La convention franco-algérienne de partenariat a été ratifiée, hier, par l'Assemblée nationale française malgré l'appel de certaines voix «nostalgériques» à la rejeter en réaction à une proposition de loi en Algérie portant criminalisation du colonialisme. L'idée est déplorée par le ministre français de l'Immigration, Eric Besson, transfuge de la direction du PSF, et ordonnateur d'un débat d'extrême-droite sur «l'identité nationale», de fait consacré à la stigmatisation de l'Islam et des musulmans. M. Besson a «regretté» la proposition de loi criminalisant le colonialisme signée par plus de 120 députés algériens et a estimé qu'il «ne faut pas oublier la colonisation et la post-colonisation» et «dépasser» cette question. Eric Besson, organisateur d'un débat qui a montré toute l'actualité de la colonisation et la permanence d'un statut de l'indigénat qui ne dit pas son nom, s'est sans doute exprimé de manière prématurée. Il s'agissait pour cet homme à l'identité politique incertaine de rebondir après le classement sans suite du débat incertain qu'il avait piloté. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, ont fait preuve d'une plus grande circonspection et de davantage de professionnalisme. Ils estiment qu'ils n'ont pas à réagir à une proposition de loi introduite par des députés et qui, jusqu'à preuve du contraire, n'engage pas - pas encore du moins - le gouvernement algérien. Le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, a préconisé de «dépassionner le débat et regarder cette convention à l'aune de l'intérêt des peuples français et algérien». Il a relevé, non sans pertinence, qu'il «s'agit d'une proposition de loi, qui a certes été signée par un certain nombre de députés algériens. Mais nous, en France, n'apprécierions pas que des parlementaires d'un autre pays commentent les propositions de loi déposées par des parlementaires français». Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a noté que le gouvernement algérien ne s'est pas exprimé sur la proposition de loi qui a été renvoyé par le Bureau de l'APN à son auteur pour amélioration. «L'exécutif algérien n'a aucunement pris position sur cette proposition, son inscription à l'ordre du jour n'est donc pas certaine, car c'est le gouvernement algérien qui en a la maîtrise exclusive ( ) Il faut traiter avec sérieux le problème du dialogue et de la mémoire». Le jeu des ultras Voilà qui devrait amener Eric Besson à concentrer ses «regrets» sur le caractère éminemment douteux d'un débat sur «l'identité nationale» qui a heurté profondément les démocrates français et pas seulement à gauche. Apparemment, le ministre de l'Immigration est dans une logique de surenchère avec le député revanchard Thierry Mariani (UMP), candidat à la présidence du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a demandé le report de la ratification de la convention de partenariat et a qualifié la proposition de loi sur la colonisation comme une «insulte» aux «rapatriés et à ceux qui ont servi en Algérie sous les couleurs du drapeau français, les harkis, les militaires professionnels, les appelés du contingent, qui se sentent méprisés et qu'on injurie une nouvelle fois ». C'est à ce député nostalgique que faisait allusion le socialiste Bernard Derosier qui a demandé au gouvernement français de ne pas «écouter les ultras». Les raisons, multiples, du malaise Ces débats - et réactions - illustrent bien l'état des relations algéro-françaises : elles paraissent froides sans que l'on puisse réellement parler de crise. La proposition de loi criminalisant le colonialisme - qui n'est pas une initiative du gouvernement algérien - ne constitue pas, pour l'instant tout au moins, un motif de polémique entre Alger et Paris. La proposition de loi, déposée il y a un mois par un député du FLN, apparaît comme une riposte, tardive, à la loi française du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme qui avait passablement tendu les relations. Outre ces aspects inhérents à une histoire qui reste à solder, divers facteurs ont contribué au refroidissement des relations entre l'Algérie et la France. Si l'on ne peut effectivement parler de crise, un vrai malaise est perceptible. Il n'est plus question de traité d'amitié qui semble définitivement enterré ou du moins en attente d'une avancée sur les questions de la reconnaissance des méfaits du colonialisme. A ce contentieux structurel entre Alger et Paris, se sont greffés d'autres éléments. Le plus récent étant le classement de l'Algérie dans une liste de «pays à risque» qui a été mal prise par le gouvernement algérien. Le commentaire d'un vice-ministre français du Commerce, Hervé Novelli, au sujet des mesures d'encadrement des importations décidées dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009 a également froissé quelques susceptibilités et suscité une vive réaction du ministre algérien du Commerce, Hachemi Djaaboub. Encore récemment, ce dernier répliquait au ministre français que le «GPS de l'économie algérienne se trouve à Alger et nulle part ailleurs». Il est possible de ranger également dans la catégorie «contentieux et malentendus», l'affaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, poursuivi dans l'affaire Ali Mecili, les accusations lancées par un ancien attaché militaire français à Alger de l'affaire Tibhirine. Dans une réaction à chaud, le président Nicolas Sarkozy avait déclaré que les «relations entre les grands pays s'établissent sur la vérité et non pas sur le mensonge». Le propos était suffisamment équivoque pour que le président français y revienne quelques jours plus tard afin de le «clarifier». Même si elles s'insèrent dans une histoire douloureuse, les «tensions» algéro-françaises ne sont pas réductibles au seul terrain - miné - de la mémoire et de l'Histoire