Le premier objectif des membres du G8, réuni à Huntsville, une petite bourgade du Canada, est d'offrir l'apparence d'unité. Quitte à se forcer Les membres du « gouvernorat de l'économie mondiale » auront donc multiplié les signes d'une entente de façade alors qu'ils font face à des situations et des objectifs divergents. Quoi de mieux de s'offrir un coup de pub sur le thème de la générosité en annonçant des contributions de cinq milliards de dollars en faveur de la santé maternelle et infantile dans les pays en développement. C'est ce que les puissants aimeraient laisser comme image, « l'initiative de Muskoka » à laquelle contribue le G8, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, l'Espagne, la Suisse, la Fondation Gates et la Fondation des Nations unies. Pour saisir l'aspect spectacle de l'annonce et comprendre l'échelle de la dépense, il suffit de constater avec Guillaume Grosso, responsable de l'organisation humanitaire One que le «Canada a réussi à trouver au moins 1,1 milliard qui seront dépensés pour la sécurité du G8 et du G20 en une semaine, et 1,1 milliard également à dépenser en cinq ans pour la santé dans les pays pauvres». Voilà de la communication à bon prix pour des gouvernants qui ont dépensé des milliers de milliards de dollars pour voler au secours des banques. Pour le reste, les divergences d'approches, liées aux différences de contextes, restent de mise. Les pays européens qui craignent une baisse de leur notation financière - ce qui est arrivé à la Grèce et risque d'arriver à d'autres pays du «club med», selon la formule sarcastique des Allemands - privilégient la lutte contre les déficits et, à l'instar de la chancelière allemande, ne veulent presque pas entendre parler de relance. Divergences entre l'Europe et les Etats-Unis Une baisse des notations implique que les Etats européens payeront leurs emprunts à des niveaux élevés ce qui veut dire un service de la dette plus important et un risque de mouvements spéculatifs sur le marché de la dette alors que globalement (si on agrège leurs comptes) les Européens sont mieux lotis que les USA. A l'opposé, les Etats-Unis veulent relancer la croissance mondiale et ne se soucient pas de la question de l'endettement. Quand on fabrique soi-même le dollar avec lequel on rembourse sa dette on peut comprendre que les Américains n'aient pas les mêmes angoisses des Européens. Mais puisqu'il faut cultiver la façade, tout le monde, y compris Barack Obama, se dit en faveur de la réduction des déficits. Les divergences concerneraient le rythme et non l'action proprement dite. Il est pourtant clair qu'il s'agit d'une divergence de fond. Obama a cependant renoncé à trop insister. L'ensemble du G8 est dans une position d'attente. De quoi ? Les plus pessimistes rappellent que la guerre a toujours été une option quand le capitalisme fait face à une crise. La guerre, une alternative ? Au regard des tensions qui s'accumulent autour de l'Iran et de la Corée du Nord, ces projections ne relèvent pas de la pure spéculation. Fidel Castro, en retrait des affaires mais continuant à scruter attentivement les jeux impériaux a écrit, dans sa dernière réflexion, intitulée «Que j'aimerais me tromper» : «J'avais cru au départ, après avoir analysé la situation, que la deuxième guerre coréenne serait le détonateur de la seconde guerre imposée à l'Iran par les USA. La réalité s'est inversée : la guerre d'Iran déclenchera aussitôt la guerre de Corée ». L'Iran et la Corée du Nord seront d'ailleurs au menu « divers » du G8. Et si le pire n'est jamais sûr, les plus froids constatent que la guerre est une « alternative crédible » et que détruire pour relancer constitue une hypothèse « rationnelle». En tout cas aucun accord n'a été trouvé au sujet de l'imposition d'une taxe aux banques. «Il n'y a pas d'accord pour une taxe bancaire globale», a déclaré lors d'une conférence de presse Len Edwards, principal négociateur canadien au G8. Chaque pays reste cependant « libre de procéder comme il l'entend ». Sur cette question, les pays qui n'ont recouru à l'argent du contribuable pour renflouer les banques et les sauver de la faillite ne voient pas pourquoi ils créeraient une telle taxe défendue par la France, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. En attendant le G20 qui devait s'ouvrir samedi soir, à Toronto, les membres du G8 (Stephen Harper (Canada), Barack Obama ( Etats-Unis), Dimitri Medvedev (Russie), Nicolas Sarkozy (France), Angela Merkel (Allemagne), Silvio Berlusconi (Italie), Naoto Kan (Japon) et David Cameron (Grande-Bretagne) se sont offerts, comme de coutume depuis le G8 de Kananaskis, au Canada en 2002, un intermède africain en accueillant six chefs d'Etat africain dont Abdelaziz Bouteflika auxquels se sont ajoutés trois chefs d'Etat de pays d'Amérique centrale et du Sud.