Après avoir administré avec succès le Chili durant une vingtaine d´années, la «Concertation de gauche» a connu sa première défaite électorale le 13 décembre lors du premier tour des élections présidentielles chiliennes. C´est un homme d´affaires affichant clairement ses options de droite à la tête de la «Coalition pour le changement», Sebastian Piñera, qui a réussi à désarçonner le démocrate-chrétien membre de la concertation au pouvoir Eduardo Frei. 44,09 % des électeurs ont voté pour le premier, alors que le second n´obtenait que 29,62 % des voix. Un jeune transfuge du parti socialiste, candidat indépendant, Marco Enriquez-Ominami, crée la surprise en récoltant 20 % et ses partisans seront probablement les arbitres du second tour nécessaire, aucun candidat n´ayant atteint la majorité absolue. A noter les 6 % du candidat communiste Jorge Arrate dont le parti obtient trois sièges à la chambre des députés. Les instituts de sondage chiliens avaient pronostiqué la défaite de la coalition au pouvoir dont le candidat s´estime heureux d´arriver en seconde position, lui permettant ainsi d´être présent au deuxième tour pour un face-à-face dramatique avec le candidat de la droite. Ce sera le 17 janvier prochain. Agé de 60 ans, marié et père de quatre enfants, Sebastian Piñara est classé par la revue Fobes parmi les 700 hommes les plus riches du monde. Milliardaire en dollars, certains l´ont surnommé le Berllusconi chilien. Il possède notamment un canal de télévision, est actionnaire substanciel de la compagnie aérienne chilienne «Lan Chile», et est propriétaire du prestigieux club professionnel de foot-ball, le Colo-Colo. Quant à son adversaire direct, Eduardo Frei, c´est un ingénieur civil de 67 ans, père de quatre enfants. Il essaie d'occuper le siège présidentiel pour la seconde fois, ayant été président de la République au titre de la Concertation (1994-2000). De surcroît, son père, Eduardo Frei Montalvan, fut également chef d´Etat (1964-1970) juste avant Salvador Allende. L´actuelle campagne électorale fut marquée par la révélation de l´assassinat par empoisonnement de Frei père par la police secrète du général Pinochet. A noter que le troisième candidat, Marco Enriquez-Ominami, connut l´exil en France durant sa jeunesse. Cinéaste et philosophe de 36 ans, son père guerillero fut tué durant la dictature. A quelques semaines de l´achèvement de son mandat, l´actuelle présidente du Chili, Michelle Bachelet, peut être fière du bilan de sa gestion dans la mesure où 80 % de ses compatriotes ont exprimé leur satisfaction pour les objectifs atteints. Elle connut pourtant en mai 2006 une gigantesque manifestation d´un miilion d´étudiants qui exigeaient de profondes réformes éducatives. Bachelet dut céder sur ce terrain. Cette année-là, en décembre, décédait dans son lit à 91 ans Pinochet qui avait durant 17 ans dirigé une dictature sanglante, réveillant les rancoeurs à travers le pays. Bachelet refusa les obsèques nationales à celui qui fut chef d´Etat de facto, mais permit que ses compagnons d´armes lui rendent les honneurs militaires. Sur un terrain qui ne manquait pas d´embûches, elle sut mener une politique économique et sociale qui lui permit d'améliorer sa popularité. Sur le plan international, elle consolida son leadership régional respecté par le grand voisin du nord, Washington, tout en maintenant un équilibre délicat entre les différentes opinions idéologiques en présence. Au cours du mandat de Bachelet, le produit intérieur brut est passé de 118,24 milliards de dollars à 169,45 milliards (à fin 2008). Le PBI per capita atteint 10.105 dollars alors qu´il était de 7.269 dollars en 2005 selon la Banque centrale du Chili. Les exportations passeront cette fin d´année à quelque 48 milliards de dollars. En 2009 les réserves de la banque centrale atteignent la somme de 27,118 milliards de dollars alors qu´en 2005 elles étaient de 15 milliards. L´indice de pauvreté a baissé de 18,2 % à 9,8 %. Tels sont les chiffres de la gestion de Bachelet qui s´insère bien dans les deux décennies de démocratisation qui ont suivi les années de dictature. A juste titre, on peut se demander pourquoi un tel bilan n´a-t-il pas aidé le candidat de la concertation. Sans doute, il y eut lassitude face au «vieillisement» de l´encadrement politique alors que les milieux d´affaires ont prospéré sous l´ombre de la croissance macro-économique. Sebastian Piñera en fait partie sans être pourtant une figure nouvelle du monde politique chilien... le futur président bénéficiera d´une économie assainie avec de fortes réserves monétaires. Sur le plan législatif, les élections du 13 décembre ont défini une chambre de députés où la droite jouira d´une voix de majorité alors qu´au sénat la gauche obtient une voix de majorité ! Autant dire que tout futur gouvernement aura fort à faire pour obtenir des lois...