La capitale de l'Alsace a été réveillée hier par les manifestants qui, dès les premières heures du matin, ont commencé à provoquer les forces de l'ordre, renforcées pour la circonstance par leurs homologues des autres villes françaises et d'autres allemandes. «Mettez vos casques !» hurlait un policier à ses subordonnés vers 7h 45. Ce sont donc les premiers propos que nous avons entendus sur le chemin menant au centre de presse de Strasbourg où travaillaient près de 4.000 journalistes venus de tous les pays du monde, accrédités pour couvrir le 24ème sommet de l'Alliance atlantique Nord. Vers 10h, quelques manifestants étaient arrivés jusqu'au niveau de la place de la République, qui n'est pas très loin du lieu où se tient le sommet. Des heurts violents ont eu lieu entre des policiers et les émeutiers qui, eux non plus, n'ont pas lésiné sur les moyens pour pouvoir faire face aux importants dispositifs de sécurité mis en place depuis plusieurs jours. L'on fait part de la présence de 11 000 policiers et gendarmes mobiles français, renforcés par 15 000 policiers allemands. Les manifestants sont équipés de divers projectiles et de gourdins et portent même des masques à gaz pour se protéger contre des bombes lacrymogènes lancées par les forces de l'ordre combinées. La presse locale parle, entre autres, de bataille médiatique que policiers et manifestants mènent chacun de leur côté. Les deux ont, en effet, tenu à filmer ces malheureux événements et à les diffuser sur le net pour permettre à tout le monde d'être au courant de ce qui se passe dans la capitale de l'Alsace. Il faut dire que les manifestants ont voulu, par ce procédé, montrer au monde entier la sauvage répression qui s'est abattue sur eux sur ordre d'un Etat né, pourtant, sous le sceau de «Liberté, égalité, fraternité» et qualifiée de «vieille démocratie». L'on annonçait l'arrivée dans l'après-midi entre 30 000 et 60 000 altermondialistes. Même après la clôture du sommet de l'OTAN, les manifestants ne semblaient donc pas vouloir lâcher prise. Ils ont réussi à perturber le sommet et la vie des Alsaciens par le fait d'avoir plonger Strasbourg dans une atmosphère de violence sans précédent. Ses habitants ont perdu, le temps de la tenue d'un sommet (temps de préparatifs compris), de leur droit de se déplacer librement. Nombre d'entre eux vociféraient à chaque fois que les policiers leur faisaient rebrousser chemin. Ils criaient à la répression et dénonçaient les dérives des forces de sécurité. «C'est honteux pour un Etat comme la France», avait lancé une jeune femme en colère à la face des policiers. Des militants de Green Peace ont tenté hier matin, de traverser à la nage les eaux séparant la France et l'Allemagne, mais en ont été empêchés par les nombreux policiers qui surveillaient étroitement les lieux. Tous ces troubles n'ont pas empêché le président français de faire son footing tôt le matin. Il saluera sur son chemin les policiers en faction qui formaient des sortes de «check point» à tous les coins des rues strasbourgeoises, qu'ils ont pris soin de fermer par des barricades d'un autre âge. Selon les journalistes déployés dans les quartiers pour la couverture des manifestations, l'on compte plusieurs blessés et de nombreuses arrestations. Les journalistes ont été eux aussi pénalisés par cet état de siège qui ne dit pas son nom. Empêchés par les policiers de circuler, les navettes devant les transporter n'ont pu être mises à leur disposition. Les journalistes ont dû faire de nombreux et longs détours et plusieurs kilomètres à pied pour, enfin, arriver au centre de presse. Un poste de douane français, poste frontalier, a été incendié et des commerces saccagés. Même les représentants de la presse n'ont pas échappé à la violence des manifestants. Les manifestations les plus violentes ont eu lieu à six kilomètres, au sud de Strasbourg. Le chef des anti-OTAN réclame la disparition de l'OTAN parce que, a-t-il déclaré à la presse, «l'OTAN, c'est un résidu de la guerre froide qui n'a plus lieu d'être. Elle concerne une poignée de pays, 27, l'OTAN doit disparaître pour laisser place à une instance internationale de la sécurité sous l'égide des Nations unies». Les forces de l'ordre ont réussi dans l'après-midi à dévier le parcours de la manifestation anti-OTAN. Ce qui laissera dire une Française que «Sarkozy a peur d'entendre la voix des peuples». Scheffer sera le premier responsable atlantiste a remercier les habitants de Strasbourg, Kehl et Baden Baden «pour avoir supporté les gênes provoquées par cet événement». Sarkozy et Merkel feront de même. Sans plus.