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La guerre aux poubelles est loin d'être gagnée : Le nez dans les ordures
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 04 - 2009

Jamais le pays n'avait atteint ce seuil de 11 millions de tonnes de déchets ménagers produits par an. L'Algérie produira jusqu'à 16 millions de tonnes de détritus en 2020.
La guerre aux poubelles est loin d'être gagnée. A Alger ou à Oran, les rues sont souvent jonchées de montagnes de déchets ! Nos cités croulent sous leurs ordures. Les citadins n'en peuvent plus de vivre en se pinçant le nez. Poubelles, sacs crevés, suppurants... Assiégées par les détritus, nos villes n'arrivent plus à tirer profit des successions de plans centraux et locaux lancés par les pouvoirs publics. Près des villes, les déchets continuent d'être brûlés dégageant des fumées toxiques exposant les populations aux multiples dangers sur la santé. Les décharges sauvages pullulent partout : une bombe écologique et nauséabonde, dont on ne sait que faire. Les trafiquants de déchets toxiques ne se contentent pas de les ensevelir dans des décharges sauvages, ils les brûlent aussi contaminant les terres à la dioxine. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, les cancers du poumon, du pancréas et du foie sont à 80 % d'origine toxique. L'Algérie doit méditer ce constat épidémiologique. Comment en est-on arrivé là ? L'ordre de grandeur est connu : un Algérien produit en moyenne, chaque année, 350 kilos de déchets. En quantité globale et annuelle, cela correspond à quelque 11 millions de tonnes de détritus qui se déversent sur le territoire national. Longtemps, nos cités n'ont pas trop su que faire des déchets ménagers, qui sont souvent brûlés à l'air libre. Malgré les plans nationaux et les schémas locaux, lancés ces dernières années, nos villes en sont toujours au même point : 0 % de tri sélectif, et seule une vingtaine de centres d'enfouissement est en service sur les 80 prévus. Le gouvernement a pourtant lancé d'importantes dispositions pour réformer et mieux gérer le secteur des déchets solides. Un plan national de gestion des déchets solides ménagers (PROGDEM), avait été, bel et bien lancé. Le dispositif vise à « assurer la collecte et le nettoiement dans les villes en atteignant un taux de collecte de plus de 90 % ; fermer toutes les décharges sauvages existantes; organiser et développer la filière de «tri-recyclage-valorisation» pour atteindre un taux de 20 % de récupération des déchets générés ». Les axes principaux de ce plan s'articulent autour de quelques priorités : « encourager le partenariat avec le secteur privé, mise en place des moyens techniques et financiers et la prise en charge de la dimension environnementale », explique un cadre du ministère en charge de l'environnement. Alors que les budgets destinés au traitement des déchets ménagers représentaient, en 2002, 7 % du PIB, soit environ de 3,5 milliards de dollars, ces dépenses ont diminué en 2007, jusqu'à 5,21 % du PIB, soit 2,6 milliards de dollars. Le plan a également prévu l'aménagement de 76 décharges dans les petites agglomérations. Cinq d'entre elles sont achevées, 14 sont en cours de réalisation et 57 sont en phase d'étude. D'autres actions ont été lancées dans ce même contexte. Il s'agit de la mise en oeuvre du programme national de réhabilitation des sites de décharges qui étouffe et asphyxient 7 grandes villes du pays. La première phase, indique un cadre du ministère, concerne l'étude de la fermeture et la réhabilitation de décharges à Alger (Oued Smar), Annaba, Skikda, El-Taref, Tébessa, Djelfa et Tiaret sur un total de 20 décharges programmées. Une opération pilote menée pour la dépollution de la ville de Annaba, avec l'assistance technique de l'organisme allemand GTZ constitue un cas exemplaire à généraliser sur tout le territoire national. En 2002, la wilaya d'Alger avait signé un accord de partenariat portant sur l'assistance technique dans le domaine avec la ville de Bruxelles. Une source du ministère a révélé que le département ministériel a sollicité un bureau tunisien, pour élaborer un schéma directeur de gestion et de collecte des déchets ménagers. Le schéma vise à réduire de 15 % d'ici à 2012 les déchets destinés à l'enfouissement ou à l'incinération. Réduire la production d'ordures ménagères de 5 kg par an et par habitant pendant cinq ans (le niveau actuel moyen est de 350 kg/an/habitant). L'objectif est aussi d'atteindre un taux de recyclage de 35 % en 2012, 45 % en 2015 et 75 % pour les déchets d'emballages ménagers et les déchets d'entreprise. Autre mesure prévue : augmenter la taxe générale sur les activités polluantes. Le produit de ces taxes serait attribué à la prévention et au recyclage. Elle intègre une hausse de la taxe sur le stockage qui sera fixée par tonne, et la création d'une taxe sur l'incinération.
Cherif Rahmani, ministre en charge de l'Environnement, met en cause « le faible taux de recouvrement de la taxe environnementale en vigueur, fixée entre 500 et 1.000 DA pour les déchets ménagers ». « Il faut construire des centres de tri, créer des unités de compostage, des usines de méthanisation et acquérir de nouveaux outils de tri et de recyclage. De nombreuses filières de tri et de recyclage doivent être mises en place. C'est le cas pour les piles, les véhicules hors d'usage, les pneus usagés, les déchets électriques et électroniques », plaide M. Meziani, ingénieur en environnement. Et d'ajouter : «C'est tout le système qu'il faudrait revoir. La mise en place des mesures sera difficile, parce que les collectivités locales freinent sur une tarification incitative et parce que les industriels ont toujours de bonnes raisons de multiplier les emballages». «Le traitement des ordures laisse à désirer. La majeure partie de notre poubelle est incinérée ou mise en décharge alors que beaucoup de choses pourraient être faites en matière de recyclage», explique notre ingénieur.
Déchets spéciaux
Le problème des monuments de débris ménagers paraît minime à côté d'un autre danger, moins visible : les déchets des usines, enfouis sous la terre. Les huiles de vidange et les déchets hospitaliers sont souvent déversés dans la nature. En 2006, les pouvoirs publics appliquent enfin plusieurs mesures, décidées cinq ans auparavant, pour éliminer les déchets spéciaux : réduire les stockages, interdire les produits à base de PCB, établir des fonds spéciaux, faire payer les pollueurs pour leur transgression, recyclage, et encourager les industriels à respecter l'environnement. Chérif Rahmani, ministre de l'Environnement et de l'aménagement du territoire avait lancé, il y a huit ans, un »Plan national de gestion des déchets spéciaux» (PNAGDES). Un plan qui s'étale sur 10 ans. Un cadastre national pour le suivi et l'évolution de la production des déchets spéciaux a été réalisé en 2002. Ce dispositif a ainsi permis de procéder à l'aménagement et l'équipement de centres d'enfouissement technique dans 40 villes du pays. La production nationale de déchets spéciaux, avoisine 325.000 tonnes par an. La première priorité du PNAGDES avait pour but d'éliminer les déchets dangereux, à savoir l'amiante produite par 4 usines, le mercure, les boues de zinc ainsi que des dérivés de plastique, des pesticides et des huiles usagées. L'Algérie estime son stock en déchet de mercure à plus d'un million de tonnes, et 450.000 tonnes des boues de zinc sont également stockées depuis 20 ans entre Ghazaouet et Oran. Ces déchets hautement toxiques sont stockés de manière dangereuse. L'élimination des Biphényles Polychlorés (BPC) en stock figure également dans le PNAGDES. Un décret datant d'août 1987 interdit l'utilisation, la fabrication, l'achat, l'importation et la vente des produits à base de PCB en Algérie. Selon les statistiques du ministère, pas moins de 2.360 tonnes de produits phytosanitaires et 12.000 tonnes de produits pharmaceutiques périmés sont stockées dans 500 sites éparpillés dans 42 wilayas. Les grands producteurs de déchets, une douzaine au total, sont localisés dans six wilayas qui concentrent 95 % du stock des déchets. Environ la moitié des déchets spéciaux stockés, soit 1 million de tonnes, se trouvent dans dix wilayas de l'Est, tandis que le tiers est à l'Ouest et le reste dans les régions du centre. Les pertes financières générées par l'entretien de ces déchets sont évaluées à 60 millions de dollars, soit 0,15 % du produit intérieur brut. « L'élimination de ces déchets nécessite l'utilisation d'incinérateurs et de moyens techniques modernes et doit s'effectuer dans des conditions conformes aux normes environnementales afin de préserver la santé publique et les ressources naturelles », explique un cadre du ministère de l'Environnement. Pour le financement, le plan national des déchets spéciaux a mis en place un fonds pour l'environnement et la dépollution et a instauré une fiscalité écologique qui impose le principe du «pollueur payeur» pour inciter à la réduction des rejets polluants. D'autres actions menées consistent en l'encouragement de la récupération, le recyclage, mais aussi l'incitation des entreprises à asseoir une culture environnementale. Ainsi, 60 contrats de performance environnementale et économique avaient été signés en 2005, entre le ministère et des entreprises activant dans les industries alimentaires, pharmacologiques, chimiques, la sidérurgie et les matériaux de construction.


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