Après la reprise des cours dans les trois cycles de l'enseignement suite à trois semaines de grève nationale menée par les syndicats autonomes,la question du rattrapage des «heures perdues» est posée avec acuité par parents d'élèves et pédagogues. Peut-on rattraper trois semaines de cours ? Comment et quand ? Autant d'interrogations et de craintes qui taraudent les esprits et que les habituelles assurances du département ministériel de Boubekeur Benbouzid n'arrivent pas à estomper. Pour de nombreux pédagogues, contactés par nos soins, l'annonce faite par la tutelle consistant à la mise en place d'un calendrier pour la récupération des «heures perdues» n'est autre qu'une «démagogie» peu habile pour amadouer des parents d'élèves de plus en plus inquiets pour l'avenir scolaire de leurs enfants. L'application du calendrier de rattrapage va trébucher sur le terrain à de nombreuses contraintes d'ordre pédagogique, technique et surtout organisationnel. Commençons par l'obstacle de taille qui n'est autre que la surcharge des programmes dans les cycles moyen et secondaire. On parle du côté de la tutelle de la mise en oeuvre d'un calendrier pour le rattrapage de 95 heures durant la première semaine des vacances d'hivers et les demi-journées de repos (mardi après-midi et samedi matin) ! Les enseignants rencontrés sont catégoriques. Il est carrément impossible de récupérer dans les conditions actuelles trois semaines de cours. «D'abord, il faut parler de la récupération des séances et non pas des heures. Nous pourrons rattraper les cours dans le deuxième trimestre, mais nous serons confrontés au risque du surmenage des élèves», confie cet enseignant du secondaire. Et de s'interroger: «Comment rattraper trois semaines de cours, alors que les élèves ne cessent de se plaindre de la surcharge des programmes?». Les pédagogues avertissement que le recours à des séances de rattrapage intensives va créer plus de problèmes qu'il ne va résoudre. Le bâclage des cours sans assimilation aura des conséquences néfastes sur les élèves et en particulier ceux des classes d'examen. «L'élève doit rester au centre du système éducatif», insistent ces pédagogues. Les cours de rattrapage peuvent être dispensés, mais avec le respect strict des capacités d'assimilation des élèves de niveau moyen. Un bâclage des cours de rattrapage va créer des disparités entre les élèves de la même classe. Certains élèves ont certes les capacités de rattraper dans un laps de temps tous les cours perdus, mais la majorité restera à la traîne, disent les enseignants. Les parents d'élèves sont conscients de cette situation d'où l'engouement ces dernières semaines pour les cours de soutien payants. Le créneau n'a jamais été aussi porteur que ces dernières semaines, confie un enseignant. Les parents, dans leur affolement, semblent prêts à débourser une fortune pour garantir un meilleur enseignement pour leurs enfants. Pour ce pédagogue, la notion même de l'école publique et gratuite pour tout le monde est désormais mise en cause dans notre pays. Les écarts, qui commencent ainsi à se creuser entre les élèves issus de couches sociales différentes, sont perceptibles dans le cycle moyen. L'autre point soulevé par les parents d'élèves est la privation des collégiens des périodes de repos pour la récupération des cours perdus. Des élèves épuisés par trois semaines de stress pourront-ils rattraper dans des conditions optimales tout le temps perdu ? Les syndicats autonomes affirment que cette question sera tranchée le 6 décembre prochain dans une séance de travail entre les syndicalistes et les responsables du ministère de l'Education nationale pour justement trouver une «solution acceptable». La tutelle a déjà annoncé la couleur en précisant que les enseignants sont tenus de terminer le programme pour éviter des ponctions sur salaires. Le temps perdu sera-t-il retrouvé ? La tutelle a heureusement assez de temps pour «tremper sa petite madeleine dans la tasse». Espérons de tout coeur que les élèves ne seront pas les premières victimes des anciens errements de notre système éducatif.