Une cinquantaine de personnes ont été violemment conduites au commissariat, hier, lors du rassemblement des délégués des archs, place du 1er-Mai. Parmi elles, le père de Massinissa Guermah. “Les américains, les français et tous les autres étrangers sont les bienvenus dans notre pays, alors que les Kabyles, vous les chassez d'alger. Ouallah que je ne bougerai pas d'ici.” Ce reproche doublé d'un défi, lancé, hier, en arabe par une vieille femme à la face d'un policier qui tentait de chasser les derniers récalcitrants de la place du 1er-Mai, renseigne sur l'ampleur de la chasse à l'homme qui a eu lieu dans la capitale. La pauvre femme avait sans doute du mal à admettre le spectacle qui s'est offert à elle. Des dizaines de personnes embarquées manu militari, traînées vers les commissariats, pour avoir seulement voulu organiser une manifestation pacifique. Comme il fallait s'y attendre, la marche des délégués des archs, prévue de la place du 1erMai au siège de la représentation de l'ONU à Hydra, a été violemment empêchée par la police, au terme d'une impitoyable chasse à l'homme au point de départ de cette marche. Les représentants du mouvement citoyen devaient rallier le siège de l'ONU à Alger pour y déposer une lettre contenant “un message préventif”, destiné à alerter les responsables de cette organisation sur la répression que subissent les délégués des archs. Résultat de cette énième confrontation forces de l'ordre-archs : une cinquantaine de personnes interpellées, dont Khaled Guermah, le père de Massinissa, première victime du printemps noir. De toute manière, les choses ne pouvaient pas se passer autrement au regard de l'important dispositif déployé à la place du 1er-Mai, dès les premières heures de la matinée. Des dizaines de policiers antiémeutes y ont pris place, interpellant toute personne suspecte, comprendre par là tout individu soupçonné d'être originaire de Kabylie, donc susceptible d'être un manifestant potentiel. Parfois, lorsque subsiste un doute, les policiers effectuent carrément un contrôle d'identité. Vers 10h30, soit une demi-heure avant le début de la marche, seule une centaine de personnes était rassemblée à la désormais place de la concorde. Ce sont surtout les quelques manifestants qui ont pu passer à travers les innombrables barrages de police et de gendarmerie dressés sur les routes en provenance de Kabylie. Près de Boudouaou, sur l'autoroute, un barrage de la gendarmerie filtrait la circulation, tandis qu'une unité antiémeutes, casquée et munie de boucliers, se tenait à l'écart, prête à intervenir. La police, de son côté, a dressé un barrage sur une bretelle menant vers Alger-Centre, près de Dar El-Beïda, créant un bouchon monstre. Les véhicules qui devaient transiter initialement par l'autoroute sont déviés vers la ville de Bab Ezzouar où ils sont passés au peigne fin par d'autres barrages de police. Il y avait même un barrage à Aïn Benian, une ville dont les habitants sont connus pour leur sympathie pour le mouvement citoyen. Les délégués qui ont réussi à se faufiler, la veille ou tôt dans la matinée, dans Alger ont été malmenés et violemment bousculés par les policiers antiémeutes qui ont empêché tout attroupement. Du reste, c'est lorsque les délégués, arrivés les premiers à la place du 1er-Mai, se sont rassemblés que Khaled Guermah qui scandait des slogans hostiles au pouvoir a été interpellé. Une cascade d'arrestations s'en est suivie. Même les passants sont sommés de presser le pas ou de transiter par des chemins détournés. Plus grave, des photographes de presse ont été obligé de remettre aux policiers les péllicules dans lesquelles se trouvaient des vues de scènes de brutalité. À la mi-journée, il ne restait sur les lieux que le représentant de la coordination de Larbaâ Nath-Irathen, le doyen des délégués, qui a été épargné par les policiers, probablement à cause de son âge, mais il ne tardera pas à s'attirer les foudres des forces de l'ordre qui l'ont sommé de déguerpir après avoir constaté un attroupement de journalistes autour de lui. “Partez, la marche est interdite”, lui dit un policier. “Je reste ici, je suis dans mon quartier”, lui rétorque ironiquement le délégué qui part ensuite à la recherche d'un autre délégué qu'il ne trouvera pas puisqu'il a fait, semble-t-il, partie de la nouvelle vague de prisonniers du mouvement citoyen. Les quelques délégués des archs, qui ont échappé au dispositif policier, ont fait une tournée dans les rédactions d'Alger pour faire le bilan de cette manifestation. L'un d'eux a tenu à souligner que les personnes interpellées ont fait les frais du “délit de faciès”, puisqu'elles ont été arrêtée sur la base de “leur apparence”. Un grand nombre de policiers en civil a participé à cette opération, ajoute un autre. Interrogé sur l'empêchement de la marche qui équivaut à un échec de cette nouvelle action des archs, un délégué répond : “C'est le pouvoir qui a échoué, car il a eu recours encore une fois à la répression pour nous empêcher de nous exprimer.” D'autres actions seront décidées lors du prochain conclave de l'Interwilayas prévu le week-end prochain à Boumerdès. Par ailleurs, les délégués des archs ont réagi aux émeutes qui ont secoué avant-hier la ville de Tizi Ouzou après la défaite à domicile de la JSK face au MCO. “La CADC n'a rien à voir avec ces émeutes, ni avec les supporters mis en cause dans cette affaire”, dira un délégué de la coordination d'Ath Jennad. Pour lui, ces évènements ne peuvent qu'être prémédités pour justifier la répression, le lendemain, de la marche des archs. “C'est devenu maintenant une tradition. À chaque fois que les archs décident d'une action à Alger, on provoque un grave événement la veille à Tizi Ouzou, c'est louche”, dira-t-il. A. C.