L'affaire de la Mercedes contenant du kif, retrouvée abandonnée à Es-Sénia, avril 2008, était hier à la barre. En début de matinée de la journée du 5 avril 2008, précisément, le commissariat d'Es-Sénia reçoit des informations de la part de citoyens faisant état du stationnement dans la rue et durant toute la nuit d'une voiture de marque Mercedes, couleur jaune, immatriculée à Oran. Après la fouille du véhicule, les services de sécurité ont retrouvé une quantité de 50,4 kg de kif. Ils ont découvert également une puce de téléphone. Celle-ci était, curieusement, bien en vue, posée sur le tableau de bord en fait. C'est ce minuscule bout de silicium qui aura servi de fil d'Ariane pour les enquêteurs, et qui aura fini par entraîner l'effondrement en bloc du réseau de trafiquants. Tout laissait à croire alors que quelqu'un voulait mettre au parfum la police, notamment par cette puce-mouchard. En tout cas, la piste d'un règlement de compte entre membres d'un même gang n'a pas été écartée par les enquêteurs. L'exploration de l'historique des appels enregistrés sur la puce par le système GSM de géo-localisation a permis de savoir qui avait appelé ce jour-là, à quelle heure et d'où. La suite n'était qu'une pure formalité pour les services antistupéfiants. Quatre présumés trafiquants impliqués dans ce coup ont été identifiés et arrêtés. Ils étaient hier au banc des accusés pour répondre des charges de «trafic de drogue et faux et usage de faux». Deux autres sont en fuite. Après leurs aveux au cours de la procédure, ils se sont ravisés à l'audience, apportant de nouvelles versions des faits. Le tribunal a jugé utile, par ailleurs, d'entendre des personnes, au nombre de quatre, qui ont été utilisées par les trafiquants comme prête-noms pour l'acquisition de puces auprès des opérateurs téléphoniques. Des photocopies de leurs cartes nationales d'identité ont été utilisées par les mis en cause pour l'obtention de puces. Artifice banal pour les barons de drogue, mais plein de conséquences pour ces malheureuses victimes, dont un étudiant à l'époque des faits et un agriculteur, qui se sont retrouvées engagées dans des péripéties judiciaires, pour le moins accablantes. Encore qu'il ne s'agissait là que des rares personnes qui ont répondu favorablement à la convocation de venir témoigner devant le tribunal. C'est un certain B.M.A., la quarantaine, qui est supposé être la tête pensante de ce groupe. Il existe un faisceau convergent de présomptions l'inculpant, dont notamment la détermination par l'expertise scientifique de la téléphonie mobile du fait qu'il ait été présent à Oran le jour de la saisie de la drogue, dans sa villa à Es-Sénia, soit à quelques dizaines de mètres de l'endroit où était garée la Mercedes jaune. Parmi les accusés, aussi, un commerçant ambulant de vêtements de friperie - du moins, il s'est présenté en tant que tel -, originaire d'Annaba. Mais son profil prétendu contrastait avec certaines vérités. Par exemple, à la question du juge qui voulait savoir pourquoi il avait choisi de passer la nuit à Oran dans un hôtel «4 étoiles», le «fripier» a répondu sans réfléchir : «c'est tout près de l'aéroport». Le président d'audience s'est intéressé ensuite à son casier judiciaire, entaché d'une condamnation pour affaire de drogue. Le représentant du ministère public a requis la réclusion à perpétuité contre les accusés tout en bloc. A l'issue des délibérations, le principal accusé, B.M.A., a été condamné à 15 ans d'emprisonnement. Trois autres accusés ont écopé de 12 ans de prison ferme. Deux autres trafiquants en fuite, quant à eux, ont été condamnés à la perpétuité par contumace.