Le rapprochement, fort tiède, entre la nouvelle administration américaine et le Kremlin aurait-il vécu ? La visite du vice-président Biden en Géorgie a incontestablement estompé l'effet positif, limité, de la visite de Barack Obama le mois dernier à Moscou. Le numéro deux américain, ancien président de la commission des Affaires étrangères du Sénat -un homme très au fait des enjeux internationaux -, s'est livré à un exercice complexe à Tbilissi. Tout en réitérant son soutien à l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN, Joe Biden aurait, semble-t-il, repoussé la demande d'achat d'armes « défensives » exprimée par le président Saakachvili. Le conditionnel est cependant de mise. Les déclarations successives des officiels du département d'Etat se caractérisent par une confusion certaine. Après avoir annoncé le 23 juillet 2009 que les Etats-Unis avaient décliné la demande géorgienne, l'administration fait marche arrière le 24 en spécifiant qu'aucune demande d'armement n'a été formulée par les Géorgiens. La valse-hésitation de Biden traduirait-elle les contradictions qui traversent l'establishment politique quant aux relations avec la Russie ? Trop tôt pour le dire. Il est clair que Barack Obama souhaite se démarquer de la ligne de son prédécesseur, ouvertement hostile à la Russie. Mais les intentions présidentielles se heurtent à la réalité du rapport de force à Washington. La vision hégémonique des néoconservateurs est partagée par certains démocrates influents, notamment ceux proches du lobby israélien. Pour eux, l'affaiblissement de la Russie doit demeurer l'un des objectifs prioritaires de la diplomatie américaine. Il faut que Moscou ne soit plus jamais en position de remettre en question la suprématie de Washington. On ne comprendrait pas autrement la persistance d'une position clairement hostile à la Russie postcommuniste. Le rétablissement - souvent musclé - de l'Etat entrepris par Vladimir Poutine et maintenu par Dmitri Medvedev, qui tranche avec l'extravagante déliquescence de la période Eltsine, est présenté sous un jour des plus sinistres. Il est vrai que la Russie de Poutine-Medvedev est tout le contraire de la Russie des oligarques et de la corruption célébrée à l'Ouest comme une authentique démocratie. La politique, parfois brutale, menée par Vladimir Poutine a coïncidé, ce n'est pas un hasard, avec une détérioration de l'image médiatique du pays. L'effet de réhabilitation de la position de la Russie, à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières, est interprété par les Américains comme le signe que Moscou cherche à peser à nouveau sur les relations internationales. Moscou a montré qu'elle pouvait contrer, si nécessaire, les ambitions occidentales dans ce que les Russes appellent «le proche étranger», le Caucase, l'Europe orientale et l'Asie centrale. Les risques d'une politique de «containment» armé s'appuyant sur des régimes antirusses, à Tbilissi mais aussi à Kiev, à Prague et à Varsovie, sont évidents. L'escalade militaire et l'engrenage incontrôlable d'événements périlleux sont des hypothèses géostratégiques plausibles. Certains responsables américains au plus haut niveau sont convaincus de l'urgence d'un changement de cap. Mais d'autres - Joe Biden en ferait-il partie ? - souhaitent le maintien des orientations du tandem Bush-Cheney. Les prochains coups sur l'échiquier caucasien indiqueront sans doute de quel côté penche la balance.