Romancier, essayiste et voyageur infatigable, Dominique Fernandez, de l'Académie française, était jeudi dernier l'hôte de l'université Mentouri de Constantine, où il a tenu une rencontre avec les enseignants et les étudiants, venus nombreux assister aux débats avec cet écrivain, réputé pour son style d'écriture limpide et surtout ses positions franches et son courage moral digne d'un intellectuel témoin de son époque. «Il a trahi la République», lancera-t-il en guise d'accusation contre son propre père. Le témoignage fascinant apporté par son dernier ouvrage «Ramon», du nom de son père, ami de Gide, de Proust, d'André Malraux, de Saint-Exupéry et d'autres illustres personnages du monde littéraire de la France, et qui a été «collabo» des nazis durant l'occupation de la France par les Allemands, demeure un moment de vérité et de forte conviction de l'académicien, qui avouera lors des débats qu'il n'a jamais trouvé d'explication convaincante sur la position adoptée par son père face à l'occupant. Il ne faut surtout pas croire que ce trait de l'histoire de famille est raconté de gaieté de coeur, car, malgré tout son courage, on sent toute cette tristesse vis-à-vis de ce père qu'il reconnaît comme un être très intelligent, un grand intellectuel et qui a été l'invité du sinistre Goebbels. «Je ne comprends pas comment ?», s'interrogeait-il d'un air navré. Les débats porteront aussi sur l'oeuvre de l'écrivain, et particulièrement sur la langue française, notamment face à la montée «submergeante» de l'anglais, qui a ouvert la voie à une langue hybride, le «franglais» en l'occurrence. A ce propos, Dominique Fernandez répliquera que c'est là un problème agité perpétuellement au sein de l'Académie française, et des propositions de termes en français sont dans ce sens souvent mis en pratique, mais cela n'est pas aisé à atteindre et le problème ne devrait pas relever strictement des prérogatives de l'Académie française tant que les mots américains tirent leur domination de la suprématie économique, scientifique et technologique, dira-t-il. Dans ce contexte, le conférencier, qui fait partie de la commission des dictionnaires à l'Académie française, annoncera que 40.000 nouveaux mots ont été recensés ces dernières années, et ils figureront sur la prochaine édition du dictionnaire à paraître dans les dix prochaines années. Notons que l'écrivain, âgé de 80 ans, gardant néanmoins intacte cette jeunesse d'un voyageur impénitent, qui a visité ces derniers jours les villes d'Oran et d'Alger, avant d'arriver à Constantine, prépare un projet d'écriture d'un nouveau livre qui a pour toile de fond les ruines romaines. Chut !, il ne faut jamais parler d'un livre avant de l'avoir écrit, dira-t-il devant les sollicitations de ceux qui voulaient en savoir plus sur ce prochain ouvrage.