Les dernières précipitations, qui ont grassement arrosé l'ensemble des régions des hautes plaines steppiques, sahariennes et semi-sahariennes tout au long de ces deux dernières saisons (automne et hiver), ont été à l'origine de la régénération du tapis végétal rudement mis à l'épreuve pendant presque cinq années de sécheresse. Mais voilà que le printemps, le premier temps comme son nom l'indique, annonce sa couleur, mais au seul profit de l'éleveur d'ovins qui se frotte les mains, jubile et sourit à pleines dents à chaque lever de soleil en jetant un regard de conquérant sur les plaines verdoyantes qui s'étalent à perte de vue, jusqu'à se confondre avec le ciel. Tous les indicateurs sont au vert. Un bon signe pour lui puisqu'il est certain de vendre chèrement la peau de ses ovins et au prix fort. Plus qu'une aubaine, l'occasion est propice, voire même très favorable pour se faire une nouvelle santé financière. Déjà et même sans crier gare, les prix des viandes rouges ovines prennent l'ascenseur et grimpent au-delà du seuil tolérable et imaginable. 900 DA le kilogramme pour l'agneau, la brebis, et le bélier sans distinction, qui sont talonnés de très près par le veau à 800,00 DA. La modeste ménagère ne peut que se rabattre, malgré elle, sur les abats d'ovins proposés à 500 DA le kilo. Et dire que les viandes rouges sont cédées à des prix largement inférieurs dans les wilaya limitrophes, à ceux fixés par les bouchers de la ville d'El-Bayadh. Une douche écossaise en quelque sorte pour celles ou ceux qui seront tentés par une demi-livre de viande pour relever la sauce du repas du jour. La viande ovine est excessivement chère dans une wilaya productrice de viande rouge et qui détient, figurez-vous, plus de 1.800.000 têtes d'ovins et dispose des trois plus grands marchés aux bestiaux de tout l'ouest du pays (El-Bayadh, El Abiodh Sid Chikh et Bougtob). Un non-sens et une équation à plusieurs inconnues vous diront les plus avertis et les mieux informés du marché du mouton. Téléphones portables dans une main, les éleveurs et les maquignons se transmettent dans un même souk les prix proposés par les acquéreurs de moutons destinés à l'abattage et la bourse du mouton se met en branle. Ils ne manquent quand même pas d'idées nos éleveurs !. L'agnelle cédée autrefois à des prix très bas, défiant toute concurrence, est absente, du souk cédant ainsi la place à la brebis et à l'agneau. ELle rapportera mieux l'année prochaine et l'éleveur n'a aucune raison de s'inquiéter sur le sempiternel problème de l'aliment du bétail. En fin de saison, il récoltera les dividendes. Et mieux encore, la super cagnotte est à portée de mains ! Les temps sont chers pour la ménagère et les modestes chefs de familles. Que peuvent-ils faire, sinon courber l'échine face à des bouchers et des maquignons peu scrupuleux qui payent leurs moutons rubis sur ongle et par dizaines ? Face à l'envolée des prix, le consommateur ne sait plus à quel saint se vouer. Une valse des prix qui l'a détourné vers le poulet, ce qui est une maigre consolation pour l'habitué de la viande d'agneau, un agneau nourri au thym des plaines steppiques et au goût incomparable. Les truffes ou «terfès» proposées ces jours-ci à des prix accessibles, soit à 200 DA, font oublier quelque peu le goût de la viande à la marmaille, à moins que l'on soit obligé d'essorer son porte-monnaie. Pris en tenailles par le boucher du coin, qui jure sur tous les saints que c'est l'éleveur qui est le maestro du marché, et devant le sens de l'ubiquité dont fait preuve le maquignon, le consommateur a déjà perdu le sens de l'orientation, à force de faire le tour des boucheries.