Ni le pèlerinage ni la Omra ne seront affectés par la pandémie mondiale de grippe porcine. Ils auront bien lieu. Nos religieux l'affirment avec un ton de docte colère pour les outrecuidants qui osent poser la question d'une éventuelle annulation de la saison. Le ministre des Affaires religieuses algérien l'a réaffirmé à son tour. Certains ont même crié à l'hérésie. Comment oser dire qu'il faut «peut-être» reporter le pèlerinage cette année en raison des risques de propagation du virus parmi les pèlerins venus de toutes les régions du monde ? Il n'y a pourtant rien de déraisonnable, ni d'antireligieux, à évoquer une telle possibilité. Les experts médicaux l'expliquent simplement : rassembler des millions de gens venus de toutes les régions du monde pendant deux semaines dans un mouchoir de poche est une condition «idéale» pour la propagation du virus. L'argument scientifique devrait prévaloir. Le pèlerinage, expliquent certains religieux, n'est pas le genre d'évènement qui peut être annulé et il faut s'en remettre... à la volonté divine. Les avis émis par les religieux vont d'ailleurs d'un extrême à l'autre. Certains affirment que celui qui meurt de la grippe porcine en allant accomplir un pèlerinage sera compté parmi les martyrs... D'autres affirment que ceux qui vont à La Mecque en sachant qu'il y a un fléau est plus proche du suicidé que du martyr... Ces différences d'appréciations montrent tout simplement que les religieux s'aventurent sur un terrain qui n'est pas le leur. La grippe porcine est un problème de santé publique sur lequel les religieux ne devraient pas avoir d'avis particulier. Les risques encourus par deux millions et demi de personnes rassemblées sur un espace réduit et parfois clos, ne relèvent pas d'une appréciation religieuse. Ni d'ailleurs des habitués de l'alarmisme, et ils n'en manquent pas. Ils s'évaluent par des spécialistes. C'est aux médecins, aux virologues de dire si le pèlerinage 2009 comporte un risque «modéré», «gérable» ou grave. Et si un avis religieux doit être édicté, il doit l'être sur la base de ces évaluations scientifiques. La lecture de certains arguments moyenâgeux prêterait à sourire si les risques n'étaient pas aussi graves. Les religieux ne se grandissent pas quand ils argumentent à vide, sur une base d'ignorance. Certes, ils ne sont pas tenus à être des spécialistes en médecine, mais ils ne doivent pas pour autant être bornés. Ils devraient au moins avoir l'humilité de reconnaître que le virus de la grippe porcine, les mécanismes de sa propagation et les mesures de sauvegarde à prendre sont une affaire de spécialistes. Le report d'une saison de pèlerinage ne pose pas de problème religieux. L'Islam connaît et recommande le principe de précaution et dispose même que la nécessité rend licite ce qui est interdit. Raison de plus pour avoir l'esprit ouvert et laisser les scientifiques apprécier le risque et les mesures à prendre. Il n'y pas de fatwa à faire sur un virus...