L'incertitude est à nouveau de mise chez les investisseurs à travers la planète. Les énormes déficits de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne ont provoqué une vague d'inquiétude nourrie par les mauvais chiffres du chômage aux Etats-Unis et en Europe. Les analystes financiers concentrent cependant leur angoisse sur la monnaie européenne, les avis de tempête se succèdent et les arbitrages se font au détriment de l'euro. A tel point que le dollar, hier encore jugé structurellement fragile et en voie de perdre son statut de valeur-refuge, le retrouve grâce aux yeux des gestionnaires de trésorerie et des opérateurs de marché. L'argument principal de ceux qui invitent à la prudence vis-à-vis de l'euro est que la croissance économique est trop faible pour permettre de réduire rapidement un fort niveau d'endettement des Etats de la zone euro. Or, ces mouvements ont pour effet de décourager les investisseurs et donc d'avoir des effets négatifs sur une reprise que tous s'accordent à trouver trop «molle». Les pays de la zone euro, qui inquiètent les investisseurs, pâtissent d'une dépréciation de facto de leur papier sur les marchés de capitaux. La dette souveraine est un indicateur très parlant de ce point de vue. La Grèce est contrainte pour ses émissions à 10 ans d'offrir un taux de 6,7%, ce qui représente une marge de risque de 3,6% par rapport à ce que doit payer l'Allemagne, pays de référence pour la zone euro. Les déclarations rassurantes de Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, relayé par le président de l'Eurogroup Jean-Claude Juncker, n'ont pas beaucoup d'effet sur une réalité de marché dominée par le doute quant à la capacité des économies les plus endettées à rentrer dans les clous des règles budgétaires européennes. Peu d'opérateurs se risquent à parier que la Grèce parvienne à revenir à brève échéance dans les limites fixées par le pacte de stabilité européen. Les critères de Maastricht fixent à 3% le niveau maximal de déficit public et à 60% celui de l'endettement de l'Etat. Les économistes les plus sérieux, comme le prix Nobel Paul Krugman ou Nouriel Roubini, restent sceptiques quant à la possibilité pour la zone euro, pourtant globalement moins endettée que d'autres régions du monde développé, de stimuler une dynamique de croissance significative. Pour ces experts, la situation de l'Espagne est encore plus problématique que celle de la Grèce. La question qui taraude les esprits est celle de la solvabilité d'Etats qui ont accepté d'assumer la dette des banques au plus fort de la crise financière fin 2008 et début 2009. Dans les faits, le transfert vers les Etats des créances bancaires irrécouvrables a permis d'éviter l'effondrement du système financier global mais ne suffit pas, à l'évidence, pour permettre une sortie de crise effective. L'euro, à 1,3648 dollar hier matin, a atteint sa parité la plus basse par rapport au dollar depuis mai 2009. Seule la publication de mauvaises statistiques du chômage pour janvier a tempéré le regain de vigueur de la monnaie américaine. L'attitude positive des agents de change et des opérateurs boursiers s'est muée en expectative prudente, l'euphorie des derniers mois n'est plus vraiment de mise. Les marchés réalisent avec douleur que, décidément, la crise n'est pas terminée.