«Un texte conjoint du ministère des Finances et de la Banque d'Algérie sera élaboré en cas de nécessité», a affirmé hier le ministre des Finances devant les journalistes à propos du crédit documentaire. Si la situation macroéconomique du pays «n'a pas beaucoup changé», selon le ministre, c'est «la forte croissance des importations dont le montant avoisine 50 milliards de dollars pour 2009» qui a imposé des mesures de régulation du commerce extérieur et les décisions contenues dans la LFC. Karim Djoudi affirme qu'il y a eu beaucoup d'investissements directs étrangers, beaucoup d'investissements privés «mais ouverts sur des niches de produits destinés à l'export, des investissements qui ne sont pas générateurs d'emploi.» Il y a eu nécessité, a-t-il dit, d'«une prise de contact avec un certain nombre de partenaires, des organisations patronales et des banques pour avoir des propositions et tirer les conséquences des risques identifiés.» Il précise que «ceci n'a rien à voir avec la crise financière internationale.» Il soutiendra au passage, que «nous ne sommes pas concernés par la crise mais comme ses conséquences économiques ont poussé à la chute du prix du pétrole, il y a eu baisse de nos recettes en devises. Ceci étant dit, on a des indicateurs qui montrent que notre économie fait face à ces conséquences d'une façon prudente.» Une balance devise excédentaire durant la durée de vie du projet souligné par un des alinéas de l'article 58 de la LFC fait dire au ministre que «cela ne traduit pas une relation comptable mais de stratégie. L'investissement doit donc s'inscrire dans un créneau de substitution à l'importation.» A propos de l'allégement des charges patronales pour l'emploi créé, le premier argentier du pays note qu'«en réduisant les charges, on travaille sur le coût. Il est possible ainsi, de rééquilibrer entre le coût du capital et le coût de l'emploi. On est une économie qui fait de la croissance, il y a donc de la croissance à prendre sur le marché algérien.» L'alinéa 4 de l'article 58 n'est pas rétroactif. Djoudi rappelle à cet effet le communiqué de presse de son ministère daté du mercredi 12 août 2009: «Les dispositions de cet article ne s'appliquent qu'aux sociétés commerciales effectuant des activités d'importation de biens destinés à la revente en l'état et qui sont créées à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi de finances complémentaire pour 2009.» «Nous voulons développer le capitalisme algérien» Pour aider les jeunes promoteurs, le ministre indiquera que l'Etat fera intervenir le fonds d'investissement dans le capital de l'entreprise créée. «Il financera le fonds propre (il rentre et il sort) en plus de l'aide du fonds de garantie.» Les fonds d'investissement, qui vont être créés dans les 48 wilayas, apporteront selon lui, aux jeunes promoteurs «la mise (le capital) et l'engineering financiers.» Le fonds national de l'investissement a par contre une mission différente, «celle inhérente dans des projets plus importants, la mise à niveau des entreprises et leur réhabilitation.» Il parlera de l'assainissement des entreprises par un dispositif «qui traite les entreprises viables dont les dettes ont été rachetées par le Trésor public, comme le cas de la SNVI et celles non viables pour lesquelles l'Etat a gelé les découverts et pris en charge leurs intérêts.» Il fait savoir que l'Etat assure aux entreprises viables des moyens pour se développer après avoir traité ce qu'elles ont dans leur bilan. A condition que leurs dettes ne dépassent pas un niveau précis (4%). L'article 74 permet à l'Etat d'être actionnaire dans les sociétés d'importation étrangères devant ouvrir leur capital à des nationaux étrangers (art.58), en créant une société de participation. «Ce qui lui donne un droit de regard supplémentaire sur la société et aussi d'écrémer, de prendre une partie des revenus générés», dit le ministre. Il rappellera en outre, que désormais, le national résident peut participer dans le capital des entreprises à privatiser à hauteur de 66%. «Nous voulons développer le capitalisme algérien», dit-il. La nécessité de déclarer tout investissement auprès du Conseil national de l'investissement permet, selon lui, de mieux orienter les investissements. «Seuls les investissements bénéficiant d'avantages de l'Etat passent devant l'ANDI. Et si on donne des avantages, c'est qu'on veut orienter le projet dans un sens ou dans un autre, d'où la décision de passer les projets devant le CNI.» Le ministre fait remarquer qu'«on se retrouve aujourd'hui avec un nombre de huileries et de minoteries qui dépassent de 3 fois les capacités du marché.» «On ne va pas importer moins...» La forte croissance des importations a été marquée, a-t-il noté, «par une forte croissance des importations de services qui ont atteint au 1er semestre 2009, 11 milliards de dollars, des services comme pour les transports maritimes et les bureaux d'études. Il y a possibilité de les développer localement.» Au 1er semestre 2009, l'Etat a engrangé seulement 20 milliards de dollars par l'exportation des hydrocarbures. «Alors que la facture globale des importations sur la même période a atteint 19 milliards de dollars pour une croissance faible proche de 4%», ajoute Djoudi. A la même période, la balance commerciale a été excédentaire d'un milliard de dollars. La dette externe globale a été en décembre 2008 de 5 milliards de dollars. Il fait savoir que la facture des produits alimentaires pour 2008 a été de 5,6 milliards de dollars. Et l'Etat a accordé 200 milliards de dinars pour le soutien des prix. Les importations de véhicules ont atteint 7 milliards de dollars. L'augmentation des biens d'équipements est, dit-il, en corrélation avec le programme d'équipements publics. Tous ces indicateurs «dans le temps, peuvent être un élément de gêne qui pèserait sur nos réserves de change», dit-il. L'Etat, a-t-il assuré, a déjà réduit l'endettement interne en puisant dans le fonds de régulation dont les ressources sont de 4.200 milliards DA. Le ministre reconnaît par les mesures prises qu'«on ne va pas importer moins mais le besoin du marché va mieux s'exprimer. Et à un moment, on va basculer sur la production.» Le niveau des transferts libres comme mode de financement des opérations du commerce extérieur «véritable pompe aspirante de la devise» a atteint, dit le ministre, «90% pour les services et dépasse 50% pour les biens.» La volonté de se positionner sur le marché avec le transfert libre relève du fait, selon lui, que «le marché algérien est fortement liquide en raison d'une forte épargne et une forte dépenses publique.» L'autre mode de paiement, la remise documentaire, n'a pas été retenue parce qu'«elle a créé énormément de contentieux au niveau des banques», affirme Djoudi. Et si le crédit documentaire ou lettre documentaire (Credoc ou LC), est le seul mode de paiement retenu par la LFC, c'est parce que, dit-il, «il permet la traçabilité, le suivi et l'évaluation de la transaction.» Il précise que par le maintien de ce mode, «nous ne voulons protéger ni l'importateur ni l'exportateur.» Il assure qu'«un texte conjoint du ministère des Finances et de la Banque d'Algérie sera produit en cas de nécessité, si des cas incompatibles avec le financement par le credoc surgiront.» A propos de la suppression de la procuration pour tout dédouanement de marchandise importée, le ministre estime qu'elle a été décidée «parce qu'il y avait du commerce sur les procurations.» Il est désormais permis aux patrons des sociétés de désigner un employé pour le dédouanement de leur marchandise à condition «qu'il soit immatriculé à la CNAS et déclaré à la direction du Commerce de wilaya.» Ainsi, dit Djoudi, «ils sont identifiés, suivis et qu'on retrouve au sein de la société. Si jamais, ils changent, obligation faite aux patrons de les déclarer encore...» «Il faut toujours un peu d'inflation» Le ministre reconnaîtra qu'à ce jour, «il n'y a pas eu réellement d'assainissement des registres de commerce, il y a une disposition qui va obliger à le faire, l'élimination de l'extrait de rôle. Ce qui ne veut pas dire que l'administration fiscale recule mais elle délivrera au concerné une situation fiscale dans les 48 h en plus du suivi fiscal qui lui sera fait.» Il rappelle l'existence du Numéro d'immatriculation fiscale (NIF) et affirme qu'il «fonctionne bien mais il n'est pas le seul, il y a une direction de l'Information fiscale qui a un fichier de tous les opérateurs. En cas de contentieux, le NIF peut les identifier puisqu'on a identifié les fraudeurs.» Pour lui, «c'est un dispositif qui s'élargit pour assainir le registre de commerce et graduellement normaliser le marché de l'importation.» La suppression du crédit à la consommation n'est pas jugée pénalisante par le ministre. «L'importation de véhicules va continuer de se faire et le particulier pourrait en acheter selon les modalités de financement fixées par les concessionnaires qui peuvent vendre à crédit ou au comptant, ils ont le choix.» Il affirme au passage, que «l'endettement pour l'achat de véhicules a atteint 1,5 milliard de dollars.» Les 30% du salaire mensuel que les banques ne doivent pas dépasser pour le remboursement de tout crédit à la consommation, explique Djoudi «n'ont rien à voir avec l'endettement des ménages et le surendettement n'a pas été observé au sens où il y a des défaillances.» Il note que «la centrale des risques qui a pour objectif d'évaluer les risques des ménages, n'est pas opérationnelle.» Il fait savoir que «cette centrale est en cours de montage au niveau de la Banque d'Algérie avec l'aide de la Banque mondiale.» Abordant le marché locatif, il dira que «nous voulons que 1,5 million de logements vacants soient mis sur le marché, c'est pour cela qu'on exonère ceux de 80 m² des 7% de l'IRG.» Le prêt bonifié accordé par l'Etat au fonctionnaire pour l'acquisition d'un logement est pour lui, une manière de le protéger. «Nous voulons protéger le fonctionnaire», a-t-il affirmé. La mesure pourrait être cependant, «élargie aux autres couches avec possibilité au Trésor public de combiner aide frontale (700.000 DA de la CNL) et taux d'intérêt.» Interrogé sur la convertibilité du dinar, le ministre indique que «3 éléments entrent en ligne de compte: des indicateurs macroéconomiques confirmés dans le temps, la confiance dans le dinar et une parfaite diversification des revenus internes.» La dépréciation du dinar, ajoute-il, est un phénomène mécanique qui fait évoluer la parité contrairement à la dévaluation qui est un fait technique. «Nous avons des instruments de régulation et on fait une évaluation régulière du taux de change avec le FMI», affirme-t-il. D'un taux avoisinant les 4% actuellement, l'inflation n'est pas importée, mais, a-t-il expliqué, «elle est domestique et engendrée par les fortes pressions sur les produits frais et les fortes tensions sur les prix.» Il indique en bon financier, que «l'inflation, ce n'est pas mauvais, il faut toujours un peu d'inflation pour l'investissement.»