Le football passionne. Malgré la multitude de problèmes dans lesquels se débat le sport roi en Algérie, certaines rencontres, dites derbys, continuent d'attirer les foules et de provoquer tantôt des éclats de joie, tantôt des tensions qui conduisent, malheureusement, à l'irréparable dans bien des cas. Sur le plan étymologique, le derby désigne tout simplement un match qui oppose deux clubs proches géographiquement. Cette notion peut avoir une extension pour concerner une rencontre entre deux grands clubs d'un championnat, comme celle qui oppose le FC Barcelone au Real de Madrid en Espagne. En Algérie, «le big match» a connu deux phases différentes. La première est située à l'ère coloniale. A l'époque, le derby était d'essence bourgeoise. On parlait du derby lorsqu'une rencontre opposait un club d'inspiration nationaliste –les clubs portaient essentiellement la lettre M. qui renvoyait à l'identité musulmane- et les équipes créées par l'administration coloniale. Les confrontations sportives constituaient une tribune de choix pour l'expression du combat libérateur. Après l'indépendance, les choses ont, bien sûr, changé. Les célèbres derbys algérois opposaient le Mouloudia d'Alger à l'USMA ou entre ces deux équipes au CRB, à l'USMH ou encore au NAHD. D'autres «big matches» étaient connus aussi à l'Est, notamment à Constantine où le CSC donnait des répliques amusantes à son voisin du MOC. A l'Ouest, les rencontres entre les deux prestigieux clubs d'Oran étaient aussi un grand moment de communion et de joie. Cette joie a subitement disparu. La décennie noire des années 1990 aidant, les derbys ne sont plus des moments de liesse mais des parties à risques. Il n'y a pratiquement plus de «big match» qui ne charrie pas de malheurs avec lui. Le dernier en date est la rencontre qui devait opposer, lors de la sixième journée du Championnat, le Mouloudia d'Alger à l'USM El Harrach. Le match a été reporté parce que, selon les organisateurs, l'Etat ne pouvait pas assurer la sécurité. C'est grave. Arriver à priver les jeunes –déjà en mal de loisirs- du plaisir de voir un beau match est une absurdité. Casser les tribunes en est une autre. Mais le mal est ailleurs. Dans toute la société. Y compris dans certains médias qui mettent le feu aux poudres à la veille de chaque rencontre importante. Et lorsque le sang remplace le tambour, la joie disparaît. Et la comédie tourne au tragique... A. B.