De leur vocation initiale d'institutions économiques aidant au développement des entreprises, les chambres de Commerce et d'Industrie (CCI) ont changé de cap pour devenir juste des guichets pour le visa,une carte de visite à certains élus et une porte ouverte à toutes les infiltrations politiques et luttes partisanes. C'est le constat fait par la majorité des opérateurs économiques et même par certains directeurs de chambre et qui exprime clairement le malaise que vivent, depuis des années, les CCI. Problème d'hommes ou de politique de gestion de ces institutions considérées comme des moteurs économiques ? Le débat est de nouveau ouvert à l'occasion de la tenue des élections, prévues aujourd'hui, pour le renouvellement des assemblées générales et des bureaux des différentes CCI. Un débat qui reste noyé dans les coulisses de la campagne électorale et risque d'être clos juste après cette échéance comme cela a été le cas, lors des dernières élections de 2006, puisque quatre années après, rien n'a changé, de l'avis de certains chefs d'entreprise. C'est ce que redoutent, désormais, certains opérateurs économiques adhérents aux CCI, arguant qu'une équipe s'installe et qu'une autre s'en va, sans aucun changement dans la gestion ou le fonctionnement des chambres. Les opérateurs économiques sont unanimes à crier, haut et fort, que les CCI n'ont jamais répondu à leurs préoccupations et demeurent, actuellement, des institutions désertées qui ne portent de leur vocation que le nom. Pourquoi de telles institutions se sont-t-elle plongées dans une profonde léthargie au moment où le gouvernement fait du développement économique son cheval de bataille? Où se situe la faille dans ces CCI qui représentent, outre-mer, un maillon fort de l'économie et un appui solide pour les PME/PMI ? La faiblesse de ces chambres de Commerce et d'Industrie réside, selon certains directeurs de CCI, dans le mode de financement. Le budget alloué, chaque année, par le ministère du Commerce ne couvre même pas les 10% des dépenses. Pire encore, pour certains responsables de CCI, il ne garantit même pas le salaire d'un directeur de la chambre. Le personnel recruté est payé des ressources générées par la valise des visas et de l'argent des formations assurées par les CCI. Avec ces revenus, les chambres arrivent difficilement à tenir le coup et établir un programme d'activités, en mesure d'apporter un dynamisme et un nouveau souffle à ses adhérents. Ajouter à cela les scandales dont ont fait l'objet certaines de ces institutions et qui ont fait couler beaucoup d'encre. C'est le cas de la CCI d'Oran, une des plus importantes sur le territoire national, qui a vécu, l'année dernière, au rythme d'un scandale, suite au détournement de l'argent de la formation. La CCIO a touché le fond du fait que les salaires des travailleurs ont failli être compromis, les dettes se sont accumulées et les caisses se sont vidées. Cette affaire est actuellement entre les mains de la justice. En parallèle, plusieurs commissions d'enquête ont été diligentées par le ministère du Commerce à la CCIO pour enquêter sur la gestion de la chambre et aucune n'a abouti à un résultat concret. Pour cette année, les choses se sont améliorées, tel que révélé par son directeur. Le bilan est plutôt positif, même si du point de vue des cotisations les CCI n'arrivent pas à attirer grand monde. Comme l'adhésion n'est pas obligatoire, il est libre à chaque opérateur économique de payer ces cotisations qui varient entre 1.000 et 6.000 DA par an. Des 4.500 adhérents que compte cette chambre, 800 seulement sont à jour. Ce chiffre a connu une légère hausse, ces derniers jours, à l'occasion de ces élections puisque condition sine qua non pour se porter candidat. On ne se bouscule pas aux CCI De moins en moins d'opérateurs économiques se présentent aux CCI pour adhérer ou mettre à jour leurs cotisations. Cette procédure n'étant pas obligatoire, mais volontaire, elle a laissé libre choix à chacun de prendre cette décision. Chose qui reste incompréhensible pour certains directeurs de chambres qui, eux, voient en cette façon de faire, un désintéressement vis-à-vis de ces institutions et découragement pour toute activité qui sera entreprise. Plus ces adhésions sont importantes, plus elles contribueront à remplir les caisses des CCI. Sur ce point, un responsable d'une chambre de Commerce de l'Ouest indique que dans les chambres de Commerce d'Europe, les adhésions sont obligatoires. C'est ce qui fait leur force et leur dynamisme. En Algérie, cette option n'existe pas. C'est ce qui explique cette désertion des opérateurs économiques et leur désintéressement. Des CCI incapables d'organiser des missions économiques à l'étranger Par manque de budget, les CCI ressentent le lourd handicap d'organiser des missions économiques à l'étranger et permettre ainsi aux entreprises locales de se faire connaître, d'avoir des échanges avec leurs homologues étrangers et aussi faire la promotion de leurs produits. Pour ne citer que le cas de la CCIO, aucune mission n'a été organisée depuis des années. Cette opération demande un financement conséquent et la chambre ne dispose pas de ce budget pour le faire, selon son premier responsable. Même situation pour les autres chambres à travers les différentes wilayas. Les chambres de Commerce se limitent juste à recevoir les délégations étrangères, des ambassadeurs et des hommes d'affaires sans avoir cette possibilité de renvoyer l'ascenseur et entreprendre de pareilles initiatives. Il fut un temps où des jumelages ont été conclus avec d'autres CCI étrangères, mais qui sommeillent depuis des années pour des raisons inconnues. Des CCI infiltrées par les partis politiques ? Un phénomène qui a fait son apparition, ces dernières années, et qui commence à prendre de l'ampleur, selon certains opérateurs économiques. Même si le sujet demeure tabou et n'est révélé que dans les coulisses à chaque rendez-vous électoral, il reste une réalité pour la corporation et un facteur qui ajoute de l'eau au moulin des détracteurs des CCI. Les rumeurs vont bon train à ce sujet. Pour certains opérateurs économiques, la guerre partisane se déclenche généralement lors des élections. Chaque clan veut placer ces pions au sein des chambres pour avoir plus de pouvoir. Le partage, estiment d'autres, se fait entre le FLN, le RND et le MSP. La formule magique qui se répète est que chaque fois qu'un nouveau ministre est installé à la tête du ministère du Commerce, il installe ses alliés du même parti politique au sein des CCI. Vrai ou faux? Certains opérateurs économiques le confirment tandis que d'autres acquiescent sur le bout des lèvres. Mais ils restent catégoriques que les chambres de Commerces sont des institutions neutres dont la mission principale est d'ordre économique et consiste à répondre aux préoccupations des entreprises. S'exprimant, avec regret, sur ce qui est advenu de ces institutions, un opérateur économique spécialisé dans le mobilier et qui a été membre de l'assemblée générale de la CCIO, à sa création, raconte qu' «avant, les CCI et notamment celle de l'Ouest, étaient un flambeau pour l'économie et Oran était considérée comme capitale de l'Industrie. A chaque élection, la CCIO était envahie par les candidats. On se bousculait dans les couloirs. Aujourd'hui, elle est déserte. Elle ne sert que pour les visas et les intérêts personnels et c'est une honte». A propos des infiltrations politiques, le même interlocuteur souligne, «je suis contre cette infiltration. Chaque chose a sa responsabilité. Le Commerce c'est une vision et une stratégie». Son confrère, spécialisé dans le bâtiment, estime pour sa part, que «la chambre de Commerce n'a jamais répondu à nos préoccupations en tant qu'opérateurs économiques. Pour la CCIO, aucune réunion sur ce secteur n'a été tenue depuis trois ans. Les chambres de Commerce sont devenues des couloirs vides. Il faut un changement pour mieux faire fonctionner ces institutions». «Cependant, si effectivement, les CCI ont été politisées, selon les rumeurs qui circulent et que le ministre est en train de placer ses éléments», ajoute le même opérateur, «il doit avoir ses raisons et il doit prendre ses responsabilités». Une lueur d'espoir pour le changement commence à se faire sentir, estime cet entrepreneur dans le bâtiment arguant que pour ces élections, la réglementation a changé concernant le dépôt de dossiers de candidature. Cette fois-ci, il y a eu des rejets, contrairement aux élections précédentes où aucun rejet n'a été signalé. Critiquant toujours la gestion des chambres de Commerce, d'autres opérateurs économiques ne vont pas de main morte lorsqu'ils expriment leur mécontentement quant à l'état de dégradation des infrastructures de certaines CCI, devenues de vieilles bâtisses parfois indignes d'une chambre de Commerce. Des critiques acerbes sont aussi dirigées vers certains élus dont le profil ne répond pas aux critères du poste occupé. Plusieurs chambres de Commerce sont délaissées et abandonnées. D'autres sont gérées de façon anarchique et par des personnes incompétentes. «Peut gérer les CCI qui veut. C'est l'expression qui convient», a lancé un opérateur économique. Les commerçants en force pour ces élections Un fait nouveau qui risque de changer toutes les donnes, les commerçants ont décidé d'aller en force à ces élections. Si, par le passé, cette activité comptait 6 sièges dans l'assemblée générale contre 7 pour l'Industrie, cette fois-ci, elle se classe dans la première position avec 10 sièges contre 7. Un revirement dû au nombre des commerçants qui a augmenté et fait augmenter, par conséquent, le nombre de sièges, calculé au prorata. Les commerçants ne veulent pas lâcher prise et y vont pour gagner dans ces élections. « Si notre participation a été de 67%, lors du scrutin de 2006, elle sera de 80% cette année», a lancé le président de l'UGCAA, M. Souilah. Sur la gestion des CCI, le premier responsable de l'Union générale des commerçants et artisans souligne que rien ne se fait comme activités au sein de ces chambres. Les adhésions sont de plus en plus rares et les présidents qui sont à leurs têtes ne sont pas disponibles pour répondre aux préoccupations des adhérents. Aussi, certaines d'entre elles n'ont pas d'argent pour payer le personnel. Les assemblées générales ne se tiennent plus dans d'autres. Avec ces élections nous voulons que les choses changent. L'activité Commerce est mobilisée pour une participation en force à travers toutes les CCI et pour redonner à ces institutions leur vocation première, celle de soutenir et aider les entreprises à se développer». Pour le ministère du Commerce, tout va changer Face à toutes ces critiques et mécontentements des opérateurs économiques et directeurs des chambres de Commerce et d'Industrie et des opérateurs économiques, le ministère du Commerce se montre rassurant sur l'avenir de ces institutions. Pour mieux dynamiser les CCI, le directeur de l'organisation des marchés, des activités et des professions agréées auprès du ministère, M. Boushaba a affirmé qu'un nouvel organigramme est en préparation pour mieux dynamiser les CCI. Pour le problème de financement, le ministère annonce la revue à la hausse de la subvention annuelle qui était fixée à 15 millions de DA et sera désormais de 63 millions de DA destinées à toutes les chambres. D'autres sources de revenus seront tirées du Centre national du registre de commerce et de la répartition du produit des droits du timbre. M. Boushaba explique, sur ce point, que dans le cadre de la loi de finances complémentaire de 2009, deux arrêtés sont mentionnés concernant les chambres de Commerce. Le premier définit la quote-part des résultats des comptes de fin d'année du Centre national du registre de commerce, versé au profit de la chambre algérienne du Commerce et d'Industrie (CACI) et des CCI. Le deuxième arrêté définit les modalités de répartition du produit du droit de timbre perçu au titre de l'immatriculation ou de la modification du registre de commerce au profit de la CACI et CCI. Des mesures qui, aux yeux du ministère, vont redynamiser les chambres et les replacer dans l'échiquier économique. Une vision que ne semblent pas partager les opérateurs économiques, estimant qu'il faut plus pour apporter du changement. Rendez-vous donc après les élections. Répartition des sièges à l'Assemblée générale qui en compte 27 Activité Commerce :....................10 Activité Industrie :.........................7 Activité services :..........................6 Activité BTPH :.............................4 Barème du nombre de voix De 1à 9 salariés.....................1 voix De 10 à 50 salariés ...............2 voix De 51 à 100 salariés .............3 voix De 101 à 200 salariés ...........4 voix De 201à 300 salariés ............5 voix De 301 à 500 salariés ...........6 voix De 501 à 1.000 salariés ........7 voix Une voix supplémentaire par tranche de 500, si le nombre des salariés est supérieur à 1.000, sans toutefois dépasser 5 voix supplémentaires. 73 dossiers de candidature déposés à la CCIO avec 16 rejets et 57 acceptés 28 en Commerce avec ........5 rejets 14 en Industrie avec ...........5 rejets 22 en services avec .............3 rejets 15 en BTPH avec ...............3 rejets