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A Boufarik, tout se vend, tout s'achète !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 01 - 2010

«A Boufarik, tu trouves de tout, et pas seulement la célèbre Zlabya», lance en ricanant Rabah, natif de cette ville jadis connue pour ses oranges, mais renommée pour son marché hebdomadaire qui bat le rappel des négociants en fruits et légumes, des maquignons et des éleveurs de bétail de toute la Mitidja.
Avec les aéronefs de la base aérienne de Boufarik qui vous narguent en passant juste au dessus de votre tête pour se poser à quelques centaines de mètres seulement de là, c'est en fait le marché de gros de Boufarik qui vous souhaite la bienvenue, avec cette ambiance particulière d'un souk africain. Les étals des marchands, professionnels ou occasionnels, sont posés à même le sol, sur des sortes de banquettes, et là, c'est l'ébahissement : tous les produits vendus sont cédés à des prix défiant toute concurrence. «Ce sont des produits qui nous viennent de la lointaine Chine», tonne en se faufilant entre les étalages un habitué des lieux. Le marché de gros de Boufarik où la production agricole de toute la Mitidja et même des lointaines plaines de Ain Defla, de Mostaganem ou de Mascara, est acheminée de bon matin, devient tous les lundi un gigantesque marché où tout se vend. De la vache qui donne du bon lait avec sa moyenne de 12-14 litres par jour, des moutons pour l'abattoir, aux articles de confection, des cosmétiques, de la boulonnerie, de l'électricité et du fourrage de bétail. C'est, tous les lundi, la grande foire des commerçants, et puis ce marché, pour les amateurs, a un charme tout particulier. Pour faire le tour des vendeurs d'articles de confection, des produits d'origine chinoise, il faut au moins 30 minutes à flâner entre les étals, discuter les prix et vérifier la qualité d'un pull ou d'un Jean floqué du sigle d'une grande maison de vêtements. «Ce n'est pas cher, seulement 500 dinars», lance un vendeur de Jeans frappés d'une marque bizarre, mais dont le tissu paraît bon ». Et puis, le clou de ce marché hebdomadaire de Boufarik reste sans conteste son aire, en contrebas du souk, réservée aux oiseaux, et aux animaux domestiques et de compagnie.
Il y a des oiseaux en voie d'extinction et d'autres introuvables ailleurs. Voletant maladroitement dans une minuscule cage, des chardonnerets, très beaux, s'offrent au regard des spécialistes d'El-Meknine. Cet oiseau, propre à la Méditerranée, est, selon les connaisseurs et les ornithologues, en passe de disparaître de nos contrées. Chassé au filet, agressé dans son habitat par l'avancée du béton, les nuisances sonores, le chardonneret en Algérie est menacé d'extinction. Juste à côté des oiseleurs, qui vendent de beaux spécimens de mulets et des serins qui reviennent petit à petit dans les forêts de la Mitidja, et plus spécialement dans le parc de Chréa où plusieurs espèces d'oiseaux refont leur apparition comme le Pic-vert, il y a un petit trésor que nous découvrons. De jeunes paons dandinent à côté d'une cage de pintades et de canard, bien dodus. Le vendeur est fier : «je les élèves moi-même, et je fais l'élevage de paons, de pintades et de canards». Mais, entre un jeune paon cédé à plus de 25.000 dinars et un canard dont le sort est scellé à 700 dinars, il y a toute la différence de la destinée entre les espèces d'oiseaux. Un peu plus bas, c'est le rayon des poules, des coquelets, des oies, des dindons, et des lapins. De quoi faire rêver les grands chefs ! Nous sortons du marché des oiseaux.
A côté, juste derrière des fourgons garés à «la va comme je te pousse», c'est le monde du multimédia, de la TV numérique et des articles de ménage. Les prix sont imbattables : un lecteur DVX d'une grande marque japonaise, avec lecteur de carte mémoire indépendant, est cédé à 3500 dinars. Juste à côté de lui, un démodulateur numérique petit format avec lecteur de carte, est cédé à moins de 3.000 dinars. «Je vends pratiquement au prix de gros», se justifie le vendeur, occupé à négocier la vente d'un batteur de marque asiatique «inconnue». Et puis, le marché de Boufarik ne peut être ce qu'il est sans ces odeurs multiples et étranges qui agressent vos narines, aiguisent votre appétit: les petits gargotiers sont là pour étancher votre soif ou satisfaire votre penchant vers les grillades. Mais, les odeurs de fritures se mêlent ici également à celles, plus insistantes, de la bouse de vache, et de celle qui flotte à longueur d'année, le tabac à priser dont l'unité de fabrication, curieux hasard, est implantée pratiquement à l'intérieur du marché. Quelle image extravagante de ces tomates, poivrons ou de merguez grillés sentant bien la «Chemma». Dans ce vaste Souk qui brasse des millions de dinars chaque semaine, on peut faire de bonnes affaires dans l'achat à bon prix de produits électroménagers, de vêtements de bonne qualité, d'articles de pêche comme des moulinets, et même de vêtements de la friperie. Ici, à Boufarik, c'est en fait un lieu de chute des habitants des régions rurales avoisinantes, celles de Bougara, Bouinan, Hammam Melouane, Soumaa ou Oued El Alleug.
C'est dans ce marché aux puces que les petites gens des régions rurales limitrophes de la wilaya de Blida viennent s'approvisionner et faire leurs achats. Les prix de tous les articles vendus sont abordables, et cela permet aux gens de faire face aux aléas de la vie, comme le chômage, une paie insignifiante, une retraite qui tarde, un taux d'inflation de plus en plus croissant. Boufarik, un des hauts lieux de la plaine de la Mitidja, reste toujours ce qu'il a été : un village qui bat le rappel, deux fois par semaine, de tous les mordus des marchés aux puces, et ceux qui ne tirent leur subsistance que par ce marché.
Et puis, le jeudi, tout se transforme, et le marché devient celui des voitures. Et, là, c'est le choc des modèles, des marques et du temps qui passe. Véritable régal: comme on trouve de belles voitures toutes récentes, il y a aussi ces marques prestigieuses des années 60-70, oubliées. Une Renault-8 Major, une 404-injection, une 203 ou un 2 CV, ce sont des modèles qui ne courent plus nos routes. On peut les croiser cependant à Boufarik, certaines en piteux état, d'autres encore vigoureuses. C'est le charme particulier de ce marché qui a ses habitués, comme celui d'El Harrach (Alger), de Mesra (Mostaganem), de Boukadir (Chlef) ou de Tidjelabine (Boumerdes). En quittant ce haut lieu du négoce du bétail et du Bizness, on ne peut s'empêcher de faire un dernier tour par le marchand de Zlabya et de prendre quelques kilos d'oranges, en ayant une pensée particulière à la sympathique équipe de Basketball de cette ville, qui semble avoir définitivement perdu son label de ville des Oranges.


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