Sur les neuf pays où intervient la Banque d'investissement européenne (BEI), bras financier de l'UPM, l'Algérie est le seul pays à ne pas être intéressé. Aucun projet en 2009 et rien pour 2010. Au cours d'un dîner, le vice-président en charge de la Méditerranée s'interroge et nous interroge. En pleine crise financière internationale intervenue en 2008, la Banque européenne d'investissement (BEI) a augmenté ses prêts pour l'année 2009 de 37 %, soit de 58 milliards d'euros prêtés en 2008 à 79 milliards en 2009. Dans l'absolu, c'est une véritable performance, pour ne pas dire miracle en temps de crise. Seulement, la BEI n'est rien d'autre qu'une banque publique dont les actionnaires sont les 27 Etats membres de l'UE. Et si les Etats ont volé au secours des autres banques commerciales publiques ou privées, raison de plus pour appuyer la première banque qui leur est commune, non seulement en tant que levier financier, mais surtout en tant que «bras» politique de l'UE. C'est sans complexe que son président, le Belge Philippe Maystadt, a présenté jeudi matin, à Bruxelles, le bilan de la BEI à un parterre de journalistes. En soirée, le vice-président de la banque chargé de la Facilité euro- méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), le Français Philippe De fontaine Vive, a convié les journalistes des pays sud-méditerranéens à un dîner (devenu traditionnel après chaque bilan annuel) dans un restaurant chic de la capitale européenne, pour discuter de la politique de la BEI en Méditerranée, et plus précisément, de la FEMIP, bras financier de la BEI dans la construction du projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM). A l'issue des débats (et du dîner), le constat a été surréaliste : la FEMIP est présente partout, dans les 9 pays du sud de la Méditerranée où elle active pour l'instant, sauf en Algérie où, le vice-président, M. De Fontaine Vive, ne semblait pas comprendre la rigidité d'Alger, alors que c'est le pays qui dispose du maximum d'atouts, de garanties et de perspectives de développement. «Nous finançons des projets en Palestine», déclare M. De Fontaine Vive, avant de relater sa rencontre avec le 1er ministre palestinien qui lui assure que la Palestine prévoit une croissance de 10 % pour 2010. Il nous parle de deux applications techniques sur l'I Phone inventées et propriétés de jeunes Palestiniens. Le vice-président de la BEI cite l'exemple du projet de soutien au système éducatif au Maroc. La Tunisie est un autre exemple de parfait partenariat. L'Egypte et son projet d'implantation d'une station de production d'énergie solaire pour alimenter la bande de Ghaza, la palestinienne. Et bien d'autres réalisations et projets tels ceux de la dépollution de la Méditerranée, des autoroutes maritimes, le transport ferroviaire, l'énergie etc. Au fur et à mesure de la discussion, nous nous sentions, nous les trois journalistes algériens présents (deux femmes et votre serviteur) à la fois comme étrangers à la discussion et interpellés pour expliquer ce désintéressement de l'Algérie pour l'offre européenne. «Vous savez, nous avons été nous européens à côté de l'Algérie lorsqu'elle vivait les moments les plus difficiles», a laissé entendre le vice-président de la BEI. C'est vrai, mon pays, en situation de cessation de paiement entre 1992 et 1998, a survécu sous perfusion des usuriers internationaux. Depuis, les temps ont changé et l'Algérie a remboursé avant termes sa dette internationale publique et privée. «Oui, vous êtes le seul pays non endetté au sud de la Méditerranée, et c'est pourquoi c'est le moment propice pour vous d'intervenir, de bâtir des partenariats et de prendre des parts de marchés», me répond en substance, M. De Fontaine Vive, en aparté, alors que nous allions passer à table. Au fil de la discussion, le premier responsable de la finance en Méditerranée a tout fait pou éviter l'explication politique de la frilosité de l'Algérie face aux offres de la BEI et, par extension, à celle de l'UPM. C'est que le partenariat et la coopération sont interprétés par l'Europe sous le seul angle du profit économique pour leurs entreprises et populations, et c'est «légitime». Notre malheur à nous est que nous sommes en quête perpétuelle de justice et de liberté, même si nous prenons souvent les chemins inverses de ce que nous voulons. Et puis, c'est quoi la croissance économique érigée en vérité biblique par les théoriciens de l'ultralibéralisme ? 10 % de croissance économique à Ghaza pour 2010, contre 1,8% pour l'Europe faut-il en conclure que le peuple de Ghaza vivra mieux, et de loin, que ceux Européens en 2010 ? Dans le même temps, faut-il rejeter ou suspecter tout offre européenne ? Bien sûr que non. Là où le vice-président de la Banque européenne a raison c'est lorsqu'il constate que l'Algérie ne fait pas d'offres, ne propose pas de projet, n'est pas «proactive». Qu'importe, l'aisance financière relative de l'Algérie n'explique pas tout. Comme la BEI qui ne vous dit jamais à quel taux elle emprunte et à quel taux elle prête. Pour être aussi aisée, c'est qu'elle joue, malgré son statut de banque publique (qui ne vise pas le profit), sur d'autres registres ou terrains. Hors des places boursières, il ne reste que ceux de l'escompte politique. A bon entendeur.