Nous avons remarqué que beaucoup de mails concernaient, en plus des questions sur l'obtention de la nationalité française, « le problème » du divorce. Nous avons donc regroupé les questions pour permettre à maître Lasbeur de répondre au plus grand nombre de lecteurs. Cette rubrique est maintenue pendant l'été. Vous pouvez donc continuer d'adresser vos courriers à : [email protected] Je soulève une question qui concerne des centaines d'Algériens en Europe et spécialement la France « le sujet du divorce ». Marié en Algérie en 1993, selon le régime matrimonial de séparation de biens, j'ai contracté devant un notaire un acte notarié. Devenu binational avec mon épouse en 1996, cette dernière a engagé une procédure de divorce en France en 2002. Il n'a pas été tenu compte de mon contrat notarié et on m'a appliqué le régime de la communauté. Les actes d'état civil algériens sont-ils reconnus en France ? A titre liminaire, je tiens à vous préciser que les actes administratifs sont valables en France sans aucune formalité, sauf preuve d'inscription de faux. En effet, l'article 36 du protocole d'accord judiciaire algéro-français du 28 août 1962 prévoit que les documents publics, revêtus de la signature et de sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer dans l'un des deux pays (Algérie ou France), seront admis sans légalisation sur le territoire de l'autre. L'article 37 de ce même protocole stipule que les officiers de l'état civil des deux parties contractantes se donneront mutuellement et directement avis de tous les actes d'état civil dressés par eux et qui doivent être mentionnés en marge d'actes dressés sur le territoire de l'autre partie. Les autorités compétentes de l'une des parties contractantes délivreront aux autorités diplomatiques ou consulaires de l'autre partie, les expéditions des actes de l'état civil concernant leurs ressortissants lorsque ces autorités en feront la demande. Mon contrat notarié est-il valable en France ? Concernant les actes notariés établis en Algérie, ces actes authentiques sont aussi exécutoires en France conformément à l'article 8 de la convention algéro-française relative à l'exequatur du 27 août 1964. En effet, cet article prévoit que « les actes authentiques », notamment les actes notariés, déclarés exécutoires dans l'un des deux Etats, sont déclarés exécutoires dans l'autre par l'autorité compétente d'après la loi de l'Etat où l'exécution doit être poursuivie. L'autorité compétente vérifie seulement si les actes réunissent les conditions nécessaires à leur authenticité dans l'Etat où ils ont été reçus et si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où l'exequatur est requis ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. Quel est le régime matrimonial qu'on doit m'appliquer en France, existe-t-il des conventions ? Concernant le dernier volet de la question, il y a lieu de rappeler que dès l'occupation française en 1830, une convention signée le 5 juillet 1830, entre le Dey d'Alger et le général en chef de l'armée française, disposait que « l'exercice de la religion musulmane restera libre ». En date du 1er octobre 1854, un décret précisait que la loi musulmane régit toutes le conventions entre indigènes musulmans ainsi que les questions d'état des personnes. Enfin une ordonnance du 23 novembre 1944, relative à l'organisation de la justice musulmane en Algérie, précisait qu'en ce qui concerne le statut personnel et les successions, les musulmans sont régis par le rite auquel ils appartiennent ou si le rite est incertain, par les coutumes de leur pays d'origine. Donc vous conviendrez, que jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, la France reconnaissait le statut personnel des Algériens musulmans. La conservation du statut personnel des musulmans se trouvait consacrée par l'article 75 de la constitution 1958. En droit musulman, la notion du régime matrimonial est inconnue et le mariage n'entraîne aucun effet quant aux biens. C'est la séparation complète du patrimoine. L'ordonnance du 4 février 1959 et le décret du 17 septembre 1959, portant règlement d'administration publique, stipule en son article 3 que : Sauf mention expresse portée sur l'acte de mariage, l'échange des consentements devant l'officier de l'état civil n'implique pas renonciation des époux à leur statut personnel. D'ailleurs, le Centre de recherche d'information et de documentation notariales (CRIDON), interrogé sur cette question, a conclu que les époux d'origine algérienne et de statut musulman, mariés en Algérie, se trouvent placés sous le régime de la séparation de biens, même si ces époux demeurent en France depuis leur mariage. L'accession de l'Algérie à l'indépendance comme la naturalisation française (éventuelle) de l'un ou l'autre époux n'ont pas affecté la soumission de l'intégralité de leurs biens à la loi matrimoniale musulmane. En corollaire, que ce soit pour les biens situés en France ou en Algérie, les époux algériens ont toujours été placés sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Il n'y a jamais eu de communauté de biens entre eux. D'ailleurs, l'article 10 du code civil algérien prévoit que les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Algériens même résidant à l'étranger. J'ajoute, enfin, que les dispositions de la loi 84 -11 du 9 juin 1984, portant code de la famille modifiée le 27 février 2005, précisent que les époux disposent de leurs biens en toute liberté. Toutefois, les futurs conjoints peuvent stipuler toute clause qu'ils jugent utile à moins qu'elle ne soit contraire à cette loi.