Un autre mouvement de la diaspora juive en Europe vient de naître. «J Call» est son logo qui résume «Appel à la raison de la communauté juive européenne». Il appelle à l'arrêt des colonies et prône la création, dans l'année, d'un Etat palestinien. Mais à quelles conditions ? Au Parlement européen qui a accueilli la rencontre, le débat a été dans un seul sens. Que faut-il penser du soudain regain d'activité de la diaspora juive «euraméricaine» pour l'urgence de la mise en place d'un Etat palestinien viable ? Lundi 3 mai, au siège du Parlement européen (PE) à Bruxelles, un nouveau rassemblement «organisé» des juifs d'Europe, dénommé «J Call» (Appel des juifs européens à la Raison), a organisé, après une conférence de presse en début d'après-midi, une rencontre en soirée qui a rassemblé des centaines d'invités du monde politique européen, du monde associatif et de la presse internationale, venus écouter les promoteurs de cet «Appel à la raison» pour la paix et un Etat palestinien. Plus d'une dizaine de personnalités se sont succédé à la tribune pour justifier leur engagement pour l'urgence d'un Etat palestinien. Il y avait des anciens responsables politiques israéliens, tel Elie Bernavi, ex-diplomate, ou d'élus tel Daniel Cohn Bendit, d'animateurs de la diaspora juive tels David Chemla et David Sunskynd, des intellectuels proches d'Israël tel Bernard-Henri Lévy et bien d'autres Européens qui ont défendu leur «Appel à la raison» en ciblant leurs critiques sur la politique de l'actuel gouvernement d'Israël. Ils appellent à l'arrêt des colonies juives en territoires palestiniens, notamment dans Jérusalem-Est, et pressent le gouvernement israélien à reprendre le dialogue avec l'Autorité palestinienne avec, comme objectif, la création, dans l'année, d'un Etat palestinien viable. C'est dans le débat, au cours de la conférence de presse, que les limites de l'engagement de ce collectif est apparu, laissant place à un questionnement légitime de la nombreuse assistance. «Nous estimons que la poursuite des colonies est une erreur politique et une faute morale», est-il écrit dans l'appel. Constat réfuté en partie par Bernard- Henri Lévy qui a estimé que «s'il y a erreur politique, il n'y a pas de faute morale» de l'Etat d'Israël. De son côté, Véronique Ayoun, représentante des 18.000 juifs de Suisse, a débordé sur la question iranienne et a déclaré que «les gens ont de plus en plus peur de l'Iran et que cet appel à la raison suscite des débats en Suisse et des voix critiques et solidaires d'Israël». Un professeur d'université américaine a reconnu que «la politique de colonies de l'actuel gouvernement est une option destructrice de l'Etat d'Israël à moyen et long termes». Enfin, tous les intervenants ont été unanimes à assister Israéliens et Palestiniens dans un processus de paix : «laissés face à face, Palestiniens et Israéliens sont incapables de faire la paix», ont-ils affirmé. Ce ne sont là que quelques exemples d'interventions du collectif «J Call». Mais, détrompons-nous, l'unanimité des partisans de cet «Appel à la raison» n'est pas aussi générale que l'on croit. Car, au moment même du déroulement de la conférence de presse, un contre-appel signé par d'autres personnalités juives et non juives est distribué par le professeur belge Marc Abramowicz, et par lequel, ils expliquent le pourquoi de leur désaccord. L'OBJECTIF CACHé DE L'APPEL «J call veut la survie d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique. Il ne se préoccupe pas de rendre justice aux victimes du nettoyage ethnique de la Palestine. Il ne s'intéresse qu'à la préservation d'une majorité juive dans l'Etat d'Israël qui empêche tout retour des exilés qui le souhaiteraient. Cette conception de la démocratie n'est pas la nôtre», estiment les signataires du contre-appel. En effet, les promoteurs de «J Call», ne font, à aucun moment, référence aux frontières du futur Etat palestinien et surtout se déclarent ouvertement contre le droit du retour des exilés palestiniens sur leurs terres conquises par l'Etat hébreu. Selon eux, il faut que les Palestiniens abandonnent le droit du retour des exilés contre un Etat dont on ne sait quelles sont ses frontières. Dans ce sens, «J Call» ne fait rien d'autre que reprendre les appels de la communauté internationale, en particulier celui des USA, qui demandent à Israël l'arrêt des colonies en terre palestinienne et à Jérusalem-Est. Ce n'est pas tout, «J Call» dénonce les initiatives des nombreuses associations civiles qui prônent le boycott économique des produits israéliens commercialisés en Europe et ailleurs dans le monde. Et les opposants à l'appel de «J Call» ne se font guère d'illusion : «Nous pensons, quant à nous, que l'Union européenne ne pourra contribuer efficacement à faire cesser la politique de plus en plus raciste et criminelle menée par l'Etat d'Israël à l'égard des Palestiniens, qu'en sanctionnant cet Etat sur le plan économique». Ils ajoutent que «l'inaction et la complaisance de l'Union européenne, face aux innombrables infractions graves au droit international commises depuis si longtemps par l'Etat d'Israël, font honte aux citoyens européens que nous sommes». D'une manière générale, ce regain d'activisme autour de la question palestinienne démontre qu'Israël est arrivé aux limites de sa politique raciste et coloniale, et que le discours sur sa nature démocratique ne fait plus recette. Les opinions et peuples européens ont pris conscience de la réalité coloniale violente de l'Etat d'Israël, particulièrement au lendemain de l'agression criminelle contre Ghaza durant l'hiver 2008- 2009. Ainsi, «l'Appel à la raison» de J Call peut-il être interprété comme un mouvement visant à réduire et à calmer les campagnes engagées pour le boycott d'Israël, menées par les associations civiles, soutenues par les opinions publiques européennes et qui commencent à peser de leurs premiers effets sur l'économie israélienne. Par ailleurs, l'inscription de la question palestinienne au prochain Sommet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), qui se tiendra du 5 au 7 juin à Barcelone, n'est pas étrangère à ce soudain regain de la communauté juive «organisée». L'UPM, si chère au président français N. Sarkozy, n'aura aucun sens, ni aucune chance d'aboutir sans la création d'un Etat palestinien dans ses frontières de 1967. Et puis, est-ce le hasard qui a fait que «J call» et son appel à la raison est né à Paris ?