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Equipe nationale de football: Saadane coupe les ponts avec le championnat
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 20 - 06 - 2009

Saadane a aboli la relation entre le Championnat national de football et l'Equipe nationale. Est-ce la clé de son succès ?
Rabah Saadane a bien engagé son pari. L'entraîneur de l'Equipe nationale de football a fait des choix osés, qui lui donnent de sérieux atouts pour assurer la qualification de l'équipe nationale à la coupe du monde 2010. Mais son succès éventuel ne sera pas le résultat d'une tactique innovante, ni d'une quelconque recette magique. Ce sera plus sûrement le résultat d'une lucidité qui l'a amené à une décision radicale : opérer un divorce entre le championnat national de football et l'équipe nationale. Au sein de l'équipe de base sur laquelle compte Rabah Saadane, celle qui a battu l'Egypte il y a trois semaines à Blida, et qui affronte le Zambie aujourd'hui, l'entraîneur n'a pas retenu de joueurs évoluant en Algérie, à l'exception du gardien de but et un ou deux joueurs qui ne figurent pas parmi les cadres de l'équipe. Ce choix n'est pas fortuit. Il est le résultat d'une réflexion et d'une expérience qui ont amené Saâdane à admettre que le championnat national n'est pas viable, et qu'il faut isoler l'équipe nationale de cette compétition pour lui offrir une chance d'exister sur le plan international. Depuis son expérience des années 1980, Saâdane semble s'être fait une religion. Un footballeur algérien évoluant en club dans une équipe européenne moyenne, donne un meilleur rendement qu'une vedette jouant en Algérie. Il n'y a pas de mystère à cela. Dans les championnats européens, qui restent les plus relevés du monde, le footballeur apprend le sens de l'effort, la rigueur, il acquiert une culture du jeu et un sens de la discipline qu'on ne retrouve pas en Algérie. Cela n'a évidemment strictement rien à voir avec les potentialités intrinsèques du joueur. A dix-huit ans, Lakhdhar Belloumi était probablement supérieur à Zineddine Zidane ou Michel Platini. En tous les cas, il était au moins leur égal sur le plan du jeu. Mais avec les années, les deux stars françaises ont pris de l'envergure, pendant que Belloumi régressait. Les uns étaient pris en charge par un système sportif et médiatique parmi les plus puissants du monde, l'autre était livré à lui-même à un moment où il n'avait ni la lucidité, ni le savoir nécessaire pour gérer sa carrière. Ce qui est en cause, c'est donc l'environnement dans lequel évolue le footballeur, la compétence de l'encadrement qui le prend en charge, la fiabilité des institutions sportives et la qualité de la presse qui le surveille. Tous ces éléments sont, en Algérie, à un niveau tellement bas qu'ils constituent des handicaps sérieux à la pratique sportive. Dès qu'il commence à frapper à la porte de l'équipe senior, le footballeur évoluant en Algérie apprend à tricher, malgré lui. Comme dans les autres domaines, en économie, en politique, il veut « frapper son coup ». Il veut gagner de l'argent, vite, avec des contrats d'une année, qu'il renouvelle au gré des saisons. Il apprend très tôt à vendre des matches. Mais là, l'exemple vient de haut. Les « cheikhs » constituent le modèle à suivre. Entraîneurs et présidents de club sont les premiers spécialistes dans le trucage des matches et la multiplication des contrats. A titre d'exemple, deux entraîneurs se sont croisés il y a cinq ans. Depuis, l'un d'eux est à son deuxième club. L'autre en a fait une quinzaine ! L'opacité de la gestion des clubs est terrible. Tout se passe au noir : le footballeur algérien ne paie pas d'impôts. La citoyenneté ne l'intéresse pas. Et s'il est attiré par une carrière professionnelle, ce n'est pas pour progresser sur le plan sportif et, éventuellement gagner plus d'argent, mais juste pour gagner un peu plus, parfois au détriment de sa carrière. D'où une forte attirance pour les pays du Golfe : on y gagne beaucoup d'argent, mais on stagne, si on ne régresse sur la plan sportif. Hadj Aïssa offre un parfait exemple. Star à Sétif, il a été exclu de l'équipe nationale pour des raisons disciplinaires. Son rendement en équipe nationale n'a jamais été évident. Et, selon des informations de presse, il serait partant pour un club du Golfe plutôt que pour une équipe européenne, où les conditions pour s'imposer sont plus dures. Cette « externalisation » de l'équipe nationale par rapport au championnat n'est pas une invention de Rabah Saâdane. Depuis deux décennies, les meilleures équipes africaines l'ont admise. Celles qui ont une forte présence dans les compétitions internationales en ont fait un choix depuis longtemps. Il n'y a qu'en Algérie que la polémique a duré quelques années. Le Nigeria et le Cameroun ont été les pionniers dans cette démarche. Ils ont admis qu'ils n'avaient pas les capacités financières de conserver des joueurs de la trempe de Samuel Eto'o ou Okocha. Ceux-ci multiplient leurs revenus par cent en émigrant vers l'Europe. Dans le même temps, leur niveau s'améliore. Cette évolution est l'un des effets de la mondialisation, un phénomène dans lequel le sport a été précurseur. Saâdane en a pris acte, et a accepté ces nouvelles règles. Il ne semble guère avoir d'autre choix. Même si une interrogation persiste : comment accompagner ce mouvement, sans qu'une équipe nationale ne perde son identité ? Sur le plan purement sportif, une autre question s'impose : comment garantir la confirmation de ces nombreux talents, qui se montrent prometteurs avant d'atteindre vingt ans, et qui sombrent ensuite ? Un changement dans les structures et dans les mentalités semble pour l'heure exclu. Une piste possible consisterait à établir de vraies relations avec les grands clubs européens pour leur confier de jeunes joueurs, au moment où se forge leur personnalité sportive, c'est-à-dire avant d'atteindre vingt ans. Ils bénéficieraient ainsi des meilleures garanties de progression, tout en gardant un lien solide avec l'équipe nationale. C'est une démarche qui a son revers : elle admet, en effet, que l'Algérie n'a pas le potentiel économique pour payer les joueurs de haut niveau, et condamne son championnat à rester médiocre. C'est un prix à payer, un sacrifice à faire, mais qui aura des retombées positives sur l'équipe nationale et sur les joueurs eux-mêmes.

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