Suite et fin L'environnement administratif l'assimile à un stakhanoviste et oublie qu'il est producteur (d'accord), mais pas comme les autres, En France, l'artisan a le titre de maître et dans les pays arabes ou musulmans, de mâalem. L'un et l'autre signifient à la fois patron et formateur; Il est aussi maître libre de son activité par sa compétence et son expérience. L'artisan ne s'épanouit que dans le cadre du système coopératif. Le produit de l'artisan n'a pas de patrie mais l'artisan en a une, c'est l'empreinte qu'il met sur son produit. Nous savons que les différentes structures étatiques existantes ont plus contribué à sa léthargie qu'à sa promotion. Créer des structures entièrement privées, celles-ci ne peuvent développer le secteur par leurs propres moyens.Seules des structures mixtes, avec à leur tête une majorité représentative des professions seront efficaces et peuvent répondre à la mentalité de l'artisan, à sa créativité et à sa liberté. Sans entrer dans les détails, nous voudrions juste dire que le fonctionnement de ses structures doit être financé par le budget de l'Etat et les cotisations des organisations professionnelles. L'approche «Nucleus», en cours d'expérimentation par la coopération allemande GTZ, peut être d'un intérêt à son organisation par les forces propres. Pour un meilleur encadrement, l'artisanat doit bénéficier d'une charte de l'artisan, d'un conseil consultatif ou d'un observatoire et d'une confédération nationale des artisans. De même que les ouvroirs des «soeurs blanches» doivent être réhabilités et encouragés. En matière de fiscalité, le produit artisanal est fortement imposé car il est considéré dans la réglementation comme un produit de luxe. A cause d'une fiscalité très lourde, Tlemcen qui était fournisseur de l'ex-République fédérale allemande (RFA) pour 90% de sa production, a perdu totalement le marché en 1973, au profit des artisans marocains. Dans les années 70, de nombreux clients potentiels tels les USA, la Suisse, la France, les Pays-Bas, le Canada ont prospecté le marché interne, mais les prix trop chers les ont dissuadés. L'approvisionnement est devenu «un parcours du combattant» des artisans pour trouver la quantité et la qualité demandées. La commercialisation, ailleurs, c'est elle qui a fait l'essor de l'artisanat tunisien et marocain, en Algérie, mal organisée pour ne pas dire inexistante, laisse les artisans livrés à eux-mêmes aux intermédiaires, ennemis jurés du secteur. En matière de crédit, le crédit spécifique n'existe pas. La loi capitaliste basée sur «On ne prête qu'aux riches» reste en vigueur (dans la pratique) en Algérie. Malgré toute une panoplie de dispositifs d'aide aux jeunes créateurs de la TPE, sur 10 dossiers 8 sont rejetés. Le fonds de garantie existe, mais allez comprendre ! Dans le domaine de la formation, nous ne renions pas que le transfert de technologie se fait oralement de père en fils depuis la nuit des temps, mais actuellement à l'ère des NTIC, du management, du marketing, de la téléphonie mobile, du laser, ce savoir doit s'apprendre dans des institutions de formation appropriées. L'apprenti à l'atelier est une école de la vie, de la pratique, certes, mais rien ne remplace la théorie. La théorie et la pratique et vice-versa en se conjuguant permettent à l'apprenant de s'initier aux techniques actuelles en vue d'une créativité «fait main» et «bio» adaptées aux goûts de notre temps. L'information et la formation sont les outils qui ont changé la face du monde en réduisant les distances. L'information a véhiculé le progrès. Elle est le deuxième pouvoir de notre monde. Les Algériens eux-mêmes manquent d'information, à plus forte raison l'artisan. Celui-ci vit en marge du monde à cause de l'absence totale de supports d'information (journal des artisans, revue ou tables rondes à la télévision) qui informent sur «la sociographie» de ce secteur (Farouk Nadi). Ces problèmes demandent donc des remèdes. Pour la production, l'approvisionnement et la commercialisation, le système coopératif, rappelons-le, est l'organisation la mieux indiquée. Sa Fiscalité doit être la plus avantageuse et souple. En ce qui concerne le crédit, en plus de l'amélioration des dispositifs actuels, il y a lieu de mettre en place une banque spécifique à l'artisanat. En matière d'information, l'artisanat doit disposer d'une banque de données et des supports multimédias, à l'exemple de la France avec sa chaîne «Demain TV». Au point de vue de la formation, en plus de l'existant, les chambres d'artisanat et des métiers (CAM) doivent prendre en charge cette formation par la création de centres de formation spécifiques et de centres pilotes, à l'instar des chambres d'artisanat et des métiers françaises. Au niveau du créneau supérieur, il y a lieu de créer une école supérieure des arts et métiers qui aura le rôle de productrice de l'encadrement, de recherches développement sur les métiers disparus et en voie de disparition ainsi que les innovations. Nous ne terminerons pas cette contribution sur l'artisanat promoteur des forces de travail pour une compétition économique dans une croissance réellement équilibrée sans la conclure par ce cri du coeur du défunt Mohamed Abderrahmani, ancien rédacteur en chef de «Algérie actualité», en juillet 1966 où il écrivait ceci: «Dans la lutte pour réduire les conditions sociales dans lesquelles l'homme est un être avili, asservi, abandonné, pour tarir les sources du sous-développement, la dépersonnalisation et le rythme monotone et infaillible de la mécanique sont autant de périls. Une société ou les hommes, maîtres conscients du processus social, seront maîtres d'eux-mêmes et continueront à faire l'héritage reçu, voilà un impératif auquel doit se soumettre toute nation engagée dans la révolution industrielle. En portant un culte à l'oeuvre humaine, aux arts populaires traditionnels, on fera échec à ce que la machine tend à détruire en nous: le sentiment, la chaleur de l'émotion créatrice». Que ce voeu soit exaucé à travers ces assises pour nous débarrasser de cette «machine (qui) a gagné l'homme, l'homme s'est fait machine, fonctionne mais ne vit plus» (O. Spengler, Le Déclin de l'Occident). * Enseignant universitaire en retraite.