L'autonomie du MSN n'a cessé de défrayer la chronique sportive depuis des lustres. La victoire de l'équipe nationale de football vient de lui donner un nouveau format et de nouvelles couleurs. Crise de société ou crise du sport ? Chez nous, depuis la fin des années quatre vingt, nous avons assisté à une lutte aux multiples variations, entre les velléités d'indépendance exprimées par les fédérations sportives et la volonté de l'Etat, dépassé, tout autant que la société, par le déluge de barbarie qui faillit emporter tout le pays dans une effroyable tourmente. Malgré cette inexorable descente aux enfers, alimentée, dans le domaine des sports, par des nervis qui, pour un maroquin, auraient vendu leurs âmes au diable, l'essentiel fut sauvé. Mais enfin, entre le diable et le bon dieu, certains ne font pas trop dans la nuance et ne s'embarrassent guère de scrupules, puisque rendre des comptes, chez nous, est devenu, sur terre ou dans les cieux, un souci superfétatoire. Les années 2000 vont voir s'affirmer la volonté du pouvoir de reprendre en mains les rênes du MSN et l'Etat recouvrer la plénitude de ses prérogatives. Cette volonté connaitra son point d'orgue avec la parution du fameux décret 05.405 par lequel toutes les dérives et discordes survinrent. Au lieu de réunifier des rangs déchirés par une fitna organisée et de consolider les meilleurs acquis du mouvement sportif, bien au contraire, son application à deux reprises à deux olympiades d'intervalle, nous valut la désunion pour la course aux fauteuils et strapontins, au lieu de se concentrer sur la réalisation de projets de développement sportif cohérents. C'est ce fameux décret qui provoqua l'ire du Président du CIO qui, dans une lettre aussi diplomatique qu'appuyée, après avoir eu l'aval des plus hautes autorités du pays, enjoignait au MJS de modifier ou d'abroger le décret de la discorde avant le 31 décembre2009. Puis d'aller plus loin en se substituant aux instances légales algériennes - l'assemblée générale du COA entre autres - pour nommer un Président de Commission Préparatoire à l'AG élective du COA. L'histoire saura juger et les uns et les autres. Tout ce feuilleton à rebondissements multiples, provoqua l'écœurement de l'opinion publique sportive, usée par tant d'incohérence. Elle savait que le développement sportif ne réside nullement dans l'inflation des textes, lois et règlements, illusoires fondements de changements intempestifs instaurant une instabilité chronique, mais dans la mise en œuvre d'un projet dense, global, équilibré et visant le long terme, étalé, à tout le moins, sur trois ou quatre olympiades. En outre, tous se souviennent que la mise en œuvre de ce décret nous valut dés sa parution, une levée de boucliers de la part de deux des plus grosses cylindrées du mouvement sportif international : la FIFA et l'IAAF. Les Ministres en tant que grands commis de la République, grandement convaincus de leur bon droit, ne parvenaient pas à comprendre l'intensité et l'ampleur de la bronca soulevée par leurs oukases. Chaque partie défendant ce qui lui semblait être essentiel : d'un côté l'autorité de l'Etat, de l'autre, l'autonomie du mouvement olympique. Deux projets de société, deux modes de gouvernance dont les fondements étaient loin de converger. Mais qui, par la force des choses, devaient parvenir à convergence, dans l'intérêt bien compris de tous, notamment la jeunesse sportive du monde. L'exigence démocratique et la participation citoyenne du peuple à la construction du pays La crise qu'a connu le Mouvement olympique et sportif algérien peut être considérée, à certains égards, comme salutaire. Ella a permis à l'opinion publique de comprendre la nature des enjeux et au Président de la République d'appeler le Gouvernement à la définition d'une nouvelle politique sportive nationale. Celle-ci, pour être féconde et mobilisatrice ne doit pas être circonscrite aux seules instances gouvernementales, mais interpeller l'ensemble des institutions et organisations concernées par le développement sportif dans notre pays. Car, l'action pour l'autonomie de la société civile sportive est le révélateur de l'exigence démocratique qui travaille toute la société sans qu'elle ait ou puisse se donner les moyens de l'exprimer et de l'imposer dans l'intérêt général. Examinons cette question à la lumière de l'impressionnante chevauchée, de la «chevauchée fantastique » de l'équipe nationale de football qui vient de donner à tout le monde une impressionnante leçon de politique appliquée, balayant les analyses politiciennes à courte vue et prouvant, encore une fois, que le sport est bel et bien dans la société. Qu'il est plus que jamais dans la société et ne doit pas être considéré comme un simple exutoire de foules dépossédées de leurs droits fondamentaux, mais comme un formidable levier pour atteindre ce que les calculs politiciens n'ont pu réaliser. Quelle lecture pouvons nous faire de cet impressionnant tsunami populaire ? La victoire de l'équipe nationale de football a été le révélateur de ce que toute la société algérienne portait en elle. Ce dont elle était grosse depuis une vingtaine d'années, une soif de victoire après tant d'humiliations, de hogra et de déni de droit au point que certains prévoyaient l'imminence d'un autre 5 octobre. Une fulgurante éclaircie qui a conjuré le mauvais sort après cette longue traversée du désert qui lui fut imposée par l'incompétence et l'aveuglement des hommes, le désordre organisé, la barbarie et la fureur. Elle a révélé la force et l'énergie d'un peuple et de sa jeunesse, lorsqu'elles sont libérées après avoir trouvé et reconnu l'objet ou le projet de leur libération. Une équipe de vingt deux joueurs, sûrs de leur art, forts de leur solidarité et animés par un « cheikh » sage et à l'expertise avisée. Une équipe qui a su redonner, au-delà de toutes les gesticulations politiciennes présentes et passées, le goût perdu de la victoire retrouvée. Et, par-dessus la victoire, les chemins de la dignité et de la fierté. « Nous sommes fiers d'être algériens ! » clamait cette jeune fille sur les champs élyséens, après tant d'humiliations, de magouilles et de duperies qui faisaient baisser la tête pour éviter d'avouer qui l'on était. Elle a révélé la force de l'unité retrouvée, restaurée du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, de l'intérieur et de l'extérieur ; la puissance de ce profond désir d'unité, de rassemblement et de dignité que tout le peuple portait en lui, sans le savoir en pleine conscience, mais que le maelstrom provoqué par la victoire des verts, a révélé au grand jour. Elle a montré la fierté des algériens s'exprimant par la danse, cette transe inouïe des corps unis par les mêmes rythmes et par la voix. Par les slogans remontant le cours du temps des victoires chantées lors des jeux méditerranéens d'Alger, puis après les mémorables sorties lors de deux coupes du monde : « one, two, three, viva l'Algérie». Ces manifestations du peuple uni sont une magistrale leçon donnée à toute la classe politique. Un projet unificateur et rassembleur des forces, un projet approuvé par tout un peuple qui soutient et pousse son équipe jusqu'au terme de sa chevauchée, au but ultime : la victoire. Toute l'Algérie était présente sur les gradins du stade Chaker. Toute l'Algérie transfigurée par la force de ce qui se jouait devant ses yeux. Cette grandiose bataille de tout un peuple uni autour de son équipe, comme hier il était sorti le 5 juillet 62 pour célébrer sa libération dans un même élan du nord au sud, de l'est à l'ouest, de l'intérieur et de l'extérieur. Comme demain il le fera pour célébrer d'autres victoires et d'autres champions, comme il l'a fait pour Nourredine Morceli, Hassiba Boulmerka et Nouria Benida. Révélation de l'unité, projet de la fierté et de la dignité retrouvées ; mais aussi volonté puissante de participer à la construction du pays et expression sans équivoque de l'exigence démocratique. On ne peut rien construire de valable sans le peuple et, encore moins, contre le peuple. On ne peut rien construire de durable en enfermant le peuple dans un perpétuel état d'urgence. Il faut libérer l'énergie des algériens et ne plus la tenir bridée par mille un artifices. C'est la grande leçon que nous devrions retenir de la grande descente aux enfers subie par notre jeunesse, aujourd'hui en voie de sortir de cette pénible traversée du désert. Il ne faut pas l'oublier, il ne faut plus l'occulter, sinon on continuera à commettre un énorme contre sens historique.