Si le trône alaouite est aussi convaincu de la marocanité du Sahara Occidental, pourquoi a-t-il alors accepté son partage avec la Mauritanie en 1975 ? Et s'il est certain de la fidélité des Sahraouis à son égard, pourquoi refuse-t-il de les laisser l'exprimer par un vote référendaire dont la communauté internationale garantirait la régularité ? Parce qu'il sait à l'évidence que la prétendue marocanité de ce Sahara Occidental n'est attestée par aucune référence ou fait historiques qui en étayeraient l'irrécusabilité. La Cour internationale de La Haye, que ce même trône a saisie avec l'espoir qu'elle accréditerait sa thèse de la marocanité du Sahara Occidental, a en son temps rendu la conclusion que celle-ci ne s'appuie sur aucune réalité historique. Quant à la fidélité supposée que le peuple sahraoui cultive à l'égard du monarque et du trône marocain, il n'y a que le Makhzen pour soutenir pareille baliverne. Depuis plus de trente ans et sous de multiples formes, le peuple sahraoui refuse le fait accompli de l'occupation de son sol par le Maroc. Comme il se refuse à la «moubayaa» au monarque. Ce combat qui contredit irréfutablement l'argumentaire marocain, les Sahraouis ne l'auraient pas engagé et ne continueraient pas à le mener s'ils avaient la certitude de partager une communauté de destin avec le Royaume et son souverain. La résistance des Sahraouis est menée par un authentique mouvement de libération, le Front Polisario, dont la représentativité, et partant la légitimité sont internationalement reconnues. Ce Polisario a eu la sagesse d'accepter de suspendre sa lutte armée, dont on sait qu'elle a eu des conséquences désastreuses pour le Royaume chérifien au plan des pertes humaines et de celui des finances et de l'économie. Il a cessé sa lutte armée en contrepartie de l'acceptation par les autorités marocaines d'engager avec lui des négociations de paix sous l'égide des Nations unies, dont l'aboutissement serait l'exercice par le peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination. Le Makhzen a depuis renié l'engagement marocain et s'il se déclare toujours disposé à la négociation avec les représentants du peuple sahraoui, c'est en cherchant à leur imposer le préalable que cette négociation n'ait d'autre fin que le plan d'»autonomie» que, dans sa «généreuse bonté, le roi est décidé à octroyer à ses féaux sahraouis». Sauf que la patience du Polisario et de son peuple a des limites dont on se rend compte qu'elles vont être très bientôt atteintes sous la pression des souffrances qu'endurent les citoyens sahraouis de la part de l'appareil répressif du Makhzen. Christopher Ross, le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU, a pour tâche délicate et cruciale de faire revenir les négociations maroco-sahraouies dans le cadre que leur a fixé l'Organisation et la communauté internationale : celui de préparer les conditions à l'exercice du droit à l'autodétermination par les Sahraouis. C'est à Vienne qu'il a choisi d'entamer cet incertain exercice. Et s'il s'est déclaré modérément optimiste avant ce moment, les déclarations marocaines faites la veille de la rencontre de Vienne risquent de transformer son optimisme en amertume.