Tu arrives à la vie en pleurant. Tu commences alors à parler et tu ne dis rien. Le silence est d'or. Avant tu pleurais, criais, mangeais, dormais et... dans tes couches. Maintenant, tu commences à te construire. Dans ta tête. Tu commences à parler. «Mama». Non matgoulch mama, goul oumi. «Papa». Non c'est abi qu'il faut dire. Plus tard, tu apprendras le mensonge, celui qui dégoûte, celui qui amuse, celui qui tue ou celui qui sauve. Puis tu as commencé à ramper, à filer dans tous les sens, à te ruiner sur la zarbia, qu'en juste retour tu abreuvais de pipis. A force de regarder les grands courir autour de toi, et poussé par l'humaine volonté d'aller plus loin, tu t'es mis debout. Da... dache... khatoua après khatoua. Tu voulais toujours aller plus loin, comme un scientifique, tu as essayé différentes hypothèses ; mais bon, toi t'as jamais tué personne. En ratant tes expériences, tu finissais sur le nez. C'est un premier bobo, kioualou. Tu te relèves, bonjour les casseroles, verres et tout ce qui est à ta portée. Même les prises électriques. Tu iras loin. El coulije déjà ! On t'apprend à être un mouton... Ecoute, tais-toi, réponds pas et sois sage. Vends-toi, vends les autres mais sois honnête. Apprends la vie. Apprends les jeux, les coups, l'histoire et l'anatomie de ta petite voisine. Fais ta loi, soumets-toi à celle des autres, surtout change rien à la Loi. Sois interchangeable, flou, remplaçable. Cache tes émotions, deviens un lion. Aimez-vous les uns les autres... Rebelle-toi, comme ton père qui a, depuis, tout compris. Compris qu'y a rien à comprendre. La fac, possible. La liberté. Ou autres études qui mènent au boulot ou au chômage. Epoux possible. Père, ila rabbi ketteb. Des enfants, des soucis. Tu ne changeras rien dans l'univers. Dans une seconde, que dure la vie, tout ce que tu auras fait sera nul. Amas complexe de muscles, de nerfs, d'envies, de liquides, de vitesse, de désirs, de gestes. Tu cours, tu boîtes, tu rampes, tu bouges plus. Tu pars, ce sont les autres qui pleurent.