C'est la mode : un drapeau par humeur et pas un drapeau par peuple. D'ailleurs, c'est quoi un drapeau ? C'est le vêtement collectif d'un peuple. Son paraphe dans les vents, en quelque sorte. Donc, longtemps après la naissance des drapeaux qui ont donné naissance aux peuples qui ont donné naissance aux nationalismes, les drapeaux reviennent mais pour signer des sortes de guerres et paix individuelles. Selon la frontière, un drapeau prend le sens du sens ou du contre-sens. Explication : un Français d'origine algérienne a été frappé et jugé parce qu'il a porté un drapeau algérien, dans un quartier français, face à un président français. De l'autre côté de la frontière mémorielle, dix-huit personnes, interpellées le 22 juin lors des émeutes du bidonville de Sidi Salem, dans la commune El Bouni (Annaba), ont été condamnées, le mardi 6 juillet, tard dans la nuit, par le tribunal correctionnel d'El Hadjar, à des peines de prison ferme variant de 2 à 8 ans, selon un journal. La cause : les manifestants sont jugés, entre autres, pour avoir brûlé l'emblème national et défilé en déployant le drapeau français. C'est pour dire qu'un drapeau peut être une sorte de « drapal », singulier inconnu de drapeau, pour signifier l'usage du drapeau pour des raisons contraires au drapeau et pour cause d'une guerre personnalisée. Le drapeau n'est uniquement qu'un drapeau, cependant. Le tissu en est la matière, l'histoire en est la couleur, mais l'hymne en est le son qui lui donne sens. (Ah la platitude imposée par le vendredi !). Et dans la série des crises des signes ostentatoires du nationalisme face à l'islamisme ou au révisionnisme ou à l'habitat précaire, on notera aussi la série des imams en révolte assise. Des cas sont signalés, un peu partout, d'imams qui refusent de se lever pour l'hymne national du pays qui les paye. Là aussi, un étrange schéma spirite se dessine sous le nez de tous : 1°- l'hymne français est sifflé en France dans un stade. 2° - Des imams refusent de se lever pour l'hymne de leur pays en Algérie. 3°- D'autres imams, envoyés en France par le ministère des Affaires religieuses, refusent de revenir du pays où ils doivent se lever pour laisser s'asseoir les femmes, vers le pays qui leur demande seulement de se lever quand l'hymne est chanté. 4° - Des millions d'Algériens pleurent quand ils entendent l'hymne de leur pays dans un stade, même quand ils n'y sont pas et sont fiers de voir leur drapeau à Cap Town, au fronton de la boutique d'un coiffeur boujiote immigré. C'est dire qu'un drapeau n'est plus un pluriel, mais une sorte d'étrange singulier selon l'humeur, la passion ou la colère et la frontière. Revenons donc sur la définition des dictionnaires pour méditer sur une étrange collusion entre le signe et le sous-entendu : «À l'origine, un drapeau est une pièce d'étoffe attachée à une hampe, qui permet, grâce à l'emblème qui y est représenté, de le rattacher à un groupe, un pays (une nation), une région, une ville, une unité militaire ou un organisme ». On aurait pu s'en suffire : dans le cas de l'Algérie, le vert représente l'Islam, le rouge, les martyrs et le blanc représente la paix. Ceci pour le drapeau. Quand au drapal, une étrange découverte donne un autre sens aux couleurs, si on leur applique celles des surveillants des plages et de l'infini : le rouge représente l'interdit de se baigner dans une certaine zone du pays, le vert explique que la baignade est autorisée dans la moitié du pays. Et le blanc ? Il est utilisé généralement pour signaler un banc de méduses.