Après Athènes, Madrid? Les gouvernements de l'Union européenne redoutent que la crise de la dette affectant la Grèce se propage au reste de la zone euro, et en particulier à l'Espagne, au Portugal ou à l'Irlande. L'Espagne, qui connaissait encore en 2007 une croissance soutenue par l'immobilier, est désormais sous surveillance, un de ces pays surnommés PIGS ("cochons" en anglais) par les analystes et marchés financiers. Ils désignent sous cet inélégant acronyme le Portugal, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne -le S de PIGS signifiant en anglais Spain-, considérés comme le maillon faible de la zone euro. Leur faillite apparaît improbable, mais les doutes concernant leur capacité à rembourser leurs dettes et l'ampleur de leurs déficits publics alimentent la spéculation sur les marchés. Emprunter de l'argent leur coûte de plus en cher, et l'écart ("spread", selon le terme technique consacré) croît entre ces pays et l'Allemagne, le bon élève servant de référence. Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l'Espagne sera le seul grand pays industrialisé à ne pas connaître de croissance en 2010, après un recul de 3,6% en 2009. Les perspectives pour 2011 sont à peine plus optimistes: 0,9%. Depuis l'éclatement de la bulle immobilière, la consommation des ménages et l'activité sont au point mort. Malgré divers plans de soutien gouvernementaux à l'emploi et à la consommation, le taux de chômage, le plus élevé des 16 pays de la zone euro, avoisine les 20%. L'Espagne doit en outre faire face à un impressionnant déficit des comptes publics, représentant 11,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2009. Le pays, à terme, risque d'avoir des difficultés à emprunter de l'argent sur les marchés, estime l'économiste Javier Diaz-Jimenez. La ministre de l'Economie Elena Salgado s'est rendue la semaine dernière à Londres et Paris, rencontrant représentants des agences de notation et investisseurs pour tenter de les rassurer, insistant sur les mesures de rigueur décidées par Madrid. Ce plan prévoit de réduire les dépenses de 50 milliards d'euros sur trois ans, afin de ramener en 2013 le déficit dans les critères européens, soit 3% du PIB. Le gouvernement du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, dont le pays exerce la présidence semestrielle de l'UE, fait valoir d'autres arguments. L'Espagne, note-t-il, n'a pas de problèmes de crédibilité comme la Grèce, soupçonnée d'avoir falsifié les chiffres de son déficit budgétaire l'an dernier. Les responsables espagnols soulignent par ailleurs que la part de la dette nationale dans le PIB, 66% en 2010 et 74% en 2012, reste en dessous de la moyenne européenne et très inférieure à celle de la Grèce, qui s'élevait à 113,4% du PIB en 2009. Pour le ministre des Infrastructures José Blanco, l'Espagne est la "victime d'une conspiration" spéculative "internationale, visant à détruire l'économie du pays, puis l'euro" Il est utile de noter que la Grèce s'est vue donner mardi 30 jours par les ministres des Finances de l'Union européenne pour prouver sa détermination à résorber ses déficits publics, si besoin en annonçant des mesures supplémentaires. Officiellement, les Vingt-Sept espèrent que les effets conjugués des pressions politiques et du plan grec d'austérité permettront d'apaiser les marchés, mais plusieurs ministres jugent d'ores et déjà que la conjoncture forcera rapidement Athènes à annoncer de nouvelles mesures et les Européens à détailler leurs intentions. De source proche de la Commission européenne, on confirme d'ailleurs que la Grèce, qui a fait état la semaine dernière d'une récession plus forte qu'attendue, reverra sans aucun doute à la hausse son chiffre de 12,7% de déficit pour 2009 d'ici le 1er avril, date à laquelle elle doit le communiquer à Bruxelles. Le pays devra ensuite faire face en avril et mai à deux échéances de refinancement de dettes pour un montant total supérieur à huit milliards d'euros.