Les marchés très fréquentés d'Alger-Centre n'ont pas été suffisamment approvisionnés en viande fraîche durant les dix premiers jours du mois sacré. Des bouchers voient d'un mauvais œil l'importation de cette viande. Au onzième jour du mois de ramadan, les boucheries d'Alger-Centre semblent ne pas connaître le rush qu'elles ont vécu au début. Ce n'est point la ruée vers les boucheries en ce début de semaine. Hormis quelques clients fidèles, les amateurs de viande rouge ne se bousculent plus au portillon en cette matinée de samedi. Pour certains, le “ravitaillement” a été d'ores et déjà effectué auparavant. D'autres expriment une réticence quant aux prix toujours élevés pratiqués par ces commerçants. L'effet d'annonce attendu après la décision d'importation prise par le ministère de l'Agriculture, et qui devrait se traduire par une baisse considérable des tarifs du kilogramme de viande, n'a, pour le moment, pas eu lieu de manière concrète. Les marchés ne sont pas approvisionnés Hier, la viande fraîche importée était absente sur les étals d'Alger. Une virée sur les lieux renseigne clairement sur l'absence inexpliquée de ce produit. “Faites le tour du marché, vous ne trouverez point de trace de cette viande fraîche venue de l'étranger”, lance un boucher du marché Clauzel. Son confrère lui emboîtant le pas tient le même langage : “Nous l'avons jamais vue. De toutes les façons nous n'allons pas la commercialiser car elle n'est pas demandée par nos clients. Ces derniers préfèrent la viande locale.” A travers les vitrines des présentoirs, une affiche annonce un nouvel arrivage de viande fraîche importée par la société Grands magasins frigorifiques (GMF) prévu pour aujourd'hui mardi au niveau de l'abattoir d'Hussein Dey. Ici le kilogramme de viande bovine locale avec os est cédé à 500 DA, le bifteck à 650 DA, voire 700 DA le kilo. La viande congelée reste stable autour des 300 DA le kilo. Les mêmes prix sont affichés au niveau du marché Ali-Mellah à Champ-de-Manœuvre. La viande fraîche française ou irlandaise n'orne plus les présentoirs frigorifiques ou les chambres froides des bouchers. “On en entend parler qu'à travers les journaux et à la télé uniquement”, répond avec un brin d'ironie un des bouchers qui s'affaire à servir son client, questionné sur l'absence de la viande fraîche d'importation. “Au contraire, nous aimerions bien que cette viande vienne compléter celle produite localement afin de permettre à une frange de plus en plus large de la population de consommer ce produit”, ajoute-t-il. Pour lui, si cette viande manque, c'est essentiellement dû aux petites quantités introduites jusque-là par les importateurs. “Seul un opérateur de Béjaïa a pu conclure ses importations pour le moment. Le reste n'est que promesses non tenues”, précise son confrère et néanmoins voisin dans l'enceinte commerciale. Ce boucher relate la première opération de vente de la marchandise importée par l'opérateur de Béjaïa faisant certainement allusion à la société Vallée Viande. De prime abord, il met en exergue le caractère et l'esprit d'équité dont jouit, selon lui, cet importateur. Il a tenu, avoue-t-il, à ce que tous les bouchers soient approvisionnés à partir de l'abattoir de la même quantité sans favoriser quelques-uns par rapport à d'autres. Les quantités acheminées vers Alger ont été vite liquidées. C'est dire l'intérêt que portent les consommateurs à cette viande venue de France. Le scepticisme des bouchers Dans leur choix, ils s'appuient en toute confiance sur l'assurance des services vétérinaires et des brigades de contrôle de la concurrence et des prix (DCP) qui autorisent la consommation de cette viande. Les bouchers de la rue Meissonnier, quant à eux, refusent carrément la vente de la viande fraîche importée. Leur choix est, affirment-ils, motivé par la demande, voire l'exigence de leur clientèle. “Nos clients refusent cette viande ayant une origine étrangère. Ils préfèrent la viande locale en dépit de son prix”, explique l'un d'eux. Et d'ajouter : “Libre à tout boucher de la commercialiser mais nous, nous n'allons pas la proposer à nos clients.” Sans vouloir remettre en cause la franchise et la bonne foi de ces commerçants, une viande de qualité avérée, contrôlée et reconnue par les services compétents cédée à des prix abordables ne peut qu'intéresser le consommateur. Sinon, comment expliquer son intérêt exclusif pour la viande congelée ! Le citoyen algérien cherche en premier lieu la qualité de la viande, mais son regard reste braqué sur le prix affiché. La même réflexion est partagée par un autre boucher de la rue Meissonnier. C'est à croire qu'ils se sont tous donné le mot… Celui-ci est, lui aussi, catégorique : “Je ne vais pas m'aventurer à vendre à ma clientèle une telle viande importée de je ne sais où. Je risque de perdre mes clients si cette viande s'avère de mauvaise qualité. J'ai une image de marque à préserver avec la qualité de la viande que je vends à mes clients.” Le temps que prend cette viande avant d'arriver sur les étals — estimé par ce commerçant à 13 jours — le laisse sceptique. “Au bout de toute cette période, la viande change de couleur et devient noirâtre. Une telle situation, je ne saurais la vivre avec mon client”, souligne-t-il. Il faut dire, par ailleurs, que le raisonnement de ces bouchers trouve son origine dans le fait qu'ils se sont déjà approvisionnés en viande locale et attendent que toute leur marchandise soit vendue pour songer à commercialiser la viande fraîche importée. Vendre un kilo de viande entre 700 et 800 DA et le bifteck à 980 DA, voire 1 000 DA le kilo augmente davantage leur marge bénéficiaire. “N'attendez pas à ce que tous les bouchers d'Alger soient approvisionnés en viande fraîche importée”, dira une source sûre. Ceux qui s'y sont intéressés, ajoute notre source, se sont aussitôt déplacés au niveau des abattoirs pour prendre leur quota, contrairement à d'autres qui n'ont pas jugé utile. “Pour notre part, c'est le début d'un long processus”, expliquera la même source. Un autre arrivage, de la Sotracov celui-ci, est prévu pour jeudi puisque les bêtes seront abattues aujourd'hui. Il a été cependant signalé quelques quantités infimes de viande fraîche importée du côté d'Hussein Dey ; marchandise vite liquidée dès les premières heures de la matinée de dimanche. Le principal fournisseur des importateurs, affirmera la même source, n'est autre que l'opérateur Azzoug. En résumé, le constat établi à l'issue de notre virée est l'absence sur les étals de viande fraîche importée. Toutefois, une source sûre a annoncé d'imminents arrivages durant cette semaine. Hier, deux cabines sont arrivées et sorties du port de Béjaïa. Les trois quarts de cette marchandise devraient parvenir à Alger dans la soirée. Deux autres arrivages ont en outre été enregistrés dont l'un effectué par la société Souyoul. Dès aujourd'hui, la cadence des arrivages va, selon la même source, s'accélérer jusqu'à dimanche prochain. Ce qui quadruplera les quantités introduites jusqu'à présent. Il est à noter que la grève des dockers a quelque peu perturbé cette opération. B. K.