Dans les informations, la confusion entretenue par le mode de description des acteurs est symptomatique d'un problème majeur : celui de l'explication des motivations de ceux directement impliqués dans l'histoire de ce conflit et sa nature. Même le nombre des termes utilisés pour décrire les Palestiniens met en relief cette ambiguïté. Les forces israéliennes sont qualifiées de 'soldats', 'troupes', et dans certains cas, 'frères d'armes', mais plus fréquemment : 'les Israéliens'. Les mots appliqués aux Palestiniens incluent 'activistes', 'partisans du Hamas', 'guérilleros', 'extrémistes', 'assaillants', 'hommes armés', 'poseurs de bombes', 'terroristes', 'tueurs', 'assassins', 'groupes fondamentalistes', 'agresseurs', soi-disant martyrs palestiniens', et 'fanatiques'. (Greg Philo et Mike Berry : Mauvaises Nouvelles en Provenance d'Israël, 2004, Pluto Press, Londres, p. 171). Comme le dit si bien l'historien américain Ron David : « Si on décernait l'Oscar de la Désinformation, les journalistes occidentaux qui couvrent le conflit israélo-arabe l'obtiendraient chaque année » (Les Arabes et Israël, pour débutants, 2001, p. 5). La désinformation, une nécessité vitale pour le sionisme Il est évident que, vu la nature et les fins dernières du sionisme, telles qu'incarnées par l'Etat d'Israël, et telles qu'exprimées à travers les paroles et les actes de ses dirigeants comme de son institution majeure, à savoir l'armée israélienne, la propagande dirigée vers les citoyens des pays les plus riches constitue un instrument vital de la réussite du projet sioniste d'extermination totale - c'est-à-dire de génocide - du peuple palestinien. En fait, l'état de siège sous lequel vit ce peuple depuis ces soixante dernières années est le plus total et le plus hermétique qu'ait connu l'histoire du monde moderne. Les médias occidentaux, participants actifs au siège du peuple Palestinien Les Palestiniens sont coupés du monde non seulement par la muraille de 8 mètres, les 561 barrages routiers qui font de chacun de leur déplacement à la fois des actes d'héroïsme dignes de louange universelle, mais également des occasions infinies d'humiliation de la part des troupes israéliennes, non seulement par les dizaines de bateaux de guerre israéliens qui croisent le long des côtes et empêchent les pêcheurs de gagner leur pain, non seulement par les hélicoptères et les avions qui peuvent à tout moment et pour n'importe quel prétexte lancer leurs bombes 'intelligentes' sur une population quasiment désarmée, mais également par l'embargo quasi-total sur les informations donnant une description objective et précise de leur souffrance, embargo accompagné d'une insidieuse, mais néanmoins continue, déshumanisation de ce peuple. Le monde ne doit savoir ce qui se passe réellement dans le territoire historique de la Palestine que dans la mesure où cela sert les intérêts d'Israël, mais doit également 'applaudir' à tous les actes de barbarie perpétrés par les troupes d'occupation, qui pourraient filtrer, soit parce qu'ils sont trop évidents pour être cachés, soit parce qu'ils viennent en soutien d'actions de propagande spécifiques de la part des autorités civiles, militaires et religieuses israéliennes. Les fictions historiques légitimant la création d'Israël : de moins en moins convaincantes avec le passage du temps ! Cependant, la manipulation de l'information n'est pas suffisante pour maintenir la fiction entretenue par l'idéologie sioniste, suivant laquelle le génocide du peuple palestinien est justifié par le juste droit des descendants 'originaux' des populations de la Palestine antique, au retour à la terre de leurs ancêtres. Comme l'avait soulignée la commission King-Crane, établie en 1919 par la puissance mandataire de la Palestine : « La demande initiale, souvent soumise par les représentants du sionisme, qu'ils ont un « droit » à la Palestine, fondé sur une occupation datant d'il y a deux mille ans, peut difficilement être prise au sérieux ». Rose ajoute, faisant référence au passage à l'ambition de Mussolini de reconstituer l'empire romain : « Les arguments pour un Etat juif en Palestine étaient - et sont - si ridicules, si racistes et si indifférents aux droits des vies et des religions des non juifs, et une telle insulte pernicieuse à la démocratie... que le vagabond qui les a proférés était au moins aussi fou que Mussolini » (op. cit. p. 3). La déclaration de Balfour : peut-on promettre de donner ce dont on n'est pas propriétaire légitime et légal ? Il est évident que la fameuse déclaration de Balfour, datée du 2 novembre 1917, si souvent citée pour justifier la situation politique actuelle, a autant de valeur juridique que le don de la Tour Eiffel par un quidam à sa fiancée. Par définition, on ne peut donner que ce dont on a la possession, et en supposant que l'occupation coloniale donne un droit de propriété au conquérant sur le pays conquis, à la date de cette déclaration, la Grande-Bretagne n'avait aucun doit sur le territoire palestinien, et, en tant que puissance mandataire, elle était exclusivement chargée de l'administration provisoire de la Palestine historique, et non d'en disposer librement, en fonction de ses intérêts politiques internes ou externes, ou des demandes d'un mouvement idéologique visant à un retour à l'Antiquité. Quel qu'ait été le destinataire de ce papier, et en particulier s'il était un homme d'affaires avisé, il savait très bien qu'il avait entre les mains une promesse vide de toute valeur juridique, car son auteur promettait ce qu'il ne possédait pas, et ce sur quoi il n'a jamais eu aucun droit de propriété. Cette déclaration était nulle « ab initio » suivant la terminologie juridique et n'engageait personne en dehors de ceux qui l'ont brandie, et continuent à la brandir pour légitimer le génocide du peuple palestinien. On ne peut fonder une narration cohérente de la création d'Israël et de sa légitimité, en partant d'un document visiblement sans valeur juridique quelconque. D'ailleurs, cet argument est essentiellement à usage externe, car pour les sionistes, seules les promesses divines telles que données aux prophètes de l'Israël, fondent la légitimité de l'Israël actuelle ; les références à la déclaration Balfour, à la reconnaissance d'Israël par les puissances qui se sont partagées, à leur guise, le monde à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne sont utiles que dans la mesure où il faut bien faire semblant d'accepter les règles de jeu internationales. Le sionisme, une théologie politique n'acceptant que les enseignements de la Bible et les ordres divins en émanant Comme l'a proclamé Isaak Shamir, polonais d'origine, - assassin, entre autres, de Folke Bernadotte, le médiateur de l'ONU, en septembre 1948 à Jérusalem, - responsable de multiples massacres de villageois palestiniens désarmés, terroriste recherché et sur la liste d'Interpol, et à deux reprises Premier ministre d'Israël entre 1983-1984 et 1986-1992, lors de son discours d'investiture par la Knesset israélienne en octobre 1983 : « Le gouvernement d'Israël ne demandera pas à quelque Nation que ce soit, qu'elle soit proche ou lointaine, grande ou petite, de reconnaître notre droit à l'existence. Nous avons reçu ce droit d'exister du Dieu de nos ancêtres, à l'aube de la civilisation humaine, il y a presque quatre mille ans de cela » (Cité par Aryé Naor : Le Système politique d'Israël : le Gouvernement, le Parlement et les cours de justice, OUP, 2008, p. 71). Il ne s'agit pas ici du commentaire d'un chercheur, mais d'une déclaration politique solennelle prononcée par une autorité politique israélienne dont les conceptions politiques et militaires sont loin d'avoir perdu de leur poids dans les orientations des dirigeants actuels d'Israël ; ceux qui gouverneront ce pays pour les années à venir tirent leur inspiration directe de sa pensée politique, puisqu'ils ont hérité des rênes de son parti, le Likud, et veulent continuer et mener à bonne fin son oeuvre génocidaire. Clairement, cette déclaration va dans le sens de l'idéologie sioniste pure et dure, suivant laquelle seul Dieu a le droit de légitimer Israël, et les dirigeants, comme la nation juive de cet Etat, n'ont de compte à rendre qu'à Dieu. Le génocide du peuple palestinien est une décision divine, et les Palestiniens, comme le monde, doivent accepter qu'Israël aille jusqu'au bout de l'obéissance à cet ordre divin ; Israël n'a de compte à rendre à personne pour ce qui est de sa politique, directement dictée par Dieu, et peut se passer de la reconnaissance des autres Nations, si celles-ci estiment, sur la base de quelque autre critère que celui de l'ordre divin, que cet Etat commet des crimes qui révoltent la conscience humaine. Israël: un Etat fondamentaliste fanatique rejetant les principes politiques modernes Le rabbin Meir Berlin, ou Bar Ilan, grand théoricien du sionisme, et auquel le nom d'une université a été donné en Israël, vient confirmer la nature purement théocratique et fondamentaliste de l'Etat d'Israël. « L'Eglise et l'Etat sont traités comme des provinces séparées dans les pays chrétiens. Mais notre cas est différent. La Torah et la tradition ne sont pas des créations humaines, mais la loi propre de Dieu. Les sections même de la Torah qui traitent des relations de l'homme avec sa conscience et son Créateur offrent aussi des orientations général et spécifiques en ce qui concerne la conduite de l'Etat et la vie sociale, et aussi les relations avec les autres pays - comment faire la guerre et comment vivre en paix avec eux... Nous n'avons jamais eu des lois d'une nature exclusivement « laïque » (Cité par Bernard Avishai : La République hébraïque, 2007, pp. 89-90). Il y a une vérité qu'il est de plus en plus difficile pour les sionistes de cacher : le sionisme ne s'inspire pas de John Locke et ne trouve pas ses fondements théoriques dans « L'esprit des Lois » de Montesquieu, malgré les affirmations de ses thuriféraires, quelle que soit la discipline intellectuelle dont ils se réclament. Par définition, le sionisme rejette toutes les théories politiques modernes et refuse la notion de droits universels de l'Homme, qui sont les fondements de la démocratie moderne. Malgré les affirmations de ses défenseurs, qui veulent à tout prix le présenter comme une doctrine progressiste, le sionisme porte en lui une vision rétrograde des relations entre personnes dans une même société et des relations entre peuples séparés par la langue, le système politique, la culture ou la religion. Il refuse l'organisation du monde telle qu'établie par les institutions internationales et les lois régissant les rapports entre peuples. Sa seule inspiration lui vient de la Bible, tels que ses adhérents l'interprètent ; et tout ce qui diverge de la Bible est considéré par cette idéologie comme nul et non avenu en ce qui concerne la manière d'agir de son incarnation, à savoir l'Etat d'Israël ! Ce qui est extraordinaire, c'est que ces vérités, exprimées littéralement à longueur de journée par les leaders comme les faiseurs d'opinion israéliens, ne transpirent jamais dans les médias internationaux supposés nous informer sur les événements de cet Etat. C'est ce qu'on appelle de la « censure correctrice » : on lisse les informations en provenance d'Israël pour conformer son image à l'opinion qu'on veut en donner pour qu'elle ne choque pas les citoyens des pays avancés. Le « choc des civilisations » : une idéologie guerrière C'est une idéologie de guerre totale, qui tente de se justifier en faisant appel au concept de « choc des civilisations », dont le concepteur est Samuel Huntington. Il est à remarquer que l'ouvrage où il expose ses vues a été financé par la fondation John Olin, fondation créée et lancée par un fabricant de produits chimiques et de munition, essentiellement un homme dont la fortune et le poids social dépend directement de la guerre. Le livre de Huntington : « Le Choc des Civilisations » (1996), dont les idées centrales avaient été précédemment exposées dans un article de revue, est basé sur l'idée simple et simpliste qu'en fait tous les problèmes du monde viennent, non du choc des intérêts matériels entre nations, qu'elles déguisent en différends religieux ou idéologiques, mais des divergences de vision de la vie reflétées par les valeurs culturelles des unes et des autres ; ces valeurs trouvent leur expression la plus claire et la plus synthétique dans les religions qu'elles embrassent. Suivant Huntington : « Plus que l'origine ethnique, la religion constitue la différence la plus forte et la plus exclusive entre les gens. Une personne peut être moitié française et moitié arabe et simultanément citoyenne de deux pays. Il est plus difficile d'être moitié catholique et moitié musulman » (« Le Choc des Civilisations », Foreign Affairs, volume 73, Numéro 3, Eté 1993, p. 27). Cette citation contient l'essentiel de la ligne argumentaire développée par Huntington dans son livre-choc, qui, semble-t-il, sert de vade-mecum à nombre de dirigeants dont les mots comptent en ce bas monde. Il est à espérer que ces lecteurs assidus ont la base culturelle et les connaissances historiques leur permettant de séparer le grain et l'ivraie dans cet ouvrage dont la simplicité de la thèse peut apparaître particulièrement attrayante pour des hommes et des femmes à la recherche de grilles d'analyse leur permettant de naviguer sans peine dans ce monde dangereux et complexe. Mais, simplicité n'est pas automatiquement synonyme de fiabilité ! Une certaine incohérence dans le thème central du «Choc des Civilisations» Il est à souligner que cet auteur se contredit de manière définitive dès l'introduction de sa thèse, puisqu'il reconnaît implicitement que les gens de religions différentes peuvent vivre en paix dans la même entité politique étatique, et que, de ce fait, des personnes de religion différente peuvent être citoyens du même pays, et donc, avoir des intérêts convergents entre eux, et opposés aux intérêts des citoyens d'autres pays, pourtant ayant la même foi qu'eux. De plus, le fait même de ne pas pouvoir pratiquer deux religions à la fois n'implique nullement l'impossibilité pour un catholique à part entière et un musulman non moins pratiquant de sa religion, de partager un certain nombre de valeurs communes qui leur permettent de vivre ensemble en paix et en harmonie totale, comme de contribuer à une oeuvre commune en tant que citoyens d'un pays. Les exemples de cohabitation constructive et harmonieuse entre adeptes de religions différentes, ne manquent nullement et il n'est nullement nécessaire de faire appel aux bulles papales ou aux sermons des hommes de religion pour cela ! Pour Huntington, l'intolérance inter-religions : une fatalité inévitable ! En fait, Huntington considère l'intolérance des croyances de l'autre comme la conséquence logique des différences de foi. Mais, paradoxalement, il affirme, en même temps, que l'Occident a ces valeurs de tolérance qui permettent le développement individuel et donc les avancées sociales et scientifiques. Si Israël fait partie de l'Occident, elle doit donc embrasser ces valeurs ! Contrairement à ce que l'on aurait pu attendre de ses affirmations, Huntington arrive à la conclusion que pour le cas d'Israël, cette acceptation de l'autre est quasi impossible et même contre nature. Conclusion logique : Israël ne peut partager les valeurs occidentales, et sa politique génocidaire est acceptable, même si elle va à l'encontre des fondements moraux et philosophiques de ces valeurs ! Comprenne qui pourra ! La théorie des «zones de contacts entre religions» pour expliquer les tensions dans certaines régions du monde, dont la Palestine On peut creuser encore plus dans ces incohérences qui enlèvent toute crédibilité scientifique aux thèses de Huntington, et en font de simples opinions appuyées par des faits choisis pour les conforter; mais, il s'agit essentiellement ici de montrer comment cette analyse, cousue sur mesure pour justifier l'injustifiable, a été exploitée à leur compte par les sionistes, bien qu'elle constitue, dans le cas en cause, une simplification de l'état des choses qui ne résiste pas à l'examen des événements ayant conduit aux tensions actuelles dans la région du Moyen-Orient en général et en Palestine historique, en particulier. Huntington explique que les tensions politiques qui débouchent sur des conflits apparaissent au niveau des « zones de contact » ou « failles », c'est-à-dire des régions du monde où deux religions, en conflit par définition et aussi longtemps que le monde est monde, se trouvent en contact physique l'une de l'autre. Donc, l'explication du conflit palestino-israélien est tout trouvée : la Palestine est un territoire où les trois religions sont en contact l'une avec l'autre ; et cela crée des occasions de conflit permanent sans espoir de paix. Une théorie qui fait l'impasse sur les événements historiques Ainsi, la racine du problème ne se trouverait pas dans le fait que les tenants d'une idéologie rétrograde et passéiste, profitant de l'effondrement de l'empire ottoman et de la domination franco-britannique - entre les deux Guerres mondiales du 20ème siècle - sur la Grande Syrie, groupement régionale dont faisait partie la Palestine, ont réussi, sans tenir compte de l'avis des populations autochtones, à se servir dans l'opération de dépeçage colonial, et à créer, en se couvrant de prétextes juridico-religieux, un Etat fondamentaliste à objectifs génocidaires, car visant, en situation finale, à vider, par l'expulsion ou l'extermination physique, toute la population locale. Hannah Arendt, la philosophe juive d'origine allemande auteur de « L'origine du Totalitarisme » (1951), où elle présente une analyse inégalée et toujours pertinente du phénomène totalitaire, a d'ailleurs rappelé sans ambiguïté l'origine coloniale du projet sioniste, et souligné que : « L'antisémitisme de demain affirmera que les Juifs ont non seulement tiré profit de la présence des puissances étrangères dans la région, mais ont, en fait, comploté et portent donc la responsabilité des conséquences de ce complot » (Cité par Jacqueline Rose : « La Question de Sion,» OUP, 2005, p. 82). D'ailleurs, il est à souligner que, bien que ne reniant pas ses racines juives et y faisant maintes fois référence dans ses écrits, elle a refusé d'embrasser l'idéologie sioniste, qu'elle estimait trop proche, dans ses aspects essentiels, des idéologies totalitaires qu'elle avait mis tant d'effort à analyser et à dénoncer. La Paix, seulement si tous les Palestiniens sont exterminés ! Mais, apparemment, Huntington ne tient pas compte de l'histoire, obnubilé qu'il est par la « découverte » qu'il a faite de cette notion de « choc des civilisations », et pour lui, qui dit « civilisations » parle en fait de « religion ». Et, imperturbable, il saute à la conclusion que tout en Palestine s'explique par ce concept de « faille », quasiment au sens géologique du terme, c'est-à-dire une zone sismique particulièrement puissante car c'est le lieu de rencontre de deux plaques tectoniques, ici représentées par deux religions. Donc, par définition, pour Huntington, il n'y a pas de paix possible dans cette zone de « faille », ni par compromis territorial, ni par la création de deux Etat séparés, ni même par la transformation d'Israël en Etat binational. Suivant cette thèse quelque peu tirée par les cheveux et pleine de mauvaise foi, la guerre doit continuer jusqu'à ce que les tenants d'une seule religion prennent le contrôle total du territoire contesté. Ainsi, le génocide du peuple palestinien est une fatalité inévitable si on veut la paix. Il s'agit, en fait, de liquider physiquement, les tenants de l'Islam sur le territoire réclamé par Israël comme héritage divin. La destruction, incompréhensible sur le plan militaire, de 25 mosquées de Gaza, entre dans cette perspective. Pour Israël, cette liquidation physique est la seule façon d'aboutir à la paix; et tant que les Palestiniens n'auront pas absorbé pas cette leçon, la guerre doit continuer. Une théorie qui va dans le sens des politiques sionistes et justifie le refus de la démocratie libérale en Israël Cette analyse a-t-elle cours chez les dirigeants israéliens actuels ? Sans aucun doute, d'autant plus qu'ils peuvent argumenter des attaques terroristes du 11 septembre 2001, pour confirmer les assertions de Huntington aux sources réelles des tensions dans le monde. D'ailleurs, cette analyse unifie les visions des candidats au leadership d'Israël dans les quatre années à venir, et leur permet de justifier le lancement de la guerre, déjà psychologiquement entamée contre la République islamique d'Iran, comme ils avaient utilisé les arguments de Huntington pour convaincre leur principal allié et financier à détruire l'Irak au nom de la démocratie, concept auxquels ils ne croient pas, et qu'ils ne tentent même pas de réaliser à l'intérieur de leur propre Etat, comme l'explique avec clarté l'analyste politique israélien Guy Ben Porat : « Les chercheurs ont défini Israël comme une démocratie non-libérale... le caractère non libéral de la démocratie israélienne a des conséquences significatives pour le statut des minorités, et plus spécifiquement, celui des citoyens arabes de l'Etat. L'intolérance envers eux est particulièrement forte (dans « L'état de l'Etat », OUP, 2008, p. 170). Il continue ainsi : « Si une démocratie se mesure à la tolérance des droits des minorités, la minorité arabe est un test important pour le régime démocratique d'Israël... le statut d'infériorité de la minorité arabe sur le marché du travail, la distribution des terres, la politique d'immigration et la répartition des ressources financières et matérielles » (p. 172). Comme cette absence de démocratie et les tensions qu'elle crée en Palestine occupée ne saurait trouver sa justification dans le « choc des civilisations », mais dans la volonté d'une majorité religieuse de reconnaître les droits humains d'une minorité religieuse, on peut considérer, sans risque d'être démentis, que l'analyse de Huntington est d'un simplisme qui résiste mal aux faits historiques et à la réalité du terrain, même vue par des yeux israéliens prédisposés à l'accepter. Mais, c'est en même temps, une nouvelle arme idéologique que les sionistes, des plus « modérés » aux « plus extrémistes » brandissent pour justifier leurs manoeuvres et leurs refus de négocier une paix juste et durable avec les Palestiniens, et renoncer, du même coup, à leurs ambitions génocidaires. La thèse du «choc des civilisations»: un prétexte pour refuser toute paix assurant la survie du peuple palestinien Si la lecture de l'ouvrage de Huntington jette la lumière sur l'argumentation et la démarche du leadership politique israélien, des décideurs dont les visions sont reflétées par leurs actions sur le terrain et le sort peu agréable qu'ils réservent aux Palestiniens encore sous leur contrôle, que ce soit sur le territoire d'Israël proprement dit, ou dans les territoires occupés et assiégés dans le même temps, il n'en reste pas moins que certains dans cet Etat même rejettent l'analyse de « choc des civilisations » et la considèrent comme dangereuse pour la survie même d'Israël. Voici ce que dit Uri Avneri (« Israël, Cercle Vicieux », édité par Sara R. Powell, Pluto Press, Londres, 2008,) considérant cette référence au choc des civilisations comme « la mère de tous les prétextes » : « Quand j'entends les gens parler du « choc des civilisations » je ne sais pas si je dois rire ou pleurer : rire, parce que c'est une notion débile ; pleurer parce que ça peut aboutir à des désastres sans nom ; pleurer encore plus parce que nos leaders sont en train d'exploiter ce slogan comme prétexte pour saboter toute possibilité d'une réconciliation israélo-palestinienne; et c'est un prétexte de plus dans une longue ligne de prétextes » (p. 51). Les conclusions à tirer de cette citation sont claires : a) Israël a pris à son compte de manière complète l'analyse de Huntington sur le choc des civilisations comme clef pour l'explication des tensions dans le monde, au-delà des diversités de situation géopolitique et des conflits d'intérêts matériels et territoriaux ; b) Cet Etat considère que l'analyse de Huntington prouve, s'il le fallait encore, la vanité d'aboutir à une paix de compromis, car le territoire en dispute se trouve dans une des «failles,» où deux religions sont en contact l'une avec l'autre ; c) Israël a toutes les raisons de continuer sa politique de génocide contre le peuple palestinien, politique comportant un triptyque : expulsion, massacre, émigration forcée, dont les termes sont constants, mais sont applicables suivant les circonstances créées par la résistance palestinienne ou par les autorités israélienne ; d) L'effort de paix négocié est inutile tant que les divergences culturelles existent; il faut seulement attendre que la population palestinienne disparaisse du territoire qu'Israël estime être bibliquement sien ; e) Ce concept de « choc des civilisations » vient à point pour conforter la politique même menée de manière constante par Israël, et sert de prétexte au refus de toute paix qui exclurait la liquidation physique du peuple palestinien. En conclusion : 1. Même les médias internationaux, par leur politique de désinformation constante au profit des sionistes, sont partie prenante dans l'état de siège imposé par Israël aux Palestiniens ; 2. Les fictions juridiques historiques justifiant et légitimant Israël perdent de leur poids au fur et à mesure que la vraie histoire commence à être écrite et connue ; 3. Israël apparaît de plus en plus clairement ce qu'il est : un Etat fondamentaliste fanatique, rétrograde, non démocratique au sens normal du terme, et rejetant tous les principes politiques modernes sur lesquels les sociétés avancées fonctionnent ; 4. « Le choc des civilisations », concept inventé par Huntington, vient à point pour justifier la volonté d'Israël d'aller jusqu'au bout du génocide du peuple palestinien, et de refuser toute paix qui ne lui permette pas de réaliser cet objectif ; 5. Cette thèse pêche non seulement par des contradictions profondes apparaissant dès sa première formulation, mais parce qu'elle fait peu de cas des événements historiques qui expliquent les tensions dans certains régions du monde et plus précisément en Palestine, où s'est mis en place un Etat mettant en oeuvre l'idéologie sioniste par l'exploitation de la domination coloniale qu'il a remplacée ; 6. Le concept du « choc des civilisations », qui n'a aucune validité scientifique, et constitue une simple opinion politique feignant de faire appel à des faits historiques disposés et interprétés - de manière biaisée - pour répondre aux critères académiques, sert de prétexte au refus d'Israël de la notion de paix négociée qui ne lui garantisse pas le droit de procéder au génocide du peuple palestinien. 7. Mais ce concept reste néanmoins dangereux car, mis à la disposition de dirigeants puissants, mais sans connaissances historiques et culturelles suffisantes, il pourrait leur apparaître comme une grille d'analyse à la fois simple et effective, et, éventuellement, déboucher sur des conséquences historiques dramatiques.