Entre les deux maux , football et foot'hball, il n'y a qu'un pas. Entre les deux mots, il n'y a qu'une lettre. Mais une lettre qui change tout. Après chaque victoire d'un match de foot, c'est toute l'Algérie qui se donne en spectacle après le spectacle. Tout le pays est en liesse. C'est le match de « OUM EL KOURA, » sa Majesté le «Foot» ou «la mère» des balles rondes. Pourtant, tous les ballons sont ronds, si l'on excepte celui du rugby. L'équipe féminine de volleyball a, pourtant, bien remporté la victoire du championnat africain. Félicitation. Non seulement, il n'y a eu aucune ambiance festive dans la rue algérienne à l'instar des matchs de foot Algérie-Egypte, Algérie Ruanda, mais cela s'est passé presque sous silence. Les médias n'ont pas été au rendez-vous pour médiatiser suffisamment la victoire, toutefois, bien méritée et...à la hauteur de l'évènement. Nos ambassadrices ont donné le meilleur d'elles-mêmes pour permettre à l'emblème national de flotter et à l'hymne national de résonner sous d'autres cieux, mais aussi pour donner satisfaction aux quelques Algériens qui ont eu « la galanterie » de suivre leurs différents matchs et les ont supportées vaille que vaille dans leur parcours, pourtant, de combattantes. Pourquoi cette forme de discrimination négative ? Parce qu'elles sont des filles ou parce que le volleyball ne mérite aucune attention de la part des esprits sportifs des Algériens. Cependant, ces victorieuses méritent bien respect et considération de la part de toute la nation algérienne. Bravo. Elles ont fait montre de ce qu'elles sont capables de faire et, en même temps, gonfler leur pays d'orgueil. Elles ont, du coup, montré à ceux qui veulent bien le reconnaître que la fille algérienne n'est pas faite exclusivement pour la cuisine et la maternité comme le pensent beaucoup d'esprits moyenâgeux. Elle a bien prouvé qu'elle n'a pas que son talon sur lequel marchent les hommes mais aussi du talent en tant que capacité remarquable dans le domaine sportif. Pour peu que l'on s'intéresse à elle et qu'on lui donne sa chance et les moyens pour s'affirmer. De son temps, Karl Marx avait raison de dire que « La religion - au sens générique du terme - est l'opium des peuples.» L'idée n'est pas tellement péjorative. Il suffit de remplacer le concept religion par un autre devenu à la mode qui est «le football» que nos médias semblent mystifier à sacraliser. Après chaque victoire d'un match de foot, c'est toujours la même rengaine : de véritables marées de jeunes se défoulent comme des débiles que rien ne semble retenir. Un défoulement devenu une dynamique à la folie collective. « Il faut que folie se passe ». C'est un moment de liesse nationale. Que les automobilistes actionnent leurs klaxons-et ce, à une heure très tardive (que fait-on du tapage nocturne qui perturbe malades, vieux et bébés dans leur sommeil) - pour canaliser leur trop plein de joie, cela se comprend parce que cela existe dans tous les pays du monde. Mais quant à voir des jeunes monter sur les toits et capots des voitures avec tous les risques d'accidents dramatiques (il n'a pas d'accident par accident) et avec presque la bénédiction des pouvoirs publics, cela dépasse tout entendement. C'est un non-sens qui défie toute raison, toute logique, chronique. Les jeunes se déchaînent. Le foot, qui est un sport de distraction, semble prendre, chez nous, les proportions d'un arbre qui veut cacher la forêt de misères dans laquelle végètent les Algériens. Que peut rapporter le football de plus aux amertumes quasi quotidiennes de la vie de tous les jours du citoyen malheureux chez lui, dans son propre pays pour lequel lui-même et/ou des membres de sa famille ont pourtant combattu durant la Guerre de Libération. Même si le Onze national remporte les deux coupes africaines et mondiale, quel serait le profit substantiel du citoyen anonyme. Jusqu'à quand continue-t-on à endoctriner nos jeunes, à les avachir, à les rendre psychologiquement veules ? Le foot est-il en passe de devenir l'opium de nos jeunes - que Dieu les préserve. Est-il devenu un écran pour voiler l'inquiétude du présent et l'angoisse de l'avenir ? Les pouvoirs publics ne voudraient-ils pas reconnaître qu'il n'est plus l'heure des leurres ? Les saintes colères expriment un bouillonnement social pour réclamer, à juste titre, une répartition équitable des richesses et du bonheur nationaux pour tous les habitants de ce pays. Il appartient aux dirigeants de ce pays de remédier dans l'immédiat avant qu'il n'engendre d'autres maux. Il est clair que tous les clubs du monde entier ont leurs supporters paisibles et/ou mordus. Néanmoins, notre football est en passe à devenir un « foot'hball » qui dépasse l'entendement. Lorsque les bornes sont dépassées, il n'y a plus de limites. Le citoyen algérien désire une vie décente. Il a besoin d'un bien-être sans exiger le luxe. Le jeune Algérien a faim de vivre et en a assez de mener une existence sans vie. Sans prétention de vouloir faire retourner Descartes dans sa tombe - qu'il continue à reposer en paix -, nous pouvons, en Algérie, inverser le cogito cartésien : « J'existe, donc je suis. » Or, il n'existe pas, donc, il n'est pas. Comment, pardi, dans un pays qui regorge de richesses (sol et sous-sol), en quelques années seulement, il y a «des infiniment richissimes » qui ne manquent de rien parce qu'ils ont tout et «des infiniment pauvrissimes» qui n'ont rien et qui manquent de tout et ce, au vu et au su des pouvoir publics qui continuent à fermer les yeux et se boucher les oreilles. Est-ce encore l'Algérie des deux collèges qui rappelle tristement l'époque coloniale ? A quoi, donc, a-t-elle servi l'Indépendance qui a été trahie? Une bonne gouvernance se fait dans et avec la Vérité et non sur le mensonge et l'hypocrisie politiques. Ce que désirent tous les habitants du pays, c'est d'être des Algé-Rois heureux et fiers d'être chez eux et non des Algé-Riens malheureux et éprouvés qui souffrent d'être chez eux et qui continuent à braver la mort en haute mer à bord d'embarcations de fortune à la recherche d'une vie meilleure, dans l'espoir d'une vie ailleurs. De véritables suicides collectifs s'organisent parce que ces jeunes vivent un concentré, voire le nectar du mal-être, de la mal-vie. C'est bizarre comme les temps ont changé. Les jeunes de vingt ans des années cinquante bravaient la mort pour libérer leur pays de la domination coloniale durant la Révolution de 1954, tel que Zabana et un million et demi de ses semblables - que Dieu les accueille dans Son vaste Paradis pour l'éternité. Les jeunes de vingt ans d'aujourd'hui bravent la mort pour le quitter parce que sans travail, sans logement, sans avenir. Ils mènent une vie de galère, autant dire une vie à l'envers de leur rêve pendant que d'autres (une minorité de parvenus) mènent une vie de châteaux d'Espagne en Algérie, de surcroit. La précarité semble définitivement élire domicile chez nous et ne semble pas s'inquiéter outre mesure. Ces jeunes demandent seulement le SMIC du respect de la vie parce qu'ils sont « LE PEUPLE », parce que comme l'a dit le génial poète tunisien Abou El Kacem Chabi : « Si le peuple un jour décide de vivre, le destin doit s'exécuter. » J'ai juste une chose à ajouter. Monsieur Sâadane a eu cet éclair de génie de faire appel à quelques joueurs nationaux qui ont évolué à l'étranger. Leur contribution a été fructueuse au sein de l'équipe nationale qui connaît, actuellement, victoire sur victoire, victoire après victoire. Pourvu qu'elle continue sur cette lancée qui nous fait plaisir et dont nous en sommes tous fiers. Cependant, si les Autorités politiques décident, dans un élan de patriotisme, de lui emboiter le pas en faisant appel aux 40 000 cerveaux pointus qui se sont installés à l'étranger et qui font tourner les labos de leurs pays d'accueil, l'Algérie fera 40 fois moins de temps pour se développer 40 fois plus par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. A titre d'exemple et selon les statistiques, l'enseignement supérieur compte 35 000 enseignants dont 7 000 seulement sont de rang magistral, soit un enseignant sur cinq. Imaginons un instant que les pouvoirs ont appris et compris la leçon et font appel à toutes ces compétences nationales établis hors du pays ajoutés à ceux qui y sont déjà sur place. Notre université redeviendra le fleuron de l'Algérie, comme dans le bon vieux temps. Elle n'aura, de ce fait, plus rien à envier aux autres universités du monde même celles de renom. Dois-je, dont continuer encore à rêver ? *Docteur ès lettres Maître de Conférences Université de Chlef