott du dialogue euro-méditerranéen décidé par une majorité de pays arabes impliqués dans le projet euro-méditerranéen n'est pas une simple attitude de principe. Il exprime une réalité politique, puisque les leaders israéliens de la ligne dure (Likoud), ceux de l'extrême droite et les religieux sont opposés à toute idée d'un Etat palestinien dans ses frontières de 1967. Rappelons que le Comité politique de l'APEM que préside la Française Tokia Saïfi a relevé, lors de sa réunion du 28 janvier dernier, que « la politique d'isolement de Ghaza a échoué sur les plans politique et humanitaire » et qu'il a demandé à Israël de « cesser toute action militaire qui pourrait mettre en danger la vie de civils et de lever le blocus imposé depuis plus de 18 mois ». Israël, comme à son habitude, a rejeté cet appel et maintient à ce jour le blocus autour de Ghaza. Israël disposant d'un siège permanent au secrétariat de l'UPM d'une part, et assurant la coprésidence du Comité politique de l'APEM d'autre part, fait comme si les décisions de ces deux institutions ne le concernaient en rien. Ainsi, le forcing diplomatique exercé notamment par la Jordanie pour s'assurer la présidence de l'APEM frise le ridicule, pour ne pas dire l'insulte à la mémoire des victimes palestiniennes. Si les parlementaires européens ont quelques raisons d'insister sur l'intensification de la coopération euro-méditerranéenne, particulièrement après le rehaussement des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu en décembre dernier, ceux des pays arabes devraient sauver, au moins, la dignité de leurs peuples en conditionnant la reprise du dialogue euro-méditerranéen par celui du processus de paix israélo-palestinien. C'est le plus petit acte de courage qui leur reste.