Jamais, de mémoire de consommateur, le prix de la viande ovine et bovine n'avait atteint de telles proportions. Jugez-en : les prix affichés ces derniers temps sur les étals défient toute imagination. L'agneau, jusqu'à 1.200 dinars le kilo pour certains morceaux de choix, notamment les côtelettes, proposé rarement sous la barre des 950 dinars, n'est pas simplement une simple vue d'esprit, mais constitue bien une réalité. Les consommateurs doivent s'y habituer dès maintenant, car inutile de penser qu'il ne s'agit là que d'une simple poussée conjoncturelle. Hier, au niveau du marché d'El-Hamri, les bouchers chômaient presque, et pourtant le kilo de viande d'agneau s'affichait à 860 dinars, démentant quelque peu les étals des marchés des quartiers huppés où une certaine clientèle, tout en s'assurant de la qualité du produit, est peu regardante sur les prix affichés. Les rares clients du marché d'El-Hamri viennent surtout pour acheter de la viande hachée congelée vendue à 480 dinars le kilo. Il faut dire que le même kilo est proposé à 500 dinars ailleurs. « Moi, ça fait longtemps que je n'ai pas acheté de la viande au-delà des 500 grammes, sauf s'il s'agit d'une obligation comme recevoir des invités. Dans ce cas, je commande rarement plus d'un kilo, tout en l'accompagnant d'un peu de viande hachée en congelé et de poulet », avoue un fonctionnaire. La classe moyenne, qui constitue la majorité de la population, comme ce fonctionnaire, ne peut plus suivre le rythme d'une inflation qui ne veut toujours pas dire son nom. Et que dire des pauvres pour qui la pomme de terre est devenue un luxe et la viande un mirage. Au niveau de la cité Grande-Terre et à Gambetta, le kilo de viande d'agneau a atteint les 1.200 dinars et une certaine clientèle ne manque pas de faire le plein. Sid Ahmed, boucher bien connu du marché d'El-Hamri, tout en confirmant cette hausse, explique les raisons. « Depuis l'interdiction d'importation de l'agneau congelé, la mercuriale n'a cessé de grimper. En plus de cela, le fait que les importateurs qui sont soumis à plus de restrictions douanières a fait que l'offre est moins importante par rapport à la demande. Tout cela explique cette hausse », dira-t-il sommairement. Entre-temps, il n'hésite pas à pointer du doigt les abattages clandestins qui sont devenus presque légaux. « Les bouchers, pour la plupart, surtout ceux des quartiers populaires, ne font presque pas de bénéfice, seulement sur les abats qu'ils achètent en vrac entre 2.500 dinars et 3.000 dinars, leur permettant en les cédant au détail de faire quelques bénéfices », conclut-il. Non sans évoquer l'approche de l'Aïd El-Adha et les spéculations qui vont avec, comme chaque année. A Médioni, le prix de l'agneau est à 1.000 dinars et le boeuf sans os à 1.300 dinars, à tel point qu'il a pratiquement disparu des étals. Ce qui fait que les détaillants redoublent d'ingéniosité pour seulement écouler leur marchandises en produits dérivés. Des tranches de viande préparée en filets, bouts de viande de dinde assaisonnés et cédé à 800 dinars le kilo et même les abats de poulet (foie et coeur) proposés à 400 dinars le kilo. Le poulet, pour sa part, varie entre 300 et 340 dinars le kilo, cela dépend du marché, du quartier et du boucher. Malgré les multiples assurances quant à la régulation d'une filière essentielle dans le système comestible, la viande reste soumise aux règles d'un marché plus ou moins opaque pour la simple raison que c'est un produit local. Et l'inflation apparente à travers tous les produits de large consommation explique également cette hausse.