Le président de la Chambre de commerce et d'industrie, la TAFNA, de Tlemcen, a claqué la porte et ne veut pas revenir sur sa décision qu'il considère définitive et sans appel. Mais cette démission suscite beaucoup d'interrogations, notamment parmi les opérateurs économiques, d'autant plus que le président démissionnaire est une personnalité très connue et respectée dans le monde du commerce et de l'industrie. Dans un long entretien qu'il nous a accordé, il considère sa décision de «réfléchie et irrévocable» et tient à préciser: «Les motivations qui m'ont poussé à prendre cette décision ne sont pas d'ordre personnel mais relèvent de l'éthique, la conscience professionnelle et le sens de la responsabilité. Censée être un espace de concertation, d'expertise, de conseils et d'accompagnement des opérateurs économiques, surtout en matière d'initiatives d'investissements et de mise à niveau des entreprises, la CCI est devenue une façade à l'occasion des réceptions avec les autorités, ou visites officielles. Je n'accepte pas ce rôle de marionnette. Cette situation est due à l'actuel statut des CCI qui ne favorise guère les initiatives des élus des Chambres. Actuellement, les CCI relèvent de l'administration et la gestion échappe aux élus. Le président n'est ni ordonnateur ni payeur alors que les biens des Chambres, acquis avec l'argent des cotisations des opérateurs économiques, sont patrimoine de l'Etat. C'est insensé!» Et d'ajouter: «La tutelle des CCI est exercée par le ministère du Commerce. C'est un non-sens. Nous avons besoin d'une tutelle qui s'occupe des entreprises et de leur environnement, qui fait de l'accompagnement et du soutien aux PME/et qui doit être notre interprète auprès du gouvernement. Ce n'est pas le cas du ministère du Commerce qui reste un ministère de répressions des entreprises contrairement au ministre de la PME/PMI qui a, à son actif, un bilan très positif dans l'animation, le soutien et l'accompagnement des entreprises. Nous voulons que les actuelles CCI deviennent les Chambres des opérateurs économiques». Selon lui, ses prises de position et son refus de «cautionner cette léthargie» lui ont valu un statut de réformateur et lui ont attiré les foudres de l'administration du ministère de tutelle. «Les brigades mixtes de la DCP m'ont harcelé durant longtemps et m'ont fait subir des pressions morales sans précédent. Jai décidé alors de démissionner et céder ma place à d'autres, espérant qu'ils pourront tenir le coup» ajoute-t-il. D'après lui, «le financement des CCI est à revoir. La taxe parafiscale réglementairement prévue par décret au profit des CCI n'est pas octroyée et c'est l'opacité totale quant au montant qui doit revenir à chaque CCI. Ce qui se répercute négativement sur la mobilisation des adhérents qui devient insuffisante car la CCI ne pourrait leur offrir aucun service.» Il considère que "le développement d'un pays ne se réalise pas uniquement sur la base des dépenses budgétaires et que l'exemple des ex-pays de l'est est là pour nous le faire comprendre. Le développement d'un pays ne se fera que par le développement de ses entreprises et qu'une économie n'est forte que si ses entreprises sont fortes. Ce sont elles la création de richesses et un gisement fiscal pour le budget de l'Etat. Donc le développement des entreprises doit rester une grande priorité pour nos responsables politiques et les walis doivent être notés en fonction du taux de progression de l'activité économique dans leur wilaya. C'est facile, il suffit de prendre les déclarations annuelles de la TAP sur G50 et les totaliser par wilaya, par daïra et par commune et faire une comparaison avec les situations antérieures. Alors, on comprendra qui travaille pour l'activité économique du pays et qui non. Dans ce cas-là, nos responsables vont courir autant que les entrepreneurs pour réaliser un meilleur chiffre d'affaires. En un mot, ils doivent être jugés sur la base des recettes et non des dépenses, comme c'est le cas aujourd'hui». C'est une véritable réforme que propose l'ex-président de la CCI et son analyse reste plus qu'objective car l'administration centrale réglemente souvent pour le confort de sa gestion aux dépens d'une vision globale de développement et d'une stratégie économique compétitive. A ce sujet, il dira: «Regardez les procédures de recrutement, elles doivent obligatoirement passer par l'ANEM et une amende de 30.000DA est infligée à toute infraction à cette règle. C'est aberrant! En France on s'inscrit à l'ANPE et on recherche par soi-même un emploi. L'un n'empêche pas l'autre. Le système actuel encourage la chipa.» M. Hamzaoui dira en conclusion que «les compétences sont à l'extérieur de l'administration et des entreprises publiques. Elles doivent être canalisées vers des espaces sains, leur offrir des possibilités de s'exprimer sur les grands dossiers avec la liberté d'initiative. Les CCI peuvent devenir un espace de compétences et de concertation non seulement pour le monde des affaires mais aussi la société civile et l'administration, car le défi de l'Algérie aujourd'hui est de construire une économie forte avec des compétences locales et ce défi ne se réalisera jamais si on continue de marginaliser les compétences et diaboliser le secteur privé. Il est vrai que ce secteur englobe en son sein des professionnels, des gens compétents et des bons mais aussi des mauvais et des cancres. Seulement, il faut libérer les initiatives, réglementer la profession, enlever les entraves bureaucratiques, alléger les procédures fiscales et administratives et laisser ensuite le marché se réguler de lui-même par la concurrence loyale et la compétitivité. De même, il faut agir en sorte pour que l'informel devienne formel et rétablir la confiance afin que les investissements sérieux se réalisent. A ce moment seulement, les mauvais vont disparaître d'eux-mêmes ou se recycleront pour devenir à leur tour compétitifs ».