Une nouvelle démarche a été engagée pour gérer les capitaux publics. Une démarche avec beaucoup de palabres, mais sans aucun impact. M. Abdelhamid Temmar est un champion de l'innovation. Chaque mois, il invente une nouvelle stratégie économique, et, chaque année, il lance une nouvelle théorie du développement. Au gré de ses sorties et des réunions qu'il préside, il enrichit la réflexion et l'action économiques, grâce à des concepts qu'il injecte dans le discours officiel et des décisions si nombreuses que personne n'arrive réellement à suivre. Ses rencontres avec les cadres du secteur constituent de grands moments pour ce genre d'exercice. On n'est jamais déçu. Cette semaine, M. Temmar a redécouvert les sociétés de gestion des participations de l'Etat, les SGP. Après les avoir malmenées, en leur changeant de nom, de dirigeants, de vocation et de mission, le voici qui fait volte-face pour leur confier un rôle de premier plan dans la vie économique du pays. Les SGP auront désormais « un rôle de macro-gestion. Elles vont participer à l'industrialisation du pays », a affirmé M. Temmar. Le changement est si important que les SGP auront aussi à assurer « le sauvetage, la réhabilitation, et la mise à niveau des entreprises publiques activant dans les secteurs stratégiques », ajoute-t-il. Elles sont également tenues de « présenter un programme de mise à niveau de ces entreprises ». La tâche est importante pour les SGP, et les responsabilités énormes. Que s'est-il passé pour que M. Temmar, connu d'abord pour son libéralisme outrancier et son penchant vers les privatisations, revienne à cette vision étatiste, et souhaite confier ce rôle central confié aux SGP dans l'économie nationale ? Le Ministre, faut-il le rappeler, avait été l'initiateur d'une remise des SGP sous la tutelle des ministères. Son action avait abouti à une remise des entreprises de chaque secteur sous la tutelle directe du ministre concerné, selon la bonne vieille méthode de la gestion centralisée. Les SGP, déjà vidées de leur substance, avaient été ainsi mises au service de la bureaucratie ministérielle, et réduites à l'inefficacité. Elles devenaient de simples boîtes d'enregistrement des décisions ministérielles, qu'elles sont supposées appliquer. La décision avait valu au pays de revenir à une gestion des années soixante-dix. Autre curiosité, M. Temmar semble être redevenu un partisan d'un rôle accru de l'Etat dans l'économie, y compris dans la sphère de production. « Avec la crise, l'Etat doit participer à la production, et ne pas se contenter uniquement de régulation », a-t-il dit, estimant que « l'industrie est le moteur de la croissance ». Même s'il maintient sa volonté de privatiser, sans savoir quoi privatiser ni dans quelles conditions, M. Temmar s'affiche dans un nouveau costume. Il prouve sa capacité à s'adapter. En réalité, M. Temmar n'a guère changé. Car, aussitôt après avoir fait l'apologie des SGP, il les a remises à leur place. Il a en effet précisé que les SGP doivent devenir un « relais efficace » de la tutelle. Ni plus ni moins. Leur marge de manoeuvre est si réduite qu'elles n'ont pas d'existence autonome. Ce n'est d'ailleurs pas aux SGP que le ministre confie l'avenir, si avenir il y a, de l'industrie algérienne. Ce sont en effet des bureaux d'études étrangers, dont plusieurs français, qui sont chargés d'élaborer la nouvelle stratégie industrielle, celle que le Ministre avait annoncée en grande pompe il y a un an. Cette stratégie avait d'ailleurs, elle aussi, fait l'objet d'une grande attention au moment où elle avait été formulée. D'abord, parce qu'elle se limitait à des déclarations d'intentions, ne tenant aucun compte de la réalité économique du pays, et notamment du fait que le pays n'avait plus d'outils pour mener une quelconque politique. Ensuite, parce que le chef du gouvernement d'alors, M. Ahmed Ouyahia, avait implicitement dit qu'il s'agissait de divagations d'un ministre hors du coup, affirmant que la fameuse stratégie de M. Temmar n'avait pas été adoptée par le gouvernement ! Enfin, parce que cette stratégie est restée en l'état de projet, même si elle a absorbé beaucoup d'argent en études et palabres. Et c'est le gouvernement dirigé par M. Ouyahia, et dont fait toujours partie M. Temmar, qui a aujourd'hui la responsabilité de gérer les affaires du pays, au moment où une grave crise économique secoue le monde entier. C'est ce même gouvernement, en place depuis une décennie, qui découvre aujourd'hui, selon la formule de M. Temmar, que les produits chinois nous ont envahis, et qui a donc la charge de mettre en place une démarche pour mettre sur pied une économie viable. Une tâche qui ne semble pas entrer dans les attributions de M. Temmar.