Une table ronde a eu lieu samedi dernier au siège de l'Association «Le petit lecteur». Organisée conjointement par les associations A.N.E.J (association nationale des échanges entre jeunes), la F.A.S.D (fondation algérienne de la sauvegarde les droits de l'enfant), ainsi que l'ONG européenne le C.I.S.P (comitato internazionale per lo Svilupo dei Popoli), cette rencontre avait pour objectif de lancer un débat sur la problématique des «harraga», et de tenter de décrypter les causes de ce phénomène. Cette table ronde a été pour le moins bien garnie : en plus des membres fondateurs des associations susnommées, des membres d'autres associations, telle «Monde sans illettrés», des professeurs d'université, des étudiants, ou encore des associations venant de Annaba, ont prit part à ce débat. Les premiers à avoir pris la parole ont évoqué l'instabilité politique et la misère économique comme étant les causes directes qui encouragent la pratique de la «harga». A l'appui d'exemples édifiants, les intervenants ont même assuré que ce phénomène est devenu, dans certains milieux, un projet familial. «On a vu des mères vendre leurs bijoux pour assurer la somme nécessaire pour pouvoir embarquer ; on a même vu des femmes, porteuses d'enfants, n'hésitant pas à prendre le large, au risque et péril de leur vie et de celle de leurs bébés ; ce ne sont hélas pas des cas isolés, mais une pratique qui prend de l'ampleur». En plus de la misère sociale, assurent quelques participants, l'élément qui encourage ce phénomène, c'est l'absence de loisirs. «Que fait un jeune, se demandent quelques-uns, hormis aller prendre un café dans la cafète du coin ?». D'autres, face à cette question, répondent que c'est l'absence de loisirs et le manque de perspectives; et de tout temps des Algériens ont émigré. Ceci dit, pourquoi cela a-t-il pris une telle ampleurs au point qu'ils n'hésitent plus aujourd'hui à risquer leurs vies ? La réponse que certains ont trouvé à cette question est tout simplement la cherté de la vie, cherté qui a pris en ces dernières années des proportions inouïes qui les poussent à se «radicaliser» de la sorte. «Durant les années soixante-dix, il n'y avait non seulement pas de visa pour aller en Europe, mais en plus, le dinar avait une certaine valeur. De ce fait, il était à la portée de tout Algérien de se rendre fréquemment en Europe. Et l'image qu'on avait de l'Europe à cette époque n'était pas cette image d'Eldorado, de paradis sur terre, de terre inaccessible, qu'on a aujourd'hui». D'autres ont abondé dans ce sens en déclarant que l'apparition de ce phénomène est aussi due à la politique des pays européens. «La faute incombe aussi aux pays de la rive Nord qui ont barricadé leurs frontières ; eux aussi ont leur part de responsabilité. Beaucoup d'Algériens veulent se rendre là-bas en touristes seulement, pas pour y stagner». Un des intervenants, sans mâcher les mots, a pour sa part attribué cette situation scabreuse ni plus ni moins à «l'échec de la politique algérienne». Selon lui, les raisons de cet échec sont dues essentiellement au manque de communication. Selon certains participants, la harga, loin d'être la solution, ajoute à la gravité de la situation, déjà bien complexe. La parole a été donnée à un étudiant nigérien, qui fait ses études à Oran. Selon lui, en Algérie, les harraga algériens fuient afin d'avoir une vie meilleure, afin de s'épanouir, et d'avoir des loisirs... tandis qu'au Niger, pour mener à bien une bonne «harga», c'est tout le village qui se cotise, et cela afin que le clandestin, une fois en Europe, fasse en sorte de subvenir, à partir de là-bas, aux besoins de sa famille. Quant aux solutions à apporter à ce problème, d'aucuns ont proposé qu'il y ait au préalable un vrai débat national sur cette question, et qu'on ne se contente plus d'en parler seulement sous le chapitre des «faits divers».