Le 26 août 1975 restera gravé à jamais dans les annales du sport national, pour la bonne raison que c'est ce jour-là que l'Algérie a obtenu sa toute première médaille d'or, toutes disciplines confondues. C'était le jour de gloire pour le coureur Boualem Rahoui et pour les couleurs nationales, qui allaient être honorées par d'autres sportifs, à savoir les footballeurs drivés par Rachid Mekhloufi. Il est difficile de décrire la satisfaction du peuple algérien, dont l'un de ses représentants venait de battre les meilleurs spécialistes du 3.000 steeple du bassin méditerranéen, pulvérisant le record des jeux et se rapprochant même du record du monde. La veille, on nourrissait des espoirs de médailles compte tenu du talent de Rahoui Boualem, recordman maghrébin sur cette distance et de Rezigue qui visait un bon classement à défaut de podium. Rahoui lui-même se serait bien contenté de la troisième place. Allait-il tomber dans la même erreur tactique commise auparavant lors du championnat du monde universitaire de Moscou, où, après avoir fait le plus gros du «travail» il n'a obtenu qu'une place d'honneur ? En outre, il y avait cinq sérieux concurrents avec l'Italien Fava, l'Espagnol Campos, le Marocain Benbaraka, le Français Villain et le Grec Zourtis, qui avaient réalisé de bien meilleures performances que Rahoui. Or, notre représentant a pris soin d'éviter d'être «enfermé» au sein du peloton, contrôlant la course de bout en bout. Il faut ajouter que les deux favoris, Fava et Campos, ont placé plusieurs attaques qui ont ébranlé le peloton d'où n'émergea que Rahoui car la course s'est effectuée sur des bases élevées avec un record des jeux dans l'air. A 700 mètres de l'arrivée, Rahoui a placé une accélération dont il avait le secret. Les experts présents au stade du 5 Juillet pensaient que Boualem avait attaqué trop tôt. Etait-ce une démarche suicidaire ? La réponse est venue tout de suite car Fava et Campos, réagissant vigoureusement, ont tout tenté pour rejoindre cet audacieux concurrent. Mais leurs efforts s'avérèrent vains. Rahoui, loin devant, s'est retourné et, voyant que ses rivaux n'avaient aucune chance de le rattraper, relâcha son effort, adressant des baisers à un public sous le charme. En dépit de cette fin de course en roue libre, il pulvérisait le record des Jeux Méditerranéens de dix secondes. Dans le stade, c'était le délire, alors que dans toutes les chaumières du pays (les jeux étaient retransmis en direct par l'ENTV) c'était l'extase, car le sport algérien venait de se libérer de ses complexes, grâce à ce coureur d'apparence physique fragile mais au moral d'acier. Trente-quatre ans et à notre demande, il a bien voulu nous en dire plus. «Cette médaille, je la voulais, non seulement pour moi mais surtout pour la petite famille dont j'avais la charge. Aussi, pendant cette course, et jusqu'à 700 m de l'arrivée, pour moi, c'était un échauffement. J'étais en super forme. Et, comme je n'ai pu obtenir un logement, j'étais hébergé par mes beaux-parents. La seule solution, c'était de remporter cette médaille tout en espérant un geste de reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Grâce à Dieu, le président Boumediene a reçu au Palais du peuple les médaillés des JM et a répondu favorablement à nos doléances. Ceci dit, le sport, c'est ma seconde religion et m'a permis de m'épanouir sur tous les plans». Et dire que Rahoui, à ses débuts, n'aimait pas courir !